Année : 2023

  • SENEGAL-ENVIRONNEMENT-COMMEMORATION-REPORTAGE / Bamboung, une idée des trésors du delta du Saloum – Par Mohamed Tidiane Ndiaye (APS)

    SENEGAL-ENVIRONNEMENT-COMMEMORATION-REPORTAGE / Bamboung, une idée des trésors du delta du Saloum – Par Mohamed Tidiane Ndiaye (APS)

    Toubacouta, 1er fév (APS) – Bamboung, pour celui qui ne le sait pas, renvoie à 13 villages du Niombato, terroir traditionnel correspondant plus ou moins à l’arrondissement de Toubacouta, au cœur du delta du Saloum, là où nature et culture se rejoignent pour constituer un patrimoine d’exception.

    L’aire marine protégée communautaire (AMPC) de Bamboung tire profit de ce cadre figé dans les merveilles de la nature pour donner plus d’envergure à mieux la renommée de ces contrées du département de Foundiougne, sans doute la destination la plus attractive de la région de Fatick (centre).

     

     

     

     

     

     

     

    Il se sent une atmosphère de fin d’hivernage sur la route menant à Toubacouta, en cette fin janvier. Un matin d’air frais conjugué à un soleil sans rayons. La fin de la saison des pluies se lit dans le tapis herbacé déjà jauni. C’est le temps des récoltes, et cela se voit bien dans quelques hangars remplis d’arachide et les piles de sacs de foin stockées de part et d’autre de la route.

    A mesure que le voyage se poursuit dans les profondeurs du Niombato, le paysage devient plus touffu par des rangées d’arbres séculiers surplombés par un feuillage généreux. Les multiples traversées de troupeaux à la recherche de pâturages plus fournis rendent cette carte postale plus vivante et attrayante. Malgré la distance, le voyageur ne sent pas le temps passer, subjugué qu’il est par un paysage jusqu’au bout captivant.

    Toubacouta se découvre en commune rurale perdue dans les confins du département de Foundiougne, non loin de la ligne frontalière avec la Gambie voisine, avec cette particularité que les sites hôteliers et autres campements touristiques côtoient les habitations. Les champs et les vergers se confondent tout autant. Des pontons artisanaux construits en bois et bordés par des arbres bien fleuris relient la terre ferme aux affluents du fleuve Saloum.

    ‘’Mettez vos gilets de protection. Ce sera une journée chargée où nous allons visiter différents sites de l’aire marine protégée de Bamboung’’, lance le capitaine Lamine Kanté, conservateur de l’AMPC de Bamboung, à l’accueil d’officiels du ministère de l’Environnement et du Développement durable et de journalistes. Les visiteurs ont déjà pris place dans trois pirogues bien amarrées sous le ponton d’un célèbre hôtel à Toubacouta.

    La voix du capitaine couvre à peine le vrombissement presque simultané des moteurs des trois chaloupes, coup d’envoi de cette visite guidée.

    ‘’Nous allons faire la grande boucle de Bamboung. Nous démarrons par la visite de Diorome Boumak, un site historique devenu une île d’amas coquillers’’, dit le capitaine pour annoncer le programme de la visite, sans vraiment se faire entendre à cause du vacarme provoqué par l’enthousiasme des visiteurs.

    C’est parti pour une visite des principaux sites de Bamboung, une ancienne réserve naturelle de 7.000 hectares érigée en aire marine communautaire protégée par l’Etat du Sénégal en 2004.

    A l’origine, la localité de Bamboung avait été érigée en réserve naturelle communautaire à l’initiative du conseil municipal rural de Toubacouta. Deux ans après cette décision des élus locaux, un décret présidentiel était venu consacrer sa mutation en aire marine.

    Tout au long du trajet, à travers le Diomboss et le Bandiala, deux fleuves côtiers qui se jettent dans l’océan Atlantique et arrosent Toubacouta, les bolongs (chenals) sont ceinturés par des rangées de mangroves, ces zones de reproduction et de refuge de poissons, de crevettes, d’huîtres et d’autres crustacés.

    Cette galerie de mangroves amphibies constitue aussi des espaces de nidification pour les oiseaux migrateurs.

    L’un des noyaux de la réserve de biosphère du delta du Saloum, dont Bamboung est la composante principale, est un site classé au patrimoine culturel de l’UNESCO depuis 2011. Bamboung compte aussi depuis 1981 parmi les ‘’12 plus belles baies du monde’’. Un tableau complété par une mangrove de 3.506 hectares et une savane de 433 hectares, lieu de refuge de plusieurs mammifères, sans compter une forêt-galerie de 38 hectares, une sorte de formation forestière associée à des cours d’eau et à des zones humides.

    Un site mémoriel de trois mille ans d’histoire 

    Tout à la contemplation de ce paysage magnifique, la vue d’un bloc de terre au milieu de nulle part attire l’attention du visiteur. Le regard se fige sur un paysage pittoresque. ‘’Bienvenue à l’île au coquillage ou l’île des amas coquillers’’, annonce le conservateur de l’AMPC de Bamboung, bien en évidence dans son uniforme vert, un béret de même couleur bien vissé sur la tête.

    La grande muraille verte représentée par les lignes de mangroves laisse apparaître une sorte de mur blanc fait d’impressionnants amas de coquillages. Des stigmates des vagues sur un bloc de rochers sont encore visibles par endroits. Plusieurs tas de coquilles vides s’amoncellent dans un coin. Près d’un entrelacs de branches d’arbres et d’arbustes qui se termine par un enchevêtrement de lianes. Un baobab au tronc imposant dessine enfin une ligne d’horizon comme un point d’attraction.

    ‘’Ce site est le témoin de plus de trois mille ans d’histoire. Il y a plus de 7.000 tonnes de coquillages. Cela démontre qu’il y avait ici des activités économiques depuis au moins plusieurs siècles’’, explique le capitaine Lamine Kanté dans un silence dont le charme est à peine rompu par un concert d’insectes et des gazouillements d’oiseaux.

    ‘’Des fouilles effectuées par des experts de l’IFAN (Institut fondamental d’Afrique noire), un laboratoire de recherches de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, ont montré que plusieurs personnes y sont enterrées. Des prélèvements d’ossements humains ont été faits’’, ajoute le conservateur.

    Il désigne ensuite un baobab considéré comme un site sacré. ‘’Au moins 128 corps humains sont enterrés dans son tronc. D’après l’histoire, il recevait des corps de griots qui y sont enterrés avec leurs bijoux’’, poursuit Lamine Kanté, en référence à un rite funéraire ancien pratiqué dans la Sénégambie.

    Un point de transit d’esclaves en route vers Gorée 

    Le mystère demeure entier quant à l’identité des populations qui habitaient ces lieux encore marqués par la présence d’un tonnage important de coquillages en plusieurs piles superposées sous forme d’étages.

    Des versions non encore certifiées par des recherches en cours évoquent un site de ‘’transit d’esclaves venant de partout en Afrique avant de rejoindre Gorée’’, l’île abritant une maison d’esclaves au large de Dakar.

    ‘’L’on parle aussi de peuples qui venaient ici par réflexe de survie en période de crise, de famine ou de maladies, parce que les côtes gardent toujours des ressources permettant de vivre ou de survivre’’, ajoute le colonel Mamadou Sidibé, directeur des aires marines communautaires protégées au ministère de l’Environnement et du Développement durable.

    La représentation mentale du trésor que pourrait contenir ces vestiges n’est pas sans enthousiasmer les visiteurs, dont la Française Charline Panossianc, qui appelle de ses vœux à la poursuite des recherches pour ‘’déterminer avec plus de précision la valeur de ce site rempli de mystères’’.

    Mme Panossianc est chargée de projet à l’Agence française de développement (AFD), à Dakar. L’AFD a injecté près de sept milliards de francs CFA dans un programme de développement des mangroves dans plusieurs aires marines protégées du Sénégal, dont celle de Bamboung.

    ‘’Nous allons voir la possibilité d’inclure dans ce programme des bourses de recherches et de thèses de doctorat pour mieux étudier et affiner ce qui se raconte concernant ce site mémoire’’, confie-t-elle au reporter de l’APS, avant de prendre place dans une pirogue pour la poursuite de la tournée de la boucle de Bamboung.

    Le soleil, jusque-là éclipsé par les nuages, fixe désormais ses rayons sur les affluents du delta du Saloum devenus plus scintillants mais calmes. Les trois pirogues qui se suivent de près font un détour par un petit bolong pour arriver au mirador de Bamboung.

    ‘’Nous sommes dans un site important de l’aire marine protégée de Bamboung. Il s’agit du mirador. C’est à peu près la brigade de police, avec une approche dissuasive et non répressive’’, précise le capitaine Lamine Kanté.

    Il s’agit d’une sorte de minaret qui surplombe le site, à près de 30 mètres. Il offre une vue panoramique de Bamboung. Installé sur un bout de terre en haute mer, il est doté d’aires de repos faites de cases en pailles, de deux blocs de toilettes, quelques habits délavés à même le sol et divers détritus meublant le décor.

    ‘’Nous sommes dans une zone très poissonneuse. Au moins 78 espèces de poissons sont identifiées ici. La pêche est interdite en ces lieux, ce qui explique l’aménagement du mirador’’, avec des équipes d’agents communautaires se relayant ‘’toutes les quarante-huit heures’’, explique Lamine Kanté.

    Cogestion et engagement communautaire 

    Plusieurs écogardes volontaires venant des villages de Bamboung sont désormais recrutés par l’Etat après près de deux années de ‘’bénévolat et d’engagement communautaire’’.

    Compte tenu du potentiel à préserver au bénéfice des communautés, les autorités ont pris les devants pour mettre fin à un bénévolat qui exposait des surveillants vulnérables à la détermination de pêcheurs n’hésitant pas à débourser de l’argent pour jeter leurs filets dans ces eaux poissonneuses.

    ‘’Plusieurs fois, des pêcheurs sont venus nous voir pour nous proposer de les laisser pêcher dans le périmètre maritime interdit à cette activité, en contrepartie de sommes d’argent allant jusqu’à 100.000 francs CFA. Mais nous avons toujours rejeté leur offre parce que nous savons ce que la ressource apporte à nos communautés’’, confie Koutoubo Basse, un surveillant en service au mirador de Bamboung.

    ‘’La loi prévoit de lourdes sanctions à l’encontre de ceux qui sont tentés de pêcher dans ces eaux interdites, qui servent de zones de reproduction pour 78 espèces de poissons’’, explique le capitaine Lamine Kanté, avant d’indiquer à ses hôtes la dernière étape de la visite.

    Le groupe met alors le cap sur le ‘’campement Bamboung’’, un espace aménagé, pourvu notamment de toutes les commodités permettant de vivre la meilleure expérience écotouristique possible.

    En empruntant le grand bolong de Bamboung, un ravissement saisit les visiteurs qui sortent de leur torpeur en lançant des cris d’émerveillement, ébahis qu’ils sont de contempler sans frais ce spectacle rare, tout précieux.

    Visiteurs imprévus, des dauphins surgissent, de part et d’autre des chaloupes, en sautant hors de l’eau à intervalles réguliers. Le crépitement des appareils photo retentit de plus belle. Histoire d’immortaliser ces moments magiques et instants rares. Les cris d’émerveillement se multiplient. La fatigue et la torpeur sont oubliées. Ça grouille tout autour, devant le mystère et la beauté à l’état pur.

    ‘’C’est un jour de chance. Admirez ces acrobaties. Quel magnifique comité d’accueil. Ce n’est pas tous les jours que les visiteurs de Bamboung sont accueillis par une belle danse des dauphins’’, lance, en s’amusant, le colonel Mamadou Sidibé, chef de la délégation.

    ‘’Ces dauphins sont des emblèmes du parc du delta du Saloum’’, ajoute le directeur des aires marines protégées communautaires.

    Ce spectacle a réveillé et égayé les voyageurs jusqu’à l’arrivée au campement naturel de Bamboung, dont le décor est fait d’amas de terre sablonneux, de quelques rochets fissurés par les vagues, de cases en paille, plus quelques ceintures de palissades. Il y a également là de grands arbres à l’ombre généreuse, des tas de coquillages, des anacardiers et le bouclier naturel constitué par les mangroves.

    Danse des dauphins et concert des hyènes

    A cette étape de l’excursion, les voyageurs sont reçus dans un imposant cadre aménagé avec de la paille et du bois, en forme de chapiteau.

    Le campement de Bamboung symbolise la réussite de l’écotourisme. Un modèle que les gérants se plaisent volontiers à mettre en exergue en présence d’autres responsables d’aires marines protégées venant de la Casamance, dans le sud du Sénégal.

    ‘’Au début, il y avait une grande réticence. Mais aujourd’hui les communautés s’approprient [ce modèle de gestion et de conservation] de nos ressources. Il y a une bonne cogestion entre l’Etat et les communautés. Rien que ce campement, qui accueille des touristes et des chercheurs, nous rapporte beaucoup’’, se réjouit Ibrahima Ndiaye, le président du comité de gestion de l’AMPC de Bamboung.

    ‘’Nous avons toutes sortes d’espèces à Bamboung : des chacals, des phacochères, des dauphins, des oiseaux migrateurs, etc. Mais le concert des hyènes est une merveille’’, relève Bakary Dabo, le secrétaire général du comité de gestion. Il n’a pas terminé sa phrase qu’un phacochère se met à rôder autour du campement, suscitant une grosse curiosité chez les visiteurs.

    ‘’Le modèle de Bamboung nous inspire. Nous sommes une aire marine protégée naissante. C’est pourquoi nous sommes venus pour apprendre la façon dont celle de Bamboung est gérée’’, déclare Papa Mor Faye, l’adjoint du conservateur de l’AMP de Niamone-Kalounayes, en Casamance.

    Les huîtres, refuge économique des femmes 

    Sur le chemin du retour, la marée basse contraint les visiteurs à faire presque du surplace sur une distance de deux kilomètres pour rejoindre le village insulaire de Sipo, lieu d’accostage des pirogues de l’équipée.

    Sipo, île qui tient sa renommée de la personnalité de sa reine traditionnelle, Fatou Mané, décédée le 12 avril 2022. De son vivant, celle qui a reçu les honneurs de l’Agence sénégalaise de promotion touristique a fait élargir l’audience de son île natale au-delà des frontières sénégalaises.

    A Sipo prospèrent de nombreuses activités génératrices de revenus à partir de l’exploitation des produits de la mer, dont les huîtres séchées. Du miel issu de la mangrove, des pains de singe et des tas d’oseille de Guinée et d’autres fruits de mer sont exposés à l’attention du visiteur.

    ‘’Il y a une diversité d’activités génératrices de revenus. Les femmes ont constitué des groupements d’intérêt économique pour exploiter les ressources halieutiques. Elles s’activent également dans l’apiculture. Récemment, au moins 130 millions de francs CFA ont été déboursés pour booster ces activités’’, se réjouit Lamine Kanté.

    ‘’L’exploitation des ressources de la mer nous permet d’avoir une certaine indépendance financière. C’est notre refuge. Nous alimentons plusieurs parties du pays en fruits de mer. En plus, les touristes et les voyageurs raffolent de nos produits’’, confirme Khady Diouf, l’une des vendeuses de ce marché de fortune installé sur les berges de l’île de Sipo.

    Soixante-dix-huit espèces de poissons, 20 amas coquillers et 154 espèces végétales

    ‘’L’on ne peut pas estimer la valeur financière de Bamboung. C’est insondable parce que Bamboung, vu ses merveilles naturelles et son poids culturel et cultuel en termes de retombées touristiques, a un potentiel infini, au-delà de toute estimation’’, fait valoir le capitaine Lamine Kanté, conservateur de ce site de 7.000 hectares, avec ses 20 sortes d’amas coquillers, ses 154 espèces de végétaux et ces centaines d’espèces d’oiseaux. Sans compter plusieurs espèces d’animaux, dont des tortures marines et terrestres.

    ‘’Une étude avait été menée sur la valeur chiffrée du potentiel du delta du Saloum. Elle l’avait estimée à des milliers de milliards de francs CFA. Et Bamboung représente 30 %, voire 40% du delta’’, assure Bakary Dabo.

    L’étude en question est un document de 51 pages, que l’APS a consulté. Elle est réalisée par plusieurs organisations spécialisées, dont Wetlands International, une organisation mondiale à but non lucratif, vouée à la conservation et à la restauration des zones humides.

    Intitulé ‘’Evaluation des actifs durables du delta du Saloum’’, le document tente une ‘’évaluation économique de la contribution du delta du Saloum au développement durable, en se concentrant sur les zones humides et les mangroves’’.

    Des potentialités inestimables, mais le pétrole et le gaz pourraient être des menaces sur Bamboung

    L’étude démontre que ‘’la valeur des services écosystémiques du delta du Saloum peut augmenter pour atteindre 5,4 milliards d’euros (3.542 milliards de francs CFA)’’. ‘’Le revenu du travail généré pourrait augmenter encore pour atteindre 14,8 milliards d’euros (9.708 milliards de francs CFA) sur une période de quarante ans’’, ajoute-t-elle.

    Mais cet énorme potentiel pourrait subir de réelles menaces liées à l’exploitation pétrolière et gazière qui se profile dans cette zone.

    L’Etat du Sénégal a annoncé que Sangomar, nom géographique d’une île située dans le parc national du delta du Saloum, est l’un des plus importants blocs gaziers découverts dans le pays. Les réserves de ce bloc sont estimées à quelque 5 milliards de barils pour une production nominale de gaz naturel d’environ 100.000 barils par jour.

    ‘’Cette exploitation pourrait avoir des répercussions sur les activités économiques habituelles et l’écosystème naturel. Mais nous allons essayer de sensibiliser les communautés à des solutions d’adaptation’’, assure le conservateur de l’AMPC.

    Les craintes du capitaine Lamine Kanté se justifient bel et bien, si l’on se fie à l’étude précitée, selon laquelle l’exploitation pétrolière et gazière pourrait entraîner ‘’une réduction du stock de mangroves saines et une perte correspondante des services écosystémiques’’.

    ‘’Ce scénario a été inclus dans l’étude parce qu’il existe actuellement des licences accordées pour l’extraction pétrolière offshore du delta du Saloum’’, précise le document.

    Dernières images, pour garder espoir. Sur le chemin du retour, le soleil crépusculaire se met subitement à irradier de ses rayons colorés un affluent de fleuve. Il y a ensuite la vision de cette nuée d’oiseaux, des pélicans en majorité, en train de se percher sur la pointe des mangroves. D’autres se mettent à survoler tout autour pour saluer par la fin de la journée.

    ‘’Après la danse des dauphins, les oiseaux se chargent du spectacle final comme pour nous dire au revoir’’, s’enthousiasme un passager.

    Bamboung en chiffres

    1981 : Bamboung est classé parmi les 12 plus belles baies du monde

    2002 : délibération du conseil municipal pour la création de la réserve naturelle communautaire de Bamboung

    2004 : signature d’un décret présidentiel pour faire de Bamboung une AMPC

    2011 : Bamboung est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO

    7.000 : le nombre d’hectares de Bamboung

    13 : le nombre de villages

    78 : le nombre d’espèces de poissons répertoriées

    154 : le nombre d’espèces végétales

    20 : le nombre d’amas coquillers

    433 : le nombre d’hectares de savane

    3.506 : le nombre d’hectares de mangroves

    38 : le nombre d’hectares de forêt

    Une inconnue : le potentiel de Bamboung.

    MTN/BK/ESF

  • SENEGAL-MIGRATION-GENRE / Les migrantes, héroïnes négligées du développement économique

    SENEGAL-MIGRATION-GENRE / Les migrantes, héroïnes négligées du développement économique

    Dakar, 28 jan (APS) – Les femmes sont de moins en moins considérées comme de simples figurantes du projet migratoire des familles dont elles constituent un moteur important de l’ambition de réussite, au Sénégal comme dans bien d’autres pays d’accueil. Il en résulte que la contribution des migrantes à la création de richesse est une donnée essentielle de ce phénomène, à rebours de tous les clichés sur le sujet.

    Par Aïssatou Bâ (APS)

    La migration, régulière ou non, concerne toutes les catégories de population, dont les femmes, actrices importantes d’un phénomène qui a toujours contribué à la prospérité des pays, à travers les âges et les siècles, malgré la force des préjugés et des idées reçues.

    Des migrantes de nationalité sénégalaise ou des étrangères vivant au Sénégal, témoignent pour l’APS des bienfaits de la migration qui leur a permis de prendre leur destin en main en s’ouvrant au monde et en se confrontant à d’autres réalités et cultures.

    Aïda Sock, une Sénégalaise d’une trentaine d’années, en est un bon exemple. Cette artiste chanteuse et entrepreneure, a un point de vue plutôt tranché sur la question, en parlant de la migration en termes d’opportunités.

    Il est important de partir, sous-entendu chacun doit avoir la possibilité d’aller voir d’autres horizons, chaque fois que le besoin de découvrir des cultures différentes et des choses nouvelles se fait ressentir, dit cette diplômée en administration des affaires et en commerce international du Miami Dade College et de l’université internationale de Floride, aux Etats-Unis.

    Aïda Sock considère que son séjour aux Etats-Unis lui a apporté plus de savoir-faire et d’ouverture d’esprit sur le monde, malgré la perception négative que l’opinion a du migrant dans certains pays et sociétés.

    Au pays de l’Oncle Sam, elle dit avoir ressenti de la curiosité plus qu’autre chose dans le regard que les autres posaient sur lui, surtout pas de mépris.

    ‘’Il y avait beaucoup de curiosité vis-à-vis de quelqu’un venu d’Afrique dans les normes, qui travaille et gagne sa vie. Il y a eu plus d’ouverture de portes qu’autre chose’’, confie-t-elle en riant.

    ‘’Je suis partie aux Etats-Unis pour étudier, avoir plus d’expérience mais également pour travailler. Et lorsque j’ai fini mes études, j’ai décidé volontairement de rentrer pour apporter à mon pays ce que j’ai reçu à l’étranger’’, explique Aïda.

    A son retour au bercail, la jeune artiste qui compte notamment une participation à ‘’The Voice Afrique francophone’’, version africaine francophone de l’émission de télécrochet The Voice, se sent suffisamment armée pour lancer son entreprise et s’engager dans les affaires. Ce qui constitue à ses yeux la meilleure manière de participer à la création de richesse au profit de son pays

    Aïda a porté cette entreprise sur les fonts baptismaux avec l’aide de sa sœur et en se servant des différentes expériences professionnelles qu’elle a acquises à l’université mais aussi dans le domaine du mannequinat.

    Cette entreprise spécialisée dans l’art, la mode et la nourriture, a contribué à créer des emplois mais a surtout ‘’apporté une nouvelle approche dans ce domaine, un traitement salarial différent, de l’embauche, la formation des employés et plus d’opportunités avec des partenaires’’, se félicite la jeune entrepreneure.

    L’appétit venant en mangeant, Aïda lance une autre entreprise dans le domaine de l’art sous son propre label ‘’Mandarga Music’’, histoire de se tester et de voler de ses propres ailes.

    La jeune femme, pas dupe, laisse entendre que les risques encourus par cette entreprise individuelle sont bien calculés.  ‘’En tant que femme, dit-elle, je sais qu’il y a une question de sécurité qui se pose. C’est plus une question de s’assurer juste de ne pas partir sur un coup de tête, mais de faire attention sur sa destination et d’avoir un objectif à atteindre’’.

    L’artiste musicienne convient que parfois il est important de partir de son pays pour mieux apprendre de la vie et s’imprégner d’autre chose, avoir plus de bagages pour apporter un plus à son pays d’accueil et d’origine.

    Mais il demeure que la migration, surtout dans le cas des femmes, doit se faire ‘’dans les règles’’, de manière régulière, pour que personne ne soit amenée à risquer sa vie, observe-t-elle.

     

    Partir pour apprendre, se confronter à d’autres horizons

    De nationalité ivoirienne, Nathalie Nguessan est établie au Sénégal depuis 20 ans et ne manque jamais de louer l’importance de la formation qu’elle a reçue dans ce pays d’accueil où elle se sent épanouie.

    Désormais mariée et mère de 3 enfants, cette employée de l’ONG Enda Energie dont elle est la responsable de la communication, n’était venu au Sénégal que pour renforcer sa formation et acquérir plus de connaissances.

    Nathalie se dit plus que jamais décidée à rester dans son pays d’accueil, devenu, par la force des choses, sa seconde patrie.

    ‘’Je ne voyais pas l’opportunité de rester [en Côte d’Ivoire] dans un contexte de crise politique à l’époque, et je m’étais dit pourquoi pas chercher quelque chose au Sénégal, vu que j’ai fait ma formation ici’’, se justifie cette experte en communication, qui insiste sur la solidité de son cursus de formation ayant facilité son insertion professionnelle au Sénégal.

    ‘’Plusieurs personnes dans mon cas ont tenté de trouver du boulot ici, sans succès, et ont décidé de rentrer au pays, mais moi par contre, j’ai eu de la chance. Ce pays a été un terrain d’apprentissage pour moi, surtout dans le domaine du développement durable’’, indique Nathalie.

    Mme Nguessan reconnait, par contre, avoir dû s’adapter à la culture sénégalaise, ce qui lui a permis de facilement faire valoir ses compétences professionnelles.

    ‘’Ma présence au Sénégal m’a permis d’aller au-delà de mon travail, pour entreprendre dans le domaine des cosmétiques en valorisant nos matières comme le cacao et le karité’’, renseigne Nathalie Nguessan, qui s’adonne au business à ses heures perdues.

    Tout comme Aïda Sock, Nathalie soutient que la migration reste une bonne chose, en ce qu’elle permet aux femmes surtout de prendre leur destin en main, à condition qu’elle soit régulière.

    ‘’C’est possible de réussir en Afrique aussi, moi j’en suis la preuve. Il n’y a pas que l’Occident qui offre cette opportunité. Même ici, on peut créer des activités génératrices de revenus, mais tout dépend du domaine dans lequel vous vous engagez’’, poursuit-elle.

    Nathalie va plus loin. La migration Sud-Sud reste plus bénéfique que celle Nord-Sud, affirme la native de Côte d’Ivoire, qui invite à se tourner vers les pays du continent, plutôt que de tenter l’aventure en mer pour un hypothétique Eldorado européen.

    ‘’L’Afrique est un terrain vierge’’, constate Nathalie d’un air plutôt sérieux pour le coup, avant d’ajouter : ‘’Les Occidentaux eux-mêmes viennent travailler ici. Si on a la formation et l’accompagnement nécessaire, on peut faire plus dans le continent’’.

    Toujours est-il que Mme Nguessan dit se réjouir de voir de plus en plus de femmes profiter des opportunités offertes par la migration pour prendre leur destin en main et devenir de réels soutiens pour leurs familles.

    Halima Saker Ahmed Damoh, une jeune entrepreneure d’origine tchadienne, parle à ce sujet d’une véritable prise de conscience féminine, se disant fière à titre personnel de se découvrir des capacités à franchir les obstacles de la vie pour aller toujours de l’avant.

    A l’entendre, le Sénégal et la gentillesse dont les Sénégalais ont fait preuve à son égard n’y sont pas étrangers, la vie dans ‘’le pays de la Téranga’’ lui ayant permis d’ouvrir les yeux sur beaucoup de choses et de devenir plus autonome.

    ‘’Je me suis fait une autre famille ici au Sénégal, avec des voisins et des personnes qui m’ont accompagnée depuis mon arrivée, en 2006’’, relève Halima, trouvée dans son bureau à Keur Ndiaye Lô, à une trentaine de kilomètres de Dakar, dans le département de Rufisque.

    Cette femme battante aux multiples casquettes, entrepreneure dans le domaine de la menuiserie moderne, se félicite surtout de la tolérance dont les Sénégalais font preuve à l’égard des migrants.

    Mme Damoh, conquise par ce trait de caractère des Sénégalais, demeure sous le charme de son pays d’accueil, qu’elle considère comme le sien.

     

    Femme battante aux multiples casquettes

    Dans sa petite entreprise de menuiserie moderne, elle emploie quelques Sénégalais avec lesquels la Tchadienne d’origine entretient des rapports empreints de cordialité et de respect mutuel, comme souligné par l’entrepreneure elle-même.

    ‘’Mon entreprise vient à peine de naitre mais j’ai pu créer de l’emploi ici au Sénégal grâce à ce que j’ai appris à l’école. Mon ambition est de faire plus que ce que je fais aujourd’hui’’, indique cette diplômée en ingénierie financière.

    D’après Mme Damoh, le Sénégal demeure un pays de paix et de justice pour tous. ‘’Peu importe tes origines, dit-elle, lorsque tu as raison, la justice sera toujours en ta faveur’’.

    L’analyse de la socio-anthropologue Oumoul Khaïry Coulibaly, spécialiste de la migration, donne toute la mesure de la place des femmes migrantes dans les pays d’origine et de destination.

    ‘’Certaines créent des emplois, même si elles sont moins nombreuses. Elles contribuent aussi à l’économie, à travers les transferts de fonds et de matériels, payent des taxes quand elles créent des activités, mais tout cela reste invisible’’, pour des raisons liées à la perception que la société a des migrations féminines, souligne-t-elle.

    Il résulte de ce constat que les migrantes ont ‘’un rôle social très important’’, selon cette socio-anthropologue, enseignante-chercheuse à l’Ecole supérieure d’économique appliquée (ESEA) de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD).

    ‘’Elles contribuent à l’économie de leur famille, voire prennent entièrement en charge les besoins de leurs proches, mais on a tendance à l’oublier, parfois’’, dit Oumoul Khaïry Coulibaly.

    ‘’Si on parle peu de la réussite des migrantes, cela est du à l’image que l’on a d’elles. Étant perçues comme des accompagnatrices passives, elles sont rarement considérées comme une catégorie sociale à part entière et ayant un projet migratoire’’, analyse-t-elle.

    ‘’Et pourtant, avance-t-elle, même celles qui partent dans le cadre familial sont souvent animées d’une ambition de réussite socioéconomique. Il en est de même pour les migrantes de retour et de leurs activités dont on parle peu’’.

    La faute aux représentations sociales négatives qui empêchent une bonne perception de l’importance du rôle de la femme, observe la socio-anthropologue.

    ‘’Dans nos sociétés africaines, le rôle de l’homme comme pourvoyeur économique est tellement ancré que les migrations liées au travail sont avant tout perçues comme un phénomène masculin, passant ainsi sous silence les migrations féminines,, alors que les débuts de la féminisation des migrations sénégalaises en Europe, par exemple, remontent, au moins, à la fin des années 70, et surtout au début des années 80, notamment suite à la fermeture des frontières françaises à la migration de travail’’, explique la chercheuse.

     

    L’apport des femmes migrantes compte autant que celui des hommes 

    Pas de doute donc que les femmes migrantes contribuent plus que ce que l’on pense à l’économie de leurs pays d’origine et d’accueil grâce à leur travail et leurs activités.

    Il faut déjà partir de ce que de manière générale, la contribution de la diaspora et des migrants de retour au PIB national ne souffre plus d’aucune contestation.

    Selon Abdoul Karim Cissé, conseiller technique à la Direction des Sénégalais de l’extérieur, la diaspora, hommes, femmes et jeunes réunis, contribuent à hauteur de 10% au PIB national.

    La contribution des migrants dans le développement socio-économique est surtout visible dans le domaine des infrastructures sociales de base, note M. Cissé.

    S’agissant de l’aide apportée aux migrantes, il indique qu’un fonds d’appui existe au niveau de la Direction des Sénégalais de l’extérieur pour appuyer leurs différents projets dans les pays d’accueil comme dans les pays de départ.

    Il cite notamment le Fonds d’investissement des sénégalais de l’extérieur (FAISE) et son volet destiné au financement des femmes de la diaspora (FFD), lequel prend en compte, dit-elle, les migrantes de retour au bercail comme celles vivant à l’étranger.

    Selon Abdou Karim Cissé, ce fonds permet aux femmes de fiancer leurs projets sans taux d’intérêt, avec une durée de paiement de 3 mois et de remboursement allant de 12 à 18 mois.

    Malgré la relative méconnaissance de ce fonds par certaines migrantes de retour, M. Cissé soutient que beaucoup de femmes ayant bénéficié de cet appui ont réussi dans leurs activités.

    ‘’C’est vrai que ce fonds n’est pas vraiment connu, mais il y a des femmes qui en ont bénéficié’’, certaines trajectoires relevant même d’une véritable ‘’success story’’, même si ‘’d’autres ne s’en sortent pas parfois’’, précise M. Cissé.

    Le hic c’est qu’il existe des migrantes revenues au bercail avec des différents projets nécessitant un  appui, ‘’mais elles ne connaissent l’existence de ce dispositif (FDD)’’, déplore-t-il, avant de préconiser que ces dernières puissent se rapprocher du ministère de tutelle à travers le Bureau d’accueil d’orientation et de suivi (BAOS) dans les 14 régions, pour corriger cet impair.

    ‘’Dans les 46 départements, nous avons des points focaux [à travers les antennes de Sénégal Service]’’, Plateforme de gestion des démarches administratives du Sénégal. Il s’agit de corriger l’accès à l’information et d’animer sur le territoire la partie migratoire, car les réalités diffèrent pour chaque région’’, conclut-t-il.

    AMN/BK/AKS/MTN