Catégorie : Culture

  • SENEGAL-PROFIL-CULTURE / Fatima Fall Niang, une carrière dédiée au patrimoine

    SENEGAL-PROFIL-CULTURE / Fatima Fall Niang, une carrière dédiée au patrimoine

    Saint-Louis,5 fév (APS) – Ancienne directrice du Centre de recherche et de documentation du Sénégal (CRDS) rattaché à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, Fatima Fall Niang, nouvellement admise à faire valoir ses droits à la retraite est une figure incontournable quand on parle de Saint-Louis et de son patrimoine pour avoir joué un rôle capital dans l’inscription de la ville tricentenaire sur la liste du patrimoine mondiale de l’Unesco en 2000.

     »Le jour où l’information a été donnée, j’étais à Dakar avec l’ancien directeur du CRDS, Abdoul Kadir Haidara. Quand je lui ai dit que Saint-Louis était sur la liste du patrimoine mondial, il n’en croyait pas ses yeux et je lui dis que ce n’est donc pas une blague, le quotidien national +Le Soleil+ en avait fait ses choux gras », se souvient-elle.

    Mme Niang se rappelle de la synergie qui a prévalu à l’époque entre les acteurs culturels à Saint-Louis pour obtenir ce résultat.

     »Il y avait entre les acteurs du tourisme et les autorités, une synergie mais aussi une complicité, et les gens se faisaient confiance dans le travail qui nous a pris deux ans. Mais cette inscription nous avait tous surpris », se remémore-t-elle.

    Pour Fatima Fall Niang, cette surprise s’explique par l’omission du volet communication.

     »Il fallait sensibiliser les propriétaires des maisons anciennes, les autorités », explique-t-elle reconnaissant avoir trouvé une oreille attentive auprès de l’ancien maire de Saint-Louis de 1984 à 2001, le défunt Abdoulaye Chimère Diaw (1922-2021).

    Pour la conservatrice, ce n’est pas tous les maires qui peuvent avoir cette sensibilité pour le patrimoine.

    En 2016, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture avait menacé de retirer Saint-Louis de la liste du patrimoine mondial après la destruction de maisons historiques.

    Le gouvernement de l’époque, notamment, le ministre de la Culture Mbagnick Ndiaye avait annoncé des mesures prises par les autorités pour remédier à cela.  

    Fatima Fall Niang pense que pour maintenir Saint-Louis sur cette liste, il faut se rapprocher des autorités et les sensibiliser, car dit-elle,  »parfois comme les propriétaires, elles aussi peuvent ignorer l’importance de ce patrimoine ».

     »Beaucoup de travail a quand même été entamé depuis l’inscription, malheureusement à un moment donné, cela s’est estompé ou bien complètement arrêté, ce sont toutes ces questions qu’il faut reprendre », indique-t-elle.   

    La passionnée du patrimoine a aussi participé au travail sur l’inscription du  »Ceebu Jën » (riz au poisson) [Plat national du Sénégal] inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco en décembre 2021.

    Elle a pris part à beaucoup d’activités pour sensibiliser les restaurateurs, les femmes par rapport à l’utilisation nocive des bouillons, au type de riz, etc.

    Fatima et ses autres collègues ont aussi bénéficié d’accompagnement des agents de la Saed, d’Africa Rice [centre du riz pour l’Afrique], de l’Isra, des chercheurs de l’Ugb, etc.

    Elle a coécrit un livre intitulé  »Ceebu Jën – un patrimoine bien sénégalais » avec le professeur Alpha Amadou Sy. L’ouvrage a reçu le premier prix aux  »Gourmand Awards 2023 » en Suède, dans la catégorie  »patrimoine immatériel-livres et magazines ».

    Destinée à ses débuts à l’enseignement

    Sa présence dans la conservation du patrimoine est comme dit-elle,  »un cheveu dans la soupe », car Fatima Fall Niang était destinée à ses débuts à l’enseignement qu’elle a exercé pendant deux ans au lycée Diéry Fall à Bambey en tant que professeur d’art sous l’encadrement du célèbre éducateur Ibrahima Fall.

    Son entrée au Centre de recherche et de documentation du Sénégal a été possible à la faveur du départ à la retraite du doyen Adama Sylla.

    Elle ne cesse d’ailleurs de le remercier pour lui avoir signalé la vacance du poste l’incitant à postuler parce que persuadé de ses capacités à exercer le métier de conservateur.

    A son arrivée, Fatima trouvera un terrain favorable et évoluera sous l’aile protectrice de l’ancien directeur Abdoul Kadir Haidara et du Dr Thilmans. Des années plus tard, elle succédera à M. Haidara.

    Elle reconnaît avoir beaucoup profité de l’entregent de ces derniers pour trouver des bourses de formation et se perfectionner dans ce métier.

    Ce qui lui a permis  »de beaucoup voyager pour se renforcer ».

     »J’ai beaucoup voyagé à travers le monde. J’ai fait presque quatre continents sur les cinq », révèle Fatima Fall Niang. Elle a été aussi à l’origine du jumelage entre les communes de Saint-Louis et Douala Premier au Cameroun.

    Ces retrouvailles entre les deux communes autour de leur patrimoine ont été sanctionnés par des déplacements du maire de Saint-Louis au Cameroun et du maire de Douala premier dans la vieille ville.

    Fatima Fall Niang a ainsi exploré à côté de la conservation d’autres créneaux en s’essayant à la médiation culturelle, à la communication, au management apprise à l’Institut sénégalais de management et à l’enseignement qu’elle a souvent et continue à exercer à l’école du patrimoine africain au Bénin.

    Une retraite à l’Ecole du patrimoine africain du Bénin

    C’est d’ailleurs au pays du président Patrice Talon qu’elle continuera à faire valoir ses compétences, car elle a accepté un poste de conservatrice d’un musée d’art contemporain de Cotonou en 2023 après une première sollicitation repoussée en 2018.

     »Je n’étais pas disponible, j’avais des engagements, le CRDS était en chantier, il y avait beaucoup de choses à finir, il fallait chercher des ressources et les laisser sur place », souligne Mme Niang soucieuse de la continuité au CRDS.

    Selon elle, d’autres actions sont attendues cette année pour renforcer cette coopération.  »Au-delà du Bénin et du Cameroun, je peux apporter ma contribution, mon expérience en Afrique et ailleurs, comme en France, en Allemagne, en Espagne ».

    AMD/FKS/MK/ADL/OID

  • SENEGAL-CULTURE-NECROLOGIE / Décès de Séa Diallo, artiste polyvalent et engagé

    SENEGAL-CULTURE-NECROLOGIE / Décès de Séa Diallo, artiste polyvalent et engagé

    Dakar, 2 fév (APS) – L’artiste plasticien Séa Diallo, figure contemporaine de l’art sénégalais, est décédé dimanche à Dakar, a-t-on appris du commissaire d’exposition Idrissa Diallo.

    « C’est avec une immense tristesse que nous avons appris le décès de Séa Diallo, un grand artiste de la scène artistique sénégalaise. Sa disparition est une grosse perte », écrit le commissaire d’exposition dans un message transmis lundi à l’APS.

    Selon Idrissa Diallo, le défunt « croyait profondément que l’artiste devait pouvoir vivre de son art, mais que pour cela, il devait s’organiser ».

    « Il faisait partie des premiers artistes sénégalais à se formaliser en créant sa propre entreprise culturelle, ouvrant ainsi la voie à d’autres générations. Son travail artistique a toujours été guidé par une soif insatiable de recherche et d’exploration (…) », témoigne l’ancien responsable de la galerie Léopold Sédar Senghor du Village des arts.

    Séa Diallo « n’a jamais connu de limites dans sa création, cherchant toujours à apprendre et à transmettre. Sa quête de connaissance l’a conduit à multiplier les formations et à enrichir continuellement sa pratique », a-t-il ajouté.

    L’artiste âgé de 67 ans était pensionnaire du Village des arts, dont il était devenu premier secrétaire général avant de présider son comité de gestion, selon Zulu Mbaye, qui lui a succédé à ce poste.

    Séa Diallo fut « un homme discret, humble et de contact facile qui s’est investi toute sa vie au travail de l’art », ajoute-t-il.

    « C’est quelqu’un qui s’est donné corps et âme à l’art, et comme on dit, il a brûlé au feu de l’art, comme les damnés de la terre. C’est une grosse perte », insiste Zulu Mbaye, signalant qu’une délégation du Village des arts va l’accompagner à sa dernière demeure à Yoff, ce lundi.

    Zulu Mbaye a aussi souligné « la fertilité » de l’artiste Séa Diallo, devenu au fil des ans un artiste polyvalent, touchant à la peinture, à la céramique, au sous-verre et à la sculpture.

    Dans une exposition rétrospective intitulée « Itinérances » organisée en 2020 à la Galerie nationale d’art de Dakar, l’artiste avait partagé son travail remontant à 1989, montrant son fond d’atelier avec la série sur sa pérégrination spirituelle intitulée « Voyage soufi ». Il y avait aussi des portraits de personnes anonymes rencontrées dans la rue, ses prises de position sur les « Bêtises humaines », des portraits faits au crayon et à l’encre de Chine.

    « Il était un brillant intellectuel qui parlait de tous les sujets », insiste Zulu Mbaye.

    Certains de ses toiles, correspondant à la période 2003-2007, portent sur la Casamance, base d’une rébellion hostile au gouvernement sénégalais, tandis que d’autres s’inspirent du conflit sénégalo-mauritanien de 1989, des guerres en Sierra Leone, au Rwanda, en Côte d’Ivoire.

    A travers ses œuvres où il a toujours célébré la femme, l’artiste s’est impliqué dans la défense des enfants, pour l’environnement, notamment la protection du lac rose. Il a de même rendu hommage aux femmes, parmi ses nombreux sujets de prédilection.

    Séa Diallo disait souvent prendre position pour « réhabiliter l’homme ».

    Il s’est par ailleurs essayé au journalisme avec le journal « Taxaaw », fondé par le professeur Cheikh Anta Diop (1923-1986), et au sein du quotidien « Le Soleil », où il a signé beaucoup de textes engagés, a fait savoir le journaliste et critique d’art Massamba Mbaye.

    « Son texte intitulé +Centre de formation artisanale ou centre de formation au chômage+, paru dans Taxaaw en 1976, lui a valu son exclusion de cette institution, malgré son relatif anonymat », rappelle Mbaye.

    FKS/BK/SMD

  • SENEGAL-CULTURE-PATRIMOINE / Thiaroye 44 : un panel planche sur la requalification des faits

    SENEGAL-CULTURE-PATRIMOINE / Thiaroye 44 : un panel planche sur la requalification des faits

    Dakar, 2 fév (APS) – La requalification des faits et l’état des lieux des chiffres du massacre de Thiaroye 44 étaient, samedi, au menu d’un panel organisé dans le cadre du programme de commémorations du 80e anniversaire du massacre de Tirailleurs sénégalais.

    ‘’Thiaroye 44: requalification des faits, états des chiffres et importance’’ était le thème de ce panel animé par Pr Mor Ndao, président de la commission sénégalaise d’histoire militaire, Pr Mamadou Ndao, Coordonnateur général de l’Histoire générale du Sénégal, Pr Mohamed Mbodj, du Manhattanville College (USA), entre autres.

    Pour le le président de la commission sénégalaise d’histoire militaire, professeur Mor Ndao, la requalification des évènements de Thiaroye 44 en massacre avait des implications juridiques et pénales.

     »(…) lorsque je me suis documenté et je me suis rendu compte que la question de la requalification des faits de Thiaroye 44 a des implications juridiques et pénales’’, a-t-il déclaré.

    Le Sénégal a commémoré, le 1er décembre 2024, le 80ᵉ anniversaire du massacre des tirailleurs, perpétré le 1ᵉʳ décembre 1944 au camp militaire de Thiaroye, en banlieue dakaroise par l’Armée coloniale française.

    Le 1er décembre 1944, des soldats d’Afrique subsaharienne appelés Tirailleurs sénégalais ont été tués à l’arme automatique dans le camp de Thiaroye, à une quinzaine de kilomètres de Dakar, par l’armée coloniale pour avoir réclamé le paiement de leurs arrières de solde et diverses primes et indemnités. 

    Le bilan de 35 morts donné par les autorités françaises, estimé à dix fois plus par des historiens, est l’une des grandes pommes de discorde entre Paris et les Etats dont étaient originaires les 1 600 soldats démobilisés après avoir participé à la libération de la France lors de la seconde Guerre mondiale. 

    L’évènement a finalement été reconnu comme un « massacre » par le président français, Emmanuel Macron, rompant ainsi avec une version officielle qui parlait de « mutinerie ».

    Dans sa communication, le Pr Ndao a rappelé qu’une requalification renvoie à l’acte de qualifier à nouveau des faits. A l’en croire, pour requalifier, il y a non seulement lieu de déconstruire et de reconstruire, mais aussi, de revenir sur les événements ayant déjà été qualifiés et jugés.

    Cette démarche permet, selon lui, d’apporter ‘’quelque chose de neuf, pour remettre en question ce qui a été mis sur la table’’.  

    ‘’Ordonner, restituer, décrire, compter, dénombrer, situer les événements dans le temps, établir une chronologie, tout cela constitue une étape importante. Mais le rendre intelligible est une mission assignée à l’historien’’, a t-il expliqué.

    Dans la requalification des faits, il a proposé de mettre également l’accent sur l’escale, du navire transportant les Tirailleurs, à Casablanca (Maroc), la présence des américains à Dakar (1942), entre autres aspects.

    Il faut aussi, selon lui, interroger les chiffres, qui estime t-il,  »ont été réajustés en fonction du contexte’’. ‘’La France réajuste les chiffres en fonction d’une pression exercée par une opinion publique interne et internationale. (…) ‘’, ajoute-t-il.

    Dans un entretien avec l’APS, en prélude des commémorations du 80e anniversaire,  l’historien Mor Ndao préconisait déjà  »d’aller au-delà des archives françaises » dans la recherche de la vérité sur le massacre des tirailleurs sénégalais à Thiaroye le 1er décembre 1944, estimant qu’il faut penser aux archives américaines et anglaises.

      »Avec les archives françaises, on ne peut qu’avoir que la version de la France. Mais recouper avec les autres serait intéressant aussi’’, avait-t-il dit dans un entretien avec l’APS.

      »Les Américains étaient à Dakar et bien informés (…) Les Anglais étaient à Dakar aussi. Les Anglais ont toute la photographie aérienne de Dakar durant quatre ans, maison par maison. Ce sont des archives aussi importantes », avait fait savoir le professeur Ndao

    Encore aujourd’hui, il y a divergence sur le nombre de morts dans ce massacre. Si deux rapports officiels français différents parlent respectivement de 35 et 70 morts, certains historiens considèrent que le bilan pourrait atteindre plusieurs centaines d’hommes tombés sous les balles de leurs camarades soldats.

    AMN/OID/SKS

  • SENEGAL-MUSIQUE-CULTURE / Des légendes du Hip-hop Galsen enflamment le Grand Théâtre national

    SENEGAL-MUSIQUE-CULTURE / Des légendes du Hip-hop Galsen enflamment le Grand Théâtre national

    Dakar, 1er fev (APS) – Des pionniers du rap sénégalais ont enflammé, vendredi, la salle de spectacle du Grand Théâtre devant un public de nostalgiques et de jeunes de la nouvelle génération venus assister à cette soirée de retrouvailles riche en émotions et en symbolisme.

    C’est le groupe afro-rap hardcore, Rapadio (ou Rap’Adio) fondé au Sénégal par Keyti ou KT (Cheikh Sène), Deug Iba (Ibrahima Ndiaye) et Daddy Bibson (Cheikh Bounama Coly), ex-membre de Pee Froiss qui a ouvert ce concert célébrant les trente-cinq ans d’existence du rap sénégalais, devant une foule électrique composée de fan de la première heure, qui ont grandi avec ces icônes du rap, et de jeunes attirés par l’héritage musical et la modernité du genre.

    Pendant trois tours d’horloge, des groupes mythiques des années 90 à l’instar de Jant Bi, Bat Haillon Blin-D, Gaston Bandit Mic, CBV, Da Brains, Wa BMG 44, Sister Fa, Pee Frois, PBS et la chanteuse Viviane Chidid, ont illuminé la scène devant un public venu nombreux pour assister à ce spectacle dont le parrain était le chanteur Youssou Ndour.

    La ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Culture, Khady Diène Gaye, le Directeur général du Port de Dakar, Wally Diouf Bodian, l’ancien maire de la ville de Dakar, Barthélémy Diaz, ainsi que plusieurs autorités administratives ont assisté à l’évènement.

    Avec des cris d’enthousiasme et une énergie palpable ponctuée par des salves d’applaudissements, ces mélomanes ont accompagné les légendes, désormais mûres, qui se sont relayées sur scène avec une présence imposante, mêlant charisme et sagesse, à travers notamment leur accoutrement streetwear, symbole de leur lien indéfectible avec la culture urbaine.

    Les spectateurs visiblement envahis par les souvenirs qui affluent ont chanté en chœur avec leurs idoles durant tout le spectacle, scandant dès les premières notes, les paroles de tous ces morceaux emblématiques qui ont marqué une époque.

    Le moment fort du spectacle a été l’entrée du jeune rappeur Ngaka Blindé, invité sur scène par Bakhaw de Da Brains et Simon de Bisbi Clan. Ensemble, ils ont revisité la chanson Link, en y ajoutant une touche contemporaine, créant ainsi un pont historique entre deux générations.

    Au-delà du divertissement, les artistes ont aussi délivré des messages empreints de réflexions sociales et culturelles. Ils ont appelé à l’unité et la cohésion, la lutte contre l’injustice, le culte du travail, des valeurs qui ont toujours été au cœur du rap sénégalais. Ils rappellent également l’importance de rester authentique tout en s’adaptant aux évolutions de la société.

    Les organisateurs ont aussi rendu hommage aux grands animateurs, danseurs et graffeurs qui ont accompagné l’évolution de la culture urbaine au Sénégal.

    Le spectacle qui illustre la vitalité du rap sénégalais s’est terminé dans une apothéose collective, avec tous les artistes sur scène face à un public ému et galvanisé par ce voyage musical.

    MK/OID

  • SENEGAL-CINEMA-JEUNESSE / Le film « Kaddu Beykat », un choix idéologique pour encourager les jeunes à travailler la terre (universitaire)

    SENEGAL-CINEMA-JEUNESSE / Le film « Kaddu Beykat », un choix idéologique pour encourager les jeunes à travailler la terre (universitaire)

    Dakar, 31 janv (APS) – Le film  »Kaddu Beykat (lettre paysanne) » de la réalisatrice sénégalaise Safi Faye (1943-2023) demeure un choix idéologique visant à encourager les jeunes à retourner au travail de la terre, a indiqué la directrice du festival du film et de la recherche féministe  »Cinefemfest Gëstu Nataal i Jigeen », Dr Rama Salla Dieng.

     »(…) en décidant de faire de son personnage, Ngor quelqu’un qui se préoccupe de la souveraineté alimentaire de son village, c’est aussi un choix idéologique que Safi Faye fait pour encourager les jeunes à retourner au travail de la terre’’, a-t-elle déclaré, jeudi, à l’occasion de la projection dudit film, au lycée d’excellence Mariama Bâ de Gorée.

     »Kaddu Beykat » d’une durée de 1 heure 30 minutes, projeté par séquence dans le cadre du cinquantenaire du film est, selon l’universitaire Rama Salla Dieng, une démarche militante de la réalisatrice, mettant en exergue l’agriculture paysanne.

    Tourné en 1972 par Safi Faye, au village de ses ancêtres,  »Fadial », dans la région de Fatick, en pays sérère,  »Kaddu Beykat (lettre paysanne) », a été diffusé et distribué en 1975.

    Le film raconte la condition des paysans de ce village situé à 100 kilomètres de Dakar, où l’agriculture est soumise aux aléas climatiques et au  »diktat » de l’arachide introduit et imposé par le colonisateur.

    La réalisatrice campe, durant 30 minutes, le décor du quotidien des paysans, du matin au soir.

    Elle démontre l’existence d’une division sociale du travail entre les femmes et les hommes, durant leurs activités champêtres.

    Dans cette division sociale, les hommes ne cultivaient que l’arachide, tandis que les femmes avaient à elles seules, la charge des cultures vivrières, dont le riz, le mil, etc.

    Outre ce sujet, la réalisatrice met également en lumière la sécheresse et les conditions de l’époque, l’exode rural, tout en relatant l’histoire d’amour entre le jeune Ngor et sa promise Coumba.

     »(…) dans ce film, en toile de fond, il y a une histoire d’amour entre Ngor et sa promise, Coumba, qu’il n’arrive pas à épouser, du fait de ces dures conditions qui touchent tout le village de manière beaucoup plus large. Il a décidé de partir en ville, en exode rural et ensuite revenir pour cultiver sa terre », explique docteur Dieng.

    A l’en croire, ce film demeure important, dans la mesure où, les sujets liés à l’agriculture, aux conditions climatiques et à la dépendance à une culture, sont toujours d’actualité.

     »Je trouve qu’il est important de venir parler d’agriculture à des jeunes de cet âge, surtout quand l’urbanisme est si avancé, afin qu’ils sachent que, ce qu’ils sont en train de consommer ne vient pas du monde urbain, mais plutôt rural, et que leurs conditions sont menacées », fait-elle valoir.

    Elle souligne le fait que le Sénégal cherche, depuis plusieurs années à réformer sa loi foncière, tout en se félicitant de voir que la réalisatrice du film  »Kaddu Beykat », l’avait déjà anticipé.

    Dr Dieng a insisté sur la nécessité de valoriser ce qui a été fait auparavant en termes de recherche et de production intellectuelle par une femme, sur la question de  »souveraineté » alimentaire.

     »Je constate qu’à travers ce film, Safi Faye, avait déjà ce ressenti par rapport à ces changements relatifs au domaine national, en nous démontrant celui des paysans face à ce qu’ils ont considéré comme une spoliation de leurs terres », a pour sa part, soutenu la proviseure du lycée d’excellence Mariama Bâ, Ramatoulaye Sarr Diagne.

    Safi Faye a réalisé plusieurs films dont  »La Passante » (1972),  »Revanche » (1973),  »Racines noires » (1985), Mossane (1996), etc.

    Une tournée nationale est organisée par le festival  »Cinefemfest Gëstu Nataal i Jigeen », du 29 janvier au 28 février, dans le cadre du cinquantenaire du film  »Kaddu Beykat (lettre paysanne) », pour célébrer l’engagement de la première réalisatrice sénégalaise Safi Faye.

    AMN/FKS/MK/SBS/OID

  • SENEGAL-AFRIQUE-CINEMA / Clarence Delgado invite à reconnaitre le travail de Paulin Soumanou Vieyra

    SENEGAL-AFRIQUE-CINEMA / Clarence Delgado invite à reconnaitre le travail de Paulin Soumanou Vieyra

    Dakar, 31 jan (APS) – Paulin Soumanou Vieyra, premier cinéaste d’Afrique noire, historien et critique de cinéma dont on célèbre le centenaire de sa naissance, vendredi, mérite la reconnaissance de l’Etat sénégalais pour tout ce qu’il a fait pour le cinéma, estime le réalisateur Clarence Delgado.

     »Paulin a beaucoup fait pour le cinéma sénégalais et africain. On ne lui a jamais rendu hommage en reconnaissant ce qu’il a fait pour le 7e art et cela me hante, connaissant Paulin et ce qu’il a fait pour le cinéma », a déclaré Clarence Delgado dans un entretien accordé à l’APS.

    Né le 31 janvier 1925 à Porto-Novo, au Dahomey, l’actuel Bénin, Paulin Soumanou Vieyra, cinéaste, critique et historien du cinéma d’Afrique noire, a été naturalisé sénégalais. Décédé le 4 novembre 1987 à Paris, il a été enterré à Dakar.

    Paulin Soumanou Vieyra a signé les premiers textes africains de critique cinématographique et a publié plusieurs ouvrages, dont  »Le cinéma africain: des origines à 1973 » (1975) et  »Le cinéma au Sénégal » (1983).

    De 1956 à 1975, Paulin Soumanou Vieyra dirigeait le service des actualités de l’Afrique-Occidentale française, celui des actualités sénégalaises ensuite. À ce titre, il est témoin et gardien de la mémoire visuelle de l’époque. On lui doit les images d’archives des cérémonies officielles de l’accession de plusieurs pays africains à l’indépendance.

    Premier directeur des programmes de l’Office de radiodiffusion télévision du Sénégal, devenu la RTS dans les années 1970, il fonde la télévision nationale sénégalaise avant de devenir enseignant au Centre d’études des sciences et techniques de l’information de Dakar.

    Clarence Delgado rappelle que c’est dans la discrétion que Vieyra dont le bureau n’était jamais fermé, recevait les gens pour les aider à avoir des pellicules pour tourner leurs films qu’il développe pour le compte des Actualités sénégalaises.

     »Il a fait cela dans la discrétion, mais les gens ne l’ont pas reconnu, et c’est ce qui me gêne un peu. Dans le cinéma sénégalais, on n’a pas reconnu le bienfait de Vieyra, un homme humainement bien pour qui j’avais beaucoup de respect », a-t-il insisté.

    Selon Delgado, le théoricien du cinéma défendait tout temps et partout dans le monde les cinémas africains, mais malheureusement, fustige t-il,  »les Sénégalais et autres Africains ne lui ont pas rendu la pièce de sa monnaie ».

     »Il s’est battu au sein des instances. Lors des réunions, il défendait toujours le point de vue des cinémas d’Afrique subsaharienne en général et sénégalais en particulier. Il avait un carnet d’adresses. Il était tout le temps invité pour parler du cinéma africain. C’est pour cela qu’il a fait beaucoup de choses pour le cinéma africain », rappelle le réalisateur du film  »Au nom du père » (2023), sur l’apport du pionnier Vieyra.

    Clarence Delgado invite à  »reconnaitre » le travail de Paulin Soumanou Vieyra, un  »intellectuel au vrai sens du mot » qui, selon lui,  »aimait partager et échanger » avec les cinéastes et autres.

    Le premier assistant de Sembene Ousmane rappelle également que le réalisateur de  »Afrique sur seine » savait gérer les égos dans le milieu du 7e art où les acteurs étaient  »très susceptibles ».

     »Il faisait attention à la susceptibilité des gens. Parce que, nous, on est susceptibles dans ce métier. Dès qu’on critique ton film, tu penses que le gars est ton ennemi. (…). Il avait beaucoup de pressions dans le monde du cinéma sénégalais en tant que critique de cinéma », indique t-il.

    Delgado rappelle avoir connu Paulin Soumanou Vieyra à l’ambassade du Sénégal à Alger en marge du premier congrès de la Fédération panafricaine des cinéastes (Fepaci) en 1969.

    Son oncle, un diplomate avait reçu Vieyra, Ababacar Samb Makharam, Johnson Traoré, pour échanger des stratégies de diplomatie.

    C’est après son retour au Portugal où il est allé approfondir ses connaissances en cinéma après ses études à Alger, que Delgado fut présenté à Sembène Ousmane.

     »C’est Paulin S. Vieyra que j’ai connu en premier. J’étais super sympa avec lui et c’est Paulin alors directeur des actualités qui m’a présenté à Sembene Ousmane. Il m’a pris par la main et il est parti voir Sembene vu leur relation et c’est là que j’ai sympathisé avec Sembene Ousmane », se remémore Clarence Delgado.

    Sa relation avec  »L’Ainé des anciens » s’est fortifiée au fil des ans passant de sympathisants à collaborateurs pour devenir finalement une relation filiale entre  »père et fils ».

    Selon lui, le lien qui unissait Paulin Soumanou Vieyra et Ousmane Sembene va au-delà du travail professionnel car, Sembene Ousmane passait tous les réveillons du 25 décembre chez Paulin Soumanou Vieyra, à la Patte d’Oie.

    Paulin Soumanou Vieyra a à son actif, une trentaine de films, en majorité, des courts métrages documentaires et des ouvrages dont le livre  »Le cinéma africain: des origines à 1973 », publié en 1975 par la maison d’éditions  »Présence africaine » qui a permis de documenter très tôt les cinémas africains.

    FKS/OID/SBS/MK

  • SENEGAL-AFRIQUE-CINEMA / Paulin Soumanou Vieyra, le concepteur d’une nouvelle écriture du documentaire (critiques)

    SENEGAL-AFRIQUE-CINEMA / Paulin Soumanou Vieyra, le concepteur d’une nouvelle écriture du documentaire (critiques)

    Dakar, 31 jan (APS)- Le réalisateur et producteur béninois d’origine et sénégalais d’adoption, Paulin Soumanou Vieyra décédé il y a 38 ans à l’âge de 62 ans et dont on célèbre cette année le centenaire de la naissance, est le concepteur d’une nouvelle écriture documentaire, a déclaré le critique sénégalais Baba Diop.

    ‘’Il a eu un regard nouveau sur le documentaire différent de la méthode classique, c’est lui le concepteur d’une nouvelle écriture du documentaire’’, dit-il dans un entretien accordé à l’APS.

    Il estime par ailleurs que Paulin Soumanou Vieyra a ouvert le chemin sur une nouvelle forme avec sa série de documentaires  »1 minute, un film ».

    Selon le journaliste formateur, cette technique du « 1mn, un film » devrait être enseignée aujourd’hui avec les nouvelles technologies.

    Le réalisateur Paulin Soumanou Vieyra, ajoute M. Diop, a posé le premier jalon de notre visage du documentaire avec son premier film de fin de formation ‘’C’était il y a quatre ans’’, un court métrage de 5 minutes réalisé en 1954 et qui raconte la nostalgie d’un étudiant africain à Paris.

    Ce film qui a fait scandale à sa sortie parce que contenant une scène jugé ‘’subversive’’, montre un plan où le quotidien français ‘’L’humanité’’ est posé sur une chaise alors que le journal ‘’Le monde’’ est à terre.

    ‘’En refusant de couper le plan, Vieyra campait déjà aussi sur sa foi en la liberté d’expression dont le cinéma devrait être la traduction et son choix pour un cinéma engagé, témoin de l’histoire et reflétant les réalités au quotidien’’, avait écrit le critique burkinabé Clément Tapsoba dans un portait intitulé « Portrait de Paulin S. Vieyra (1925-1987) : l’homme à la casquette » dans l’ouvrage ‘’Afriques 50 : Singularités d’un cinéma pluriel’’ paru en 2005 chez ‘’L’Harmattan Paris’’.

    Vieyra réalise à Paris en 1955 ‘’Afrique sur seine’’ avec ses compatriotes Mamadou Sarr (scénario et coréalisateur), Jacques Mélo Kane (caméra), Robert Garistan (directeur de photo) qui relate le quotidien des Noirs, des Sénégalais en particulier et d’Africains en général.

    Ce film d’une durée de 21 minutes, en noir et blanc, marquant la naissance du cinéma en Afrique noire montre des étudiants, artistes pour la plupart, vivant à Paris, friands et nostalgiques de leur culture. Ils sont dans des endroits qu’ils fréquentent souvent : rencontre au quartier latin, soirées dansantes.

    Il pose les interrogations de ces étudiants, sur leur identité, leur civilisation, leur culture et leur avenir. Une voix off se demande si l’Afrique est-elle seulement en Afrique ou au bord de la Seine ?

    Baba Diop rappelle qu’il était interdit à l’époque aux Africains de filmer l’Afrique, d’où la réalisation du film à Paris.  

    Ce film, souligne le critique français Olivier Barlet, est ‘’un manifeste pour un certain type de positionnement’’, décrivant Vieyra comme ‘’un homme de Senghor’’ le président poète Léopold Sédar Senghor.

    ‘’Il n’était pas révolutionnaire, c’était une option différente de celle de Sembene Ousmane avec qui, il s’entendait bien’’, indique Barlet qui souligne ‘’la mise en place par Paulin Soumanou Vieyra d’une certaine vision du cinéma qui est d’exigence, d’égalité entre les hommes’’.   

    Le directeur des ‘’Actualités sénégalaises’’ réalisera beaucoup d’autres films en Afrique dont ‘’Une nation est née’’, un documentaire de 25 minutes réalisé en 1961 qui met en lumière le cheminement du Sénégal, de la colonisation à la souveraineté nationale, ‘’de façon allégorique’’.

    Vieyra tourne en 1981 le documentaire ‘’L’envers du décors’’ un making-off sur le film ‘’Ceddo’’ de Sembene Ousmane et surtout montre comment travaillait ce dernier.

    Il y a aussi son seul long métrage de plus d’une heure (100 minutes) ‘’En résidence surveillée’’, un film politique réalisé en 1981 et qui fait état de la gestion des pays africains post indépendance.

    Son film ‘’Môl’’ (1966) un docu-fiction ‘’visionnaire’’ montre déjà les difficultés de la pêche, la raréfaction des poissons à cause des grands chalutiers et surtout les faibles moyens des pêcheurs sénégalais, des difficultés qui se posent aujourd’hui encore.

    L’histoire du film tourné à Kayar, Saint-Louis et Dakar raconte la vie d’un jeune pêcheur de Kayar, conscient qu’il ne peut pas vivre de son travail avec une pirogue sans moteur, décide de se mettre à l’heure de la modernité.

    Les réalités africaines sont prises en compte, car avant de prendre sa décision, il demande la permission aux génies et à son oncle maternel de Saint-Louis, ‘’un geste bien africain que l’on a tendance à perdre de nos jours’’, analyse le critique.

    Pour le journaliste Baba Diop, son film ‘’Lamb’’ (1963) ‘’très pédagogique’’ met en exergue un sport national bien sénégalais très prisé (rappelant la lutte gréco-romaine) qui n’a pas été importé, une forme de lutte traditionnelle avec ses pratiques que le monde de la lutte gagnerait à connaitre.

    ‘’Lamb’’ sera sélectionné dans la compétition officielle court métrage au festival international de Cannes (France) en 1964. Il a été restauré en 2014 et montré à Cannes la même année.

    L’universitaire et critique de cinéma sénégalais, Thierno Ibrahima Dia, estime que Paulin a aussi fait un clin d’œil à la fiction, des films pleins d’humour tels que ‘’La bicyclette’’ (1967), ‘’Le gâteau’’ (1967), ‘’Rendez-vous’’ (1967).

    Au total, il réalisera 32 films dont un seul long métrage fiction. Certaines de ces réalisations seront restaurées cette année dans le cadre de la célébration de son centenaire, selon son fils Stéphane Vieyra, président de l’Association PSV/films, chargé de promouvoir l’œuvre de Paulin Soumanou Vieyra.

    FKS/OID/SBS/ASB

  • SENEGAL-AFRIQUE-FRANCE-CINEMA / Paulin Soumanou Vieyra, précurseur et théoricien des cinémas d’Afrique noire

    SENEGAL-AFRIQUE-FRANCE-CINEMA / Paulin Soumanou Vieyra, précurseur et théoricien des cinémas d’Afrique noire

    Dakar, 31 (APS) – L’historien, critique de cinéma, producteur et réalisateur bénino-sénégalais, Paulin Soumanou Vieyra (1925-1987), dont on célèbre ce vendredi 31 janvier le centenaire de sa naissance a su très tôt l’importance de ‘’figer cette extraordinaire mémoire des cinémas africains’’, a indiqué à l’APS l’universitaire et critique de cinéma sénégalais, Thierno Ibrahima Dia.

    Natif de Porto-Novo au Dahomey l’actuel Bénin, Vieyra devenu citoyen sénégalais, est reconnu comme le premier critique et historien du cinéma africain, selon M. Dia, relevant qu’il a permis de documenter très tôt les cinémas africains à travers son ouvrage ‘’unique’’ en son genre intitulé ‘’Le cinéma africain : des origines à 1973’’ publié en 1975 par la maison d’éditions ‘’Présence africaine’’.

    L’auteur, premier africain à avoir étudié le cinéma, anthropologue visuel formé par Jean Rouch [réalisateur et anthropologue français] est aussi un chercheur et historien qui, en tant que témoin et artisan a donné une information quasi exhaustive sur les films de tous les pays d’Afrique, y compris le Maghreb ainsi qu’une réflexion sur la situation, les problèmes et la défense de l’art et de l’industrie cinématographique, lit-on d’ailleurs sur la note de présentation de cette publication.

    Selon Thierno Ibrahima Dia, enseignant de cinéma à l’université Bordeaux-Montaigne, par ailleurs rédacteur en chef du magazine ‘’Africiné’’ dédié exclusivement aux cinémas africains,  »’ce livre est une ressource unique pour comprendre et embrasser les cinémas africains’’.

    Paulin Soumanou Vieyra, estime-t-il, a ouvert toute une voie que les critiques africains et le magazine  »Africiné », basé à Dakar, cherchent à poursuivre et à consolider, en s’appuyant sur ses travaux qui sont  »essentiels ».

    ‘’Pour tous ceux qui s’intéressent au cinéma, chercheurs, critiques et journalistes, Vieyra est inspirant et son œuvre est éternel’’, souligne-t-il, regrettant toutefois qu’il ne soit pas assez connu par le grand public malgré ‘’son travail extraordinaire, essentiel et unique’’.

    Le film  »En résidence surveillée » (1981) avec l’acteur Douta Seck et Paulin Soumanou Vieyra.

    Après son film de fin d’études réalisé en 1954, intitulé ‘’C’était il y a quatre ans’’, qui a fait scandale parce que contenant une scène jugé ‘’subversive’’, Paulin Soumanou Vieyra tourne avec d’autres étudiants africains Mamadou Sarr (coréalisateur), Jacques Mélo Kane (directeur de photo) et Robert Caristan (caméraman) le premier film du continent intitulé ‘’Afrique-sur-Seine’’.

    Ce court métrage en noir et blanc de 22 minutes, jugé ‘’culte’’, parle de la vie des Africains émigrés à Paris dans les années 1950, marque ainsi la naissance du cinéma en Afrique subsaharienne.

    Panafricaniste convaincu et militant engagé

    Thierno Ibrahima Dia souligne par ailleurs l’apport de Vieyra, qui au-delà du théoricien qu’il a été, a su accompagner les talents cinéastes africains aussi à travers la naissance de la Fédération panafricaine des cinéastes (Fepaci) et lors des formations données à Dakar. Il était le mentor de nombreux réalisateurs dont Flora Gomes de la Guinée-Bissau, Djibril Diop Mambety, Ababacar Samb Makharam, Clarence Delgado du Sénégal, entre autres.

    Directeur du service ‘’Actualités de l’AOF [Afrique occidentale française] » de 1956 à 1960 puis du Sénégal indépendant de 1960 à 1975 à la demande du poète président Léopold Sédar Senghor, Paulin Soumanou Vieyra a développé toute une activité de diffusion du cinéma africain et accompagné les cinéastes de l’époque et précisément Sembene Ousmane.

    ‘’En tant que directeur du service Actualités sénégalaises [Chargées de filmer toutes les sorties et déplacement du président de la République au Sénégal et dans le monde], il disposait de moyens techniques. Lorsque que Sembene est revenu de Moscou avec une vieille caméra américaine pour faire ‘’Borom Sarret’ sorti en 1963, Vieyra a mis à sa disposition le matériel technique des actualités sénégalaises’’, raconte Thierno Ibrahima Dia.

    Il fait savoir que par la suite, Paulin Soumanou Vieyra, de manière plus officielle, sera le directeur de production de Sembene, ce qui a permis à ce dernier de se libérer de la production et de se consacrer à la création.

    Paulin Soumanou Vieyra en tournage.

    Il est, selon lui, l’un des moteurs de la Fepaci qui regroupe les réalisateurs africains depuis son lancement en 1969 lors du festival culturel panafricain d’Alger sous l’égide de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA). Le réalisateur sénégalais Ababacar Samb Makharam fut le premier secrétaire général de la Fepaci.

    ‘’Il pèsera de tout son poids avec Ababacar Samb Makharam pour une démarche panafricaine qui inclue toute l’Afrique depuis l’Egypte jusqu’à l’Afrique du Sud, la partie francophone et ceci a permis une identité panafricaine’’, explique Thierno Ibrahima Dia.

    Selon lui, Vieyra est un ‘’personnage essentiel pour Sembene, pour le cinéma sénégalais voire africain’’, car estime-t-il, ‘’si aujourd’hui des réalisateurs comme les Tunisiens Tahar Cheriaa (1927-2010), fondateur des Journées cinématographiques de Carthage et son descendant Mohamed Challouf, se retrouvent dans cet héritage, c’est grâce à ce travail ».

    Pour sa part, le doyen des cinéastes sénégalais, le réalisateur Ben Diogoye Bèye, retient de Paulin Soumanou Vieyra, ‘’un homme pas très bavard, conscient de sa mission de fonctionnaire de l’Etat, travailleur, posé, social et amusant’’.

    Le fait que Vieyra ne soit pas bien connu du grand public se justifie par son statut de fonctionnaire. Il n’a pas pu se libérer qu’après sa retraite, relève-t-il.

    Membre de l’association des cinéastes sénégalais associés ‘’Cineseas’’, Vieyra était un homme de conciliation qui tempérait les ardeurs, selon le doyen Bèye qui fait savoir qu’il a formé beaucoup de réalisateurs et techniciens sénégalais, bissau-guinéens, entre autres.

    Le film de fin d’études de l’Idhec

    Inscrit en biologie, Vieyra va finalement faire du cinéma à l’IDHEC

    Paulin Soumanou Vieyra a quitté son pays natal à l’âge de 10 ans pour poursuivre ses études secondaires dans un internat et s’inscrit ensuite à l’université de Paris pour commencer des études de biologie.

    ‘’C’est par hasard, alors qu’on cherche un extra pour jouer le rôle d’un tirailleur sénégalais dans +Le diable au corps+ (1947), film de Claude Autant-Lara avec Micheline Presle et Gérard Philippe, qu’il accède au monde du cinéma’’, raconte l’écrivaine Françoise Pfaff dans son texte intitulé ‘’Paulin Soumanou Vieyra, pionnier de la critique et de la théorie du cinéma africain’’.

    Le document est paru dans un ouvrage collectif de la revue ‘’Présence Africaine’’ publié en 2005 et consacré au ‘’Cinquantenaire de cinéma africain: hommage à Paulin Soumanou Vieyra’’.

    Premier africain diplômé de l’IDHEC (l’institut français des hautes études cinématographiques qui est aujourd’hui la Femis) qu’il a intégré en 1952, Vieyra en ressort comme réalisateur, régisseur et producteur. Il aura à son actif 32 films composés pour la plupart de courts métrages documentaires et fictions et un seul long métrage intitulé  »En résidence surveillée » réalisé en 1981 et qui parle des premiers dirigeants de l’Afrique indépendante.

     »Je garde à l’esprit un homme cordial, généreux, lucide, intègre, au savoir tranquille et méthodique (attribuable à sa formation scientifique ?), qui savait aussi manier l’humour », a témoigné l’écrivaine française d’origine guadeloupéenne.

    Elle y ajoute que Vieyra a été ‘’un Témoin attentif de la naissance et de l’évolution du cinéma subsaharien, ses écrits fournissent aux historiens et aux critiques de précieux documents de recherche’’.

    Premier directeur des programmes de l’ORTS devenue RTS

    Décédé il y a 38 ans, il a été aussi témoin de la mémoire visuelle du Sénégal et de l’Afrique en tant que directeur des ‘’Actualités sénégalaises’’ de 1960 à 1975 suivant partout dans tous ses déplacements le président Senghor qui avait fait appel à lui pour fixer la mémoire des jeunes pays indépendants du continent.

    Ces images, selon Ben Diogoye Bèye, étaient diffusées avant chaque projection de films dans les salles de cinéma.

    Le reporter Vieyra prendra ensuite la direction des programmes de la télévision sénégalaise naissante et devient ainsi le premier directeur des programmes de l’ORTS.

    Dans sa biographie, on lui attribue la mise en place des premières structures de cette télévision qui est devenue aujourd’hui la Radiodiffusion télévision sénégalaise (RTS).

    Ses dernières années furent consacrées à la transmission de son savoir aux jeunes générations au Centre d’études supérieures des techniques de l’information (CESTI) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar où il a enseigné jusqu’à sa mort.

    Il est décédé le 4 novembre 1987 à Paris et enterré au cimetière catholique de Bel Air à Dakar où repose aussi son épouse, l’écrivaine et poétesse guadeloupéenne, Myriam Warner-Vieyra qui a été bibliothécaire à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.

    FKS/OID/SBS/ASB

  • SENEGAL-SOCIETE-COMMEMORATION / Vulgarisation de la pensée de Cheikh Anta Diop : la marche Dakar-Thieytou démarre samedi  

    SENEGAL-SOCIETE-COMMEMORATION / Vulgarisation de la pensée de Cheikh Anta Diop : la marche Dakar-Thieytou démarre samedi  

    Dakar, 30 jan (APS) – La marche annuelle organisée en prélude de l’anniversaire du décès de l’historien et homme politique Cheikh Anta Diop (29 décembre 1923 – 7 février 1986) va partir de Dakar samedi pour rallier Thieytou , le village natal du savant sénégalais, dans le département de Bambey (centre), a-t-on appris jeudi des organisateurs.

    Les marcheurs, essentiellement des disciples et sympathisants de l’historien, vont prendre départ samedi, à huit heures, à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD). Ils vont « faire six jours pour effectuer ce trajet long de 154 km », a déclaré Nicolas Boissy, coordonnateur de la marche, lors d’une conférence de presse consacrée aux préparatifs de cette marche.

    Il a rappelé que cette initiative a pour objectif de « vulgariser et faire connaître davantage la pensée et la vision du professeur Cheikh Anta Diop, le pharaon du savoir ».

    Pour ce faire, des panels, expositions et causeries « sont prévus tout le long du trajet, notamment dans les écoles pour partager avec les élèves, la vision du penseur », selon Nicolas Boissy.

    Selon Mamadou Fall Hervé, parrain de l’édition de cette année,   »l’histoire de Cheikh Anta Diop doit être intégrée dans les curricula afin que sa vision d’un État fédéral africain, étape fondamentale pour la reconnaissance africaine, soit concrétisée ».

     »Toutes les valeurs qu’il portait et l’héritage qu’il a laissé nous appartiennent. Pour dire tout simplement que nous sommes en train de célébrer non pas un Sénégalais, mais un patrimoine africain et de l’humanité, venant du Sénégal », a ainsi soutenu l’avocat réunionnais inscrit au barreau de Saint-Pierre et Paris, Said Larifou.

    « Pour la première fois, les autorités étatiques seront aux côtés des organisateurs en termes de présence et de soutien matériel, logistique et financier », a rassuré Serigne Fall Guèye, directeur du Grand Théâtre national, qui a abrité la conférence de presse des marcheurs.

    Décédé le 7 février 1986, à Dakar, Cheikh Anta Diop a été inhumé à Thieytou son village natal et celui de ses ancêtres, dans la région de Diourbel (centre).

    Le 8 février 2008, le ministre de la Culture du Sénégal d’alors, Mame Birame Diouf, avait inauguré un mausolée perpétuant la mémoire de l’universitaire sénégalais. Ce mausolée, qui figure sur la liste des sites et monuments classés du Sénégal, est chaque année le lieu de convergence de beaucoup de militants et sympathisants de son œuvre intellectuelle et politique.

    La confrontation, au Sénégal, de l’historien Cheikh Anta Diop avec le grammairien Léopold Sédar Senghor, est souvent citée comme l’un des épisodes intellectuels et politiques les plus saillants de l’histoire contemporaine du pays.

    MK/SBS/FKS/BK/SMD

  • SENEGAL-CULTURE / Le Premier ministre parle de l’‘’urgence’’ de construire une maison des archives moderne

    SENEGAL-CULTURE / Le Premier ministre parle de l’‘’urgence’’ de construire une maison des archives moderne

    Dakar, 29 jan (APS) – C’est une ‘’urgence’’ pour le Sénégal de s’atteler ‘’à la construction d’une maison des archives moderne’’, a déclaré le Premier ministre, lors du Conseil des ministres de ce mercredi.

    Ousmane Sonko ‘’envisage’’, selon le communiqué du Conseil des ministres, de créer un comité interministériel destiné à la gouvernance des archives.

    Cette structure sera chargée de ‘’superviser la reconstitution, suivant les normes établies, du pré-archivage dans les ministères’’, de ‘’coordonner [en même temps] l’élaboration d’une stratégie nationale de gestion des archives’’.

    ‘’Le Premier ministre a souligné l’urgence attachée […] à la ferme prise en charge du pré-archivage et du reversement de fonds documentaires aux Archives nationales par les ministères et les structures qui leur sont rattachées’’, lit-on dans le communiqué du Conseil des ministres.

    AN/ESF