Catégorie : Entretien APS

  • SENEGAL-AFRIQUE-FRANCE-MEMOIRE-JUSTICE / Massacre de Thiaroye : un historien appelle à revoir ‘’symboliquement’’ le procès des 35 rescapés

    SENEGAL-AFRIQUE-FRANCE-MEMOIRE-JUSTICE / Massacre de Thiaroye : un historien appelle à revoir ‘’symboliquement’’ le procès des 35 rescapés

    Dakar, 29 nov (APS) – Le professeur d’histoire moderne et contemporaine, Mor Ndao, a appelé à revoir  »symboliquement » le procès des 35 rescapés du massacre des tirailleurs sénégalais, le 1er décembre 1944 à Thiaroye, et qui ont été condamnés  »pour rébellion » le 5 mars 1945 à des peines allant jusqu’à 10 ans de prison.

    ‘’Il se pose un devoir moral de revoir ces procès symboliquement. Oui, il faut revoir ces procès symboliquement. Et remettre les choses à l’endroit », a plaidé l’historien spécialiste des questions militaires dans un entretien avec l’APS en prélude des cérémonies de commémoration du 80e anniversaire du massacre de Tirailleurs sénégalais à Thiaroye.

    Le professeur Mor Ndao rappelle qu’en 1947, il y a eu une pression de l’opinion internationale pour exiger la libération des 35 survivants de ce massacre de Thiaroye condamnés par l’armée coloniale française.

    Ils ont été tous amnistiés, selon le professeur, précisant qu’il ne s’agit pas d’annulation des peines.

     »Ce qui pose le devoir moral de revoir ces procès symboliquement », martèle-t-il.

    Certains descendants de ces tirailleurs se battent encore aujourd’hui aux côtés de l’avocat français Hervé Banbanaste pour leur réhabilitation, a fait savoir récemment le média français France 24.

    Le nombre de tirailleurs tués dans ce massacre reste une question entière, selon M. Ndao qui parle de trois versions différentes.

    La première version constituée des témoignages de la population de Thiaroye note que le jour et le lendemain du massacre deux grandes fosses ont été creusées par des bulldozers au niveau du cimetière des soldats indigènes qui se trouve sur l’actuelle route nationale.

    ‘’Elle (population) dit qu’on a creusé deux grands trous. La pelleteuse est venue mettre les corps. On les a ensevelis. Ensuite, on a mis des branches, etc », relate-t-il.

    La deuxième version fait état de 35 tombes individuelles vues le lendemain.

    ‘’Et on a mis des corps sur les tombes individuelles d’après les témoignages recueillis », précise M. Ndao qui estime que ce sont les 35 tombes qui sont actuellement au cimetière militaire de Thiaroye.  »On estime que ce sont les blessés qui sont décédés à l’hôpital militaire de Ouakam et amenés à Thiaroye. Certains même ont été exécutés là-bas », dit -il.

    La troisième version évoque des fosses dans le camp.  »Cela signifie que ceux qui sont morts ont été enterrés sur place parce que c’est plus sécurisant quand on cache, il ne faut pas déplacer’’, pense l’historien.

    Après le massacre, l’administration coloniale a arrêté 45 tirailleurs qu’elle a fait prisonniers et défiler dans les rues de Dakar avec les menottes.

    Sur ces 45 personnes, 35 seront jugés devant le tribunal militaire de Dakar le 5 mars 1945 et condamnés à des peines allant jusqu’à 10 ans de prison.

    Le flou des chiffres sur les disparus

    Quant vingt ans après, le nombre de morts est toujours inconnu, souligne l’historien. Selon lui, en interrogeant les statistiques, entre ceux qui sont rentrés, 1 300, et ceux qui sont rapatriés, il y a un trou de 200, 191, 200 soldats.

     »Mais quand on interroge les 300 perdus de vue aussi qui pouvaient être intégrés dans le dispositif, on peut se dire qu’il y avait 400 disparus », estime le professeur Ndao.

    La version officielle parle de 35 morts en plus du sergent soudanais tué à la gare de Dakar parce qu’il avait refusé d’embarquer dans le train.

     »Lorsque l’ancien président français, François Hollande, est venue à Dakar en 2014 pour remettre les archives au président de la République Macky Sall, on a parlé de 74, 70 voire 114 morts »,  souligne encore le spécialiste des questions militaires.

    Il a rappelé que le professeur Mbaye Guèye, l’un des premiers historiens sénégalais à écrire sur ce massacre, parle de 191 morts. Les historiens sénégalais Cheikh Faty Faye et Abou Sow aussi ont écrit sur ce drame.

    FKS/OID/AKS

  • SENEGAL-AFRIQUE-FRANCE-MEMOIRE / Un historien sénégalais assimile la tuerie de Thiaroye en 1944 à un « massacre prémédité »

    SENEGAL-AFRIQUE-FRANCE-MEMOIRE / Un historien sénégalais assimile la tuerie de Thiaroye en 1944 à un « massacre prémédité »

    Dakar, 29 nov (APS) –L’historien sénégalais et spécialiste des questions militaires, Mor Ndao, a assimilé la répression sanglante des tirailleurs sénégalais, par l’Armée coloniale française, le 1er décembre 1944, à Thiaroye, à un « massacre prémédité », parlant même d’un « summum de l’horreur » qui découle d’une « hypocrisie » de la part de l’ancienne métropole.

    Le 1er décembre 1944, des Tirailleurs sénégalais démobilisés et renvoyés en Afrique après la seconde Guerre mondiale, sont tués à Thiaroye, par l’Armée française alors qu’ils réclamaient le paiement de leurs indemnités et le versement du pécule qui leur était promis depuis des mois par les autorités politiques et militaires de la France.

    « Ce comportement de l’armée coloniale française est inimaginable. C’est le summum de l’horreur, de l’hypocrisie pour nous qui regardons avec des lunettes le XXIe siècle », a-t-il déclaré lors d’un entretien accordé à l’APS.

    « Tout est parti de Morlaix, en France, précisément dans le port de Bretagne où ils [les Tirailleurs] devaient embarquer pour regagner Dakar en octobre 1944 », a rappelé Mor Ndao, un historien spécialisé sur les questions militaires.

    « Quelques échauffourées ont éclaté à Morlaix parce que le modus operandi était qu’ils devaient récupérer leurs soldes de captivité et leurs primes de démobilisation après l’accord conclu entre les autorités militaires et ces anciens prisonniers de guerre’’, a-t-il expliqué.

    Mais ce qui va aggraver les choses, dit-il, c’est « cette situation de suspicion » à l’égard de ces Tirailleurs parce qu’ayant été en contact avec les Allemands et probablement qu’ils colporteraient « les idées allemandes, l’idéologie allemande ».

    Les statistiques disent qu’ils étaient un régiment de 2 000 tirailleurs voire 1 950, mais selon l’historien il y a eu 300 tirailleurs qui avaient refusé d’embarquer pour exiger une avance et des tenues propres.

    ‘’Il y a eu des incidents et la gendarmerie est intervenue. On a ouvert le feu sur les 300 tirailleurs qui refusaient d’embarquer en Bretagne et ils ont été faits prisonniers et convoyés dans un autre camp qui s’appelle Trèves’’, relate-t-il.

    L’historien souligne que 1 950 soldats ont pris le bateau à destination de Dakar, mais ce sont 1 600 tirailleurs qui sont arrivés dans la capitale sénégalaise. Les 300 restant ont été déclarés ‘’perdus de vue’’ après l’escale de Casablanca (Maroc) où les tirailleurs ont reçu de nouvelles tenues de la part du corps américain stationné dans la Méditerranée occupée par les alliés ayant gagné la guerre.

    Selon les statistiques, quelque 1 300 hommes ont débarqué à Dakar, le 21 novembre 1944.

    Mais l’historien sénégalais émet des doutes sur ces statistiques. « Les chiffres sont importants. Mais ce qui est plus important, c’est ce qui se cache derrière les chiffres », fait savoir M. Ndao qui est par ailleurs président de la commission sénégalaise d’histoire militaire.

    Il a signalé qu’une circulaire du ministère des colonies est sortie pour dégager les procédures de prise en charge de ces tirailleurs, anciens prisonniers de guerre.

    « Ils ont été isolés dans un dépôt fait de baraques qu’on appelait les poulaillers (…) vivant dans des conditions assez précaires, avec une alimentation infecte », raconte Mor Ndao qui n’exclut pas, à travers cette attitude, « l’intention des autorités coloniales de les éliminer car les considérant comme étant dangereux ».

    Selon le professeur Ndao, les 25 et 26 novembre 1944, les Tirailleurs sont sommés de rendre les tenues offertes par le corps américain à Casablanca et de changer les sommes d’argent, du franc métropolitain, en franc local.

    ‘’Il y a eu un problème sur le taux de change. Certains ont été accusés de vol parce qu’ils avaient de l’argent par devers eux », explique-t-il.

    Le professeur Ndao fait savoir que 500 Tirailleurs du Soudan français, actuel Mali, ont été sommés d’aller le lendemain à la gare de Dakar pour rentrer chez eux.

    Selon lui, une note du service des renseignement français, disait qu’il fallait « se débarrasser des tirailleurs dans les plus bref délais. (…) ».

    Le 30 novembre 1944, l’ordre de départ a été donné, indique l’historien, qui fait savoir que les tirailleurs ont refusé ce qui a été assimilé à « une rébellion, une mutinerie ».

    Un général français qui est venu dans le but d’apaiser la situation a été un peu kidnappé le 30 novembre dans l’après-midi. Il leur a promis de régler l’affaire le lendemain.

    Pr Mor Ndao raconte qu’à l’aube, vers 6 heures 30, le 1er décembre 1944, plusieurs unités venant de Ouakam, de Dakar et de Rufisque, 585 éléments au total de la gendarmerie, du régiment d’artillerie coloniale, certains tirailleurs, 3 automitrailleuses et 2 chars de combat américains se sont croisés au rond-point Rufisque-Thiaroye.

    « Et à 7h45, raconte t-il, ils sont entrés dans le camp et encerclent les tirailleurs qu’ils ont sommés de partir.

    Mais face à leur refus, l’ordre a été donné d’ouvrir le feu et dans cette confusion à l’aube certains se sont échappés. Des soldats démobilisés se sont enfuis, escaladant les murs pour rejoindre Thiaroye village.

    Le télégramme de la France du même jour les accuse de « rébellion, de mutinerie et d’atteinte à la sûreté de l’Etat ».

    Selon lui, 45 tirailleurs ont été faits « prisonniers, enchaînés et menottées ».

    Parmi eux, 35 tirailleurs seront jugés devant le tribunal militaire de Dakar le 5 mars 1945 et condamnés à des peines allant jusqu’à 10 ans de prison, déplore le professeur d’histoire moderne et contemporaine.

    FKS/SKS/OID/MTN

  • VIDEO / Commémoration de Thiaroye 44 : une volonté de produire un récit historique local

    VIDEO / Commémoration de Thiaroye 44 : une volonté de produire un récit historique local

    L’Agence de presse sénégalaise (APS) vous propose un entretien avec le Pr Mamadou Diouf, président du comité pour la commémoration du 80e anniversaire du massacre des Tirailleurs sénégalais à Thiaroye. Le 1er décembre 1944, des Tirailleurs sénégalais démobilisés et renvoyés en Afrique après la seconde Guerre mondiale, sont tués à Thiaroye, par l’Armée française alors qu’ils réclamaient le paiement de leurs indemnités et le versement du pécule qui leur était promis depuis des mois par les autorités politiques et militaires de la France. Dans cet entretien, Pr Diouf souligne que l’hommage qui sera rendu, le 1er décembre, à ces Tirailleurs traduit l’engagement et la volonté des nouvelles autorités sénégalaises de produire un récit historique local.

  • SENEGAL-AFRIQUE-FRANCE-MEMOIRE / Thiaroye 44 : ‘’une contradiction’’ entre la France ‘’des droits de l’homme’’ et celle qui ‘’exerce un pouvoir violent’’ (historien)

    SENEGAL-AFRIQUE-FRANCE-MEMOIRE / Thiaroye 44 : ‘’une contradiction’’ entre la France ‘’des droits de l’homme’’ et celle qui ‘’exerce un pouvoir violent’’ (historien)

    Dakar, 26 nov (APS) – Le voile ou le silence posé sur le massacre, le 1er décembre 1944, de Tirailleurs sénégalais par des militaires français à Thiaroye [une banlieue dakaroise] en dit long sur la ‘’contradiction’’ entre la  »France des droits de l’homme » et celle qui ‘’exerce un pouvoir violent’’ dénoncée par les premiers intellectuels africains notamment Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor et Frantz Fanon, estime l’historien sénégalais Mamadou Diouf.

    Le 1er décembre 1944, des  »tirailleurs sénégalais » démobilisés et renvoyés en Afrique après la seconde Guerre mondiale, sont tués par l’Armée coloniale française, alors qu’ils réclamaient le paiement de leurs indemnités et le versement du pécule qui leur était promis depuis des mois par les autorités politiques et militaires de la France.

     »C’est la contradiction entre ce qu’ils appellent la France des droits de l’homme, la France idéale, philosophiquement et intellectuellement, et la France historique, qui est la France qui a un empire colonial. Une France qui exerce, en fait, un pouvoir qui est un pouvoir violent’’, a notamment dit l’universitaire lors d’un entretien accordé à l’APS en prélude des commémorations du 80e anniversaire du massacre de Thiaroye.

    Si on ne comprend pas que le massacre de Thiaroye est perpétré au même moment où la France fête la libération après l’occupation, la débâcle de 1940, on ne comprendra pas pourquoi la France a tout fait pour qu’on n’en parle pas, a martelé Mamadou Diouf.

    Il s’agit, selon l’enseignant chercheur à l’université de Columbia aux Etats Unis, de l’environnement dans lequel il [le massacre de Thiaroye] s’est déroulé.

    ‘’Et cet environnement, c’est effectivement l’environnement de l’euphorie de la libération, en fait, et de l’arrivée au pouvoir de ce que De Gaulle va appeler les compagnons de la libération, ceux qui se sont battus pour que la France soit libérée’’, a expliqué l’historien ajoutant que c’est pourquoi ‘’ce massacre colonial, comme la plupart des massacres coloniaux, sera en général tu’’ par l’Hexagone.

    Le Pr Diouf a toutefois relevé que l’année du massacre est présente dans l’esprit des leaders africains.

    Il cite le poème contemporain de Léopold Sédar Senghor écrit en décembre 1944 où il se lamente du massacre de ces anciens soldats prisonniers [la plupart d’entre eux, sinon la quasi-totalité, étaient en prison pendant 4 ans après la débâcle. Et quand ils ont été libérés, ils ont été rapatriés et cantonnés à Thiaroye].

    ‘’Donc la première réaction de Senghor, c’est de manifester effectivement sa désapprobation et sa condamnation. Et en 1946, Senghor (alors député à l’Assemblée nationale française) va aussi demander une amnistie’’, s’est-il remémoré.

    La deuxième grande réaction qui précède celle de Senghor, souligne Mamadou Diouf, est celle de Lamine Guèye, député maire de Dakar qui demanda, en 1944, la mise en place d’une commission parlementaire pour enquêter sur ce qu’il appelle ‘’l’abominable atrocité et la tuerie de Thiaroye’’.

    L’universitaire souligne aussi la contribution du dramaturge et homme politique guinéen, Keita Fodéba, auteur de ‘’Aube africaine’’, écrit en 1948. Cette pièce sera représentée dimanche prochain au Grand Théâtre national de Dakar dans le cadre du 80e anniversaire du massacre de Thiaroye.

    Le président du comité pour la commémoration du 80e anniversaire du massacre des tirailleurs sénégalais à Thiaroye a relevé tout de même ‘’le silence complice » d’hommes politiques sénégalais une fois au pouvoir.

    ‘’Et c’est vrai, quand Senghor devient président, il n’en parle pas.  Quand il est remplacé par Abdou Diouf, il préside la première du film de Sembene +Camp de Thiaroye+ [le film de Sembene Ousmane et de Thierno Faty Sow sorti en 1988], mais il n’en parle pas. Le film va être interdit par la France pendant 10 ans’’, a fait savoir l’historien.

    Il souligne qu’Abdoulaye Wade, en revanche, s’est intéressé aux tirailleurs en initiant une journée qui leur est dédiée. « Mais pour la date, d’après la rumeur, les Français ont exigé qu’ils ne prennent pas le 1er décembre’’, informe le  professeur Diouf, ajoutant que c’est à cause de tout cela que « le massacre de Thiaroye s’est dissipé ».

    Pour Mamadou Diouf,  »cette histoire doit être dévoilée au sens plein du terme. Il va falloir lever le voile, ce voile qui a été posé effectivement par la France »’.

    FKS/OID/SMD/ADL

  • SENEGAL-AFRIQUE-FRANCE-MEMOIRE / Thiaroye 44 : un livre blanc sera remis au gouvernement le 3 avril 2025 (Comité)

    SENEGAL-AFRIQUE-FRANCE-MEMOIRE / Thiaroye 44 : un livre blanc sera remis au gouvernement le 3 avril 2025 (Comité)

    Dakar, 26 (APS) – Le comité de commémoration du 80e anniversaire du massacre des tirailleurs sénégalais à Thiaroye remettra un livre blanc au gouvernement sénégalais, le 3 avril 2025, sur cette tragédie, a t-on appris de son président, le professeur Mamadou Diouf. 

     »Le 3 avril 2025, la commission devra remettre un livre blanc au gouvernement sénégalais. Ce livre blanc va faire le point’’, a t-il indiqué dans un entretien avec l’APS en prélude de la cérémonie de commémoration du 80e anniversaire du massacre de Tirailleurs sénégalais à Thiaroye.

    Ce document va consigner le travail de la commission dont la mission est ‘’l’établissement des faits et leur rétablissement’’ sur cette affaire dite du ‘’Massacre des tirailleurs à Thiaroye’’ qui regroupe des soldats africains de l’Afrique Occidentale Française de retour de la 2e Guerre mondiale en Europe et qui ont été tués à Thiaroye, a t-il expliqué.

    L’une des missions du comité est de travailler sur l’établissement des faits et le rétablissement des faits, à cause, en fait, des manipulations qu’il y a, et à cause de toute une série de débats entre historiens, mais aussi des débats entre les historiens et les autorités publiques, a souligné Mamadou Diouf.

    Selon l’enseignant à Columbia university aux USA, ce travail va se poursuivre jusqu’en avril car il s’agit de faire le point sur la documentation existante.  »Est-ce qu’on a eu tous les documents ? Est-ce qu’il y a des documents qui sont toujours dissimulés ? Certains historiens accusent la France de le faire délibérément. Est-ce qu’il y a d’autres documents qu’on va pouvoir rassembler ?  Est-ce qu’il y a des témoignages qu’on pourra collecter sur tout ce travail ?, s’est -il interrogé.

    La première phase, fait savoir le président du comité, est un travail d’identification de la documentation, les sources primaires, les archives, et les sources secondaires, les études qui existent.

     »On va faire le point sur tout cela’’, a t-il, avant d’ajouter que la deuxième phase c’est d’impulser un travail de recherche et de production sur ce qui existe.

     »Il s’agit d’identification de la documentation, la cartographie des lieux où la documentation est préservée et en fait, l’élaboration d’un programme, qui serait un programme de recherche, et qui permettrait effectivement de pouvoir faire des études et de copier, étant entendu que ce ne sera pas la fin du processus’’, a indiqué Mamadou Diouf.

    Le professeur Diouf préconise l’écriture d’une histoire régionale plaidant ainsi pour l’organisation de programmes de recherche régionaux impulsé par l’Etat sénégalais et le département de la recherche et de l’enseignement supérieur.

    Le comité va partager tout le travail rassemblé avec les autres pays qui ont eu des tirailleurs.

    ‘’L’idée est d’encourager ce qu’on a appelé, disons, l’histoire régionale.  C’est-à-dire là aussi de sortir des limites, des territoires dont l’histoire est une histoire coloniale.  Pour penser une histoire d’avant qui pourrait être la fondation d’une histoire d’arrivée’’, a expliqué l’universitaire sénégalais.

    Faisant le point sur la mission du comité à quelques jours du 1er décembre, le président Mamadou Diouf a indiqué la première mission du comité est celle de la commémoration qui sera rythmée par des cérémonies officielles au cimetière de Thiaroye et au camp militaire du même quartier.

    Il y a aussi la grande première de la pièce ‘’Aube africaine’’ du Guinéen Keita Fodeba mise en scène par le Sénégalais Mamadou Seyba Traoré.  

    Il est aussi prévu la projection du film  »Camp de Thiaroye » de Sembene Ousmane et Thierno Faty Sow et aussi des discussions avec des jeunes de Thiaroye.

    ‘’La commémoration est un acte pour rendre visible quelque chose qui est invisible. (…) C’est la recherche d’une histoire partagée par plusieurs pays pour impulser la solidarité et l’unité au niveau de la région, mais aussi au niveau de l’ensemble du continent’’, a souligné le président du comité. 

     »Est-ce que la France est conviée à cette commémoration ? ». Mamadou Diouf estime que c’est une question politique qu’il va falloir demander au gouvernement et à la présidence de la République. 

    Ce qui est sûr, selon lui, c’est que le comité travaille avec la France, car une mission des membres du comité est présentement envoyée en France pour discuter avec les autorités archivistiques françaises sur l’état de la documentation sur le massacre de ces Tirailleurs sénégalais le 1er décembre 1944.

    FKS/OID/AKS

  • SENEGAL-AFRIQUE-FRANCE-MEMOIRE / Commémoration de Thiaroye 44 : une volonté des nouvelles autorités de produire un récit historique local

    SENEGAL-AFRIQUE-FRANCE-MEMOIRE / Commémoration de Thiaroye 44 : une volonté des nouvelles autorités de produire un récit historique local

    Dakar, 26 nov (APS) – L’hommage qui sera rendu, le 1er décembre, aux Tirailleurs sénégalais massacrés à Thiaroye, traduit l’engagement et la volonté des nouvelles autorités sénégalaises de produire un récit historique local, a indiqué l’historien Mamadou Diouf, président du comité de commémoration du 80e anniversaire du massacre des tirailleurs sénégalais à Thiaroye.

    ‘’Ces engagements politiques sont en particulier structurés autour d’une affirmation plus forte qu’est la souveraineté nationale, autour d’un décalage qui semble-t-il être aujourd’hui nécessaire, en particulier pour la génération des gens qui ont aujourd’hui 40 ans et nés après les indépendances’’, a déclaré l’historien au cours d’un entretien accordé à l’APS.

    Selon lui, cette commémoration ‘’importante’’ est ‘’un acte politique qui signifie des engagements précis d’un Etat qui affiche publiquement son identité’’. 

    Mamadou Diouf a souligné que les prédécesseurs du président Bassirou Diomaye Faye avaient cet engagement politique. Toutefois, il manquait ‘’l’affichage’’ public.

    ‘’Ils [Les présidents Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade, Macky Sall ] ont tous eu un engagement politique. Il n’y a pas de régime sans engagement politique. Mais c’est l’affichage. Peut-être à cause des circonstances et du fait que la France exerçait une police rigoureuse pour qu’on ne parle pas de Thiaroye’’, a expliqué l’enseignant-chercheur à l’université de Colombia aux Etats-Unis.  

    Selon lui, le premier président de la République Léopold Sédar Senghor qui a gouverné de 1960 à 1981 a eu ‘’un projet politique basé sur le socialisme africain et la négritude’’ alors que son successeur Abdou Diouf 1981-2000 ‘’son projet idéologique était le retour à la charte nationale’’.

    ‘’Dans le couple senghorien enracinement-ouverture, Senghor a privilégié l’ouverture, lui [Abdou Diouf] va privilégier l’enracinement. Chez Wade (2000-2012), c’est un retour à une culture et à une civilisation qui se réclament d’un enracinement, mais différent de la manière dont les socialistes pensaient cet enracinement’’, a indiqué Mamadou Diouf. 

    Le nouveau régime, avec cette génération incarnée par le président Bassirou Diomaye Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko, sur la base de ses slogans et ses campagnes politiques, fait un écart et essaie de démanteler ce qu’ils appellent un système, pour mettre en place quelque chose de nouveau. 

     »(…) il (le régime) se décline le plus fortement sur une revendication souverainiste très importante et c’est cela qui est important pour Thiaroye, la production d’un récit qui n’est plus un récit contrôlé et orienté par la France, mais d’un récit qui est un récit local’’, précise-t-il. 

    ‘’Thiaroye, c’est aujourd’hui une révision du récit historique’’

    Pour le professeur Mamadou Diouf, l’hommage aux Tirailleurs massacrés à Thiaroye c’est aussi ‘’une révision du récit historique de l’empire français’’.

    Cet empire français était composé d’une métropole qui était dominatrice et de colonies qui étaient dominées.   »’Il y avait un centre et une périphérie. Et ce centre a plus dicté son récit que les périphéries’’, a-t-il fait savoir.

    Aujourd’hui, estime-t-il, ‘’Thiaroye est l’affirmation de la prise de parole des périphéries pour imposer leur présence sur la scène du monde. Et c’est pour ça que cette commémoration est intéressante et importante’’, a-t-il dit ajoutant que c’est d’autant plus important que cet événement a été tu et reste encore aujourd’hui un événement défini par des incertitudes.

    Cet hommage est à la fois un travail politique et de mémoire, mais c’est aussi un travail scientifique, car il s’agit de connaître, comprendre, réunir l’ensemble des faits pour pouvoir effectivement dire le 1er décembre 1944, voilà ce qui s’est passé à Thiaroye, a martelé l’historien. 

    Il a précisé toutefois que cette commémoration n’est pas contre la France.  »Il faut dire de manière très claire que la commémoration n’est pas contre la France, c’est un événement qui interroge un moment qui est une histoire que nous partageons avec la France, l’histoire de l’Empire français », a t-il souligné.

    FKS/OID/AKS

  • SENEGAL-AFRIQUE-FRANCE-HISTOIRE / L’historien Mamadou Diouf invite à faire du massacre de Thiaroye ‘’une mémoire vive’’

    SENEGAL-AFRIQUE-FRANCE-HISTOIRE / L’historien Mamadou Diouf invite à faire du massacre de Thiaroye ‘’une mémoire vive’’

    Dakar, 26 nov (APS) – L’universitaire et historien sénégalais Mamadou Diouf a appelé à faire du massacre des Tirailleurs à Thiaroye ‘’une mémoire vive’’ en l’inscrivant de manière centrale dans l’éducation afin d’en assurer son appropriation par la nouvelle génération.

    ‘’Si nous décidons aujourd’hui de faire de Thiaroye cette mémoire vive, il faudra l’inscrire de manière centrale dans le travail d’instruction et d’éducation que définirait un projet politique’’, a dit l’enseignant-chercheur par ailleurs président du comité de commémoration du 80e anniversaire du massacre des tirailleurs sénégalais.

    Dans un entretien avec l’APS, Mamadou Diouf a indiqué que la nouvelle génération ne pourra s’approprier de cette tragédie qu’en en faisant une mémoire vive, une histoire vivante’’.

    ‘’La mémoire n’est pas nécessairement une relation avec le passé, elle est une projection dans le futur’’, a martelé l’enseignant à l’université de Columbia, aux Etats unis.

    De l’avis de l’historien, il s’agira de dire « dans quelles conditions on devient ce qu’on a décidé d’être ».

    ‘’C’est-à-dire quel est le projet politique, quel est le projet économique, quel est le projet culturel qu’une société se donne, se dote pour devenir une communauté.  Cela ne peut passer que par l’éducation, une éducation non seulement qui parle de cette histoire et qui fait de la mémoire une mémoire vive, toujours le visiter, mais c’est aussi une éducation au service de la construction d’une communauté’’, a expliqué le professeur Diouf.

    Il a dit être « en phase » avec des parlementaires de l’opposition française qui souhaitent la mise en place une commission d’enquête pour la reconnaissance pleine et entière du massacre de Thiaroye et l’accès à l’ensemble des archives relatives à cet évènement datant du 1er décembre 1944.

    « La demande de reconnaissance, dit-il, est inéluctablement suivie d’une demande de redistribution, comme disent les philosophes, d’une demande de réparation.  Et comme je le disais, pas seulement des réparations physiques, mais aussi des réparations morales. Et la France va passer par cela », argue l’historien.

    FKS/SMD/AKS