Catégorie : Grands reportages

  • SENEGAL-FOOTBALL-CHAMPIONNAT-POINT / Ligue 1 : le Jaraaf, leader devant le TFC grâce à une meilleure différence de buts 

    SENEGAL-FOOTBALL-CHAMPIONNAT-POINT / Ligue 1 : le Jaraaf, leader devant le TFC grâce à une meilleure différence de buts 

    Dakar, 25 nov (APS) – L’ASC Jaraaf a pris la tête du classement général de la Ligue 1 de football à l’issue des rencontres de la cinquième journée jouée ce week-end, grâce à une meilleure différence de buts par rapport à Teungueth FC (TFC).

    Le Jaraaf totalise 11 points (+ 6) après sa large victoire aux dépens de Oslo FA, 4-1, jeudi en match avancé comptant pour la même journée. Il devance le Teungueth FC (TFC), (11 points, +5), grâce à un meilleur goal-average.

    Teungueth FC, le champion en titre, a été de son côté tenu en échec (1-1) lors du derby de Rufisque contre Ajel, équipe nouvellement promue.

    L’US Gorée (10 points), vainqueur (2-0) de Jamono de Fatick, lanterne rouge du championnat, enchaîne une deuxième victoire et conserve sa troisième place au classement.

    Dakar Sacré-Cœur, quatrième au classement général avec huit points (+2), a ramené une victoire (2-0) de son déplacement sur les terres de Guédiawaye FC (12e).

    Wally Daan (8 points, +1), équipe promue occupant la cinquième place du classement, a ramené un point de son déplacement sur la pelouse de l’AS Pikine, neuvième.

    La Linguère de Saint-Louis, 15e avec trois points, a quitté la dernière place du classement général, mais reste toujours dans la zone rouge. L’équipe saint-louisienne a fait match nul et vierge sur le terrain du Casa Sports, qui recevait pour la première fois sur sa pelouse d’Aline Sitoë Diatta depuis deux saisons.

    Le club-fanion de la Casamance est la première équipe non-relégable et n’a toujours pas obtenu de victoire cette saison.

    Voici les résultats de la 5e journée :

    Dimanche : Casa Sports 0-0 Linguère, US Ouakam 2-1 Génération Foot

    Samedi : Ajel 1-1 Teungueth FC, Guédiawaye FC 0-2 Dakar Sacré-Cœur, US Gorée 2-0 Jamono de Fatick, Sonacos 2-0 HLM, Wally Daan 1-1 AS Pikine

    Jeudi : Oslo FA 1- 4 Jaraaf

    SK/BK/MTN

  • SENEGAL-COLLECTIVITES-ENVIRONNEMENT / Dakar : la forêt classée de Mbao, un poumon vert au bord de l’asphyxie

    SENEGAL-COLLECTIVITES-ENVIRONNEMENT / Dakar : la forêt classée de Mbao, un poumon vert au bord de l’asphyxie

    +++Par Aïssatou Bâ++++

    Pikine (Dakar), 24 fév (APS) – La forêt classée de Mbao, plus grand poumon vert de la région de Dakar, située dans le département de Pikine, est confrontée à de multiples agressions liées à l’urbanisation galopante, et à l’extraction de sable qui risquent de compromettre à la longue son existence.

    Immatriculée en 1908 durant l’ère coloniale cette forêt a été classée le 7 mai 1940 sur une superficie de 808 hectares.

    Elle a fait l’objet d’un classement pour deux objectifs : préserver son écosystème, sa biodiversité et développer l’activité de maraîchage dans la zone des Niayes, une bande côtière qui va de Dakar à Saint-Louis sur une distance de 180 kilomètres.

    La bande des Niayes où se trouve la forêt classée de Mbao présente des caractéristiques biophysiques favorables aux productions maraîchères. Elle assure à elle seule près de 80% de la production en légumes frais du pays.

    La forêt classée de Mbao se trouve administrativement dans la commune de Mbao et fait frontière avec celles de Keur Massar et Diamaguène Sicap Mbao,  depuis  la création en 1996 des communes d’arrondissement dans la région de Dakar.

    D’une situation de forêt péri-urbaine, elle est progressivement devenue au fil de l’urbanisation de Dakar, une forêt urbaine complètement ceinturée par les villages traditionnels de Boune, Darou Misseth et Médina Kell, au sud par Petit Mbao et Grand Mbao, à l’est par Kamb et Keur Mbaye Fall, et à l’ouest par la Route Nationale N°1 et les bretelles de Petit Mbao et Fass Mbao.

    Ces localités en pleine extension disposent de peu de réserves foncières. Ainsi, la forêt fait l’objet de convoitises foncières de la part des riverains, des promoteurs immobiliers et de l’Etat dans le cadre  des projets de résolution des difficultés de circulation à Dakar.

    Il est 10 heures. Sous un soleil peu clément, nous entamons une visite guidée à partir de la partie sud de cette aire protégée, frontalière à la commune de Keur Massar, en compagnie du capitaine Antoine Thiao, chef secteur des eaux et forêts de Pikine et responsable des opérations du plan d’aménagement de la forêt classée de Mbao et de quelques agents.

    Ordures plastiques et stigmates d’extraction de sable dunaire dans la forêt classée de Mbao

    A l’intérieur de la forêt, des déchets plastiques et autres objets offrent un spectacle désolant qui n’entame pas l’envie de découvrir les lieux.

    Prés d’un point d’eau, un tableau avec cette mention  »interdit de se baigner’’.  »La présence de crocodiles aurait été signalée dans ce coin’’, selon les agents des eaux et forêts.

    Dans ce milieu verdoyant, on découvre plusieurs espèces de grands arbres comme l’acacia mangium, les palmiers, les hibiscus et d’autres plantes. La forêt compte plus de 600 mille variétés de plantes et d’arbres.

    Au fur et à mesure, on aperçoit des singes en petits groupes se pavanant dans la nature. Des hommes et des femmes maraîchers vaquent tranquillement à leurs activités.

    Du côté de l’avifaune et de la faune, la forêt classée compte plusieurs espèces d’oiseaux migrateurs venus d’Europe et d’horizons divers,  des écureuils, des hyènes ou encore des chacals,  »une biodiversité qui fait l’objet de plusieurs agressions et empiétements »,  a déploré, le capitaine Thiao, citant en exemple,  l’extraction du sable dunaire, la coupe clandestine de bois ou la réalisation d’infrastructures publiques de transport.

    Concernant l’extraction du sable dunaire, des trous creusés par endroits sur le sol illustrent bien l’existence de ce phénomène à l’intérieur de la forêt classée de Mbao. Un constat amer qui s’offre à tout visiteur.

    ‘’Une amende de 100 mille francs CFA a été fixée pour dissuader les exploitants clandestins et charretiers qui s’adonnent à l’extraction du sable dunaire. Cette amende a été imposée tout en sachant qu’il n’est pas évident de faire débourser une telle somme à un charretier même si certains arrivent à s’en acquitter’’, a indiqué le capitaine Thiao.

    Capitaine Antoine Thiao, chef secteur des eaux et forêts de Pikine et responsable des opérations du plan d’aménagement de la forêt classée de Mbao

    ‘’Quant aux personnes appréhendées pour coupe de bois, elles sont directement sanctionnées’’, a-t-il poursuivi, rappelant que  la coupe de bois est interdite à l’intérieur de la forêt.  »Seul le ramassage de bois mort est autorisé dans la forêt par la loi’’, a-t-il précisé, avant d’improviser avec ses éléments, un exercice de simulation d’une opération de ronde habituelle dans le cadre de la surveillance de cette aire protégée.

    ‘’Ces rondes sont effectuées chaque jour par des équipes pour lutter contre la coupe de bois, l’extraction du sable dunaire, mais également sécuriser les populations environnantes de la forêt classée de Mbao’’, a-t-il expliqué.

    ‘’De jour comme de nuit, nous veillons à la préservation de cette forêt grâce à un dispositif sécuritaire en place’’, a-t-il encore souligné, ajoutant que la gendarmerie, la police et les douanes participent aussi à la sécurisation des alentours de cette forêt amputée, au fil des années, de près d’une centaine d’hectares.

    D’une superficie initiale de 808 hectares, la forêt  »n’en compte plus que 722 hectares, soit 86 hectares amputés à des fins de réalisation de grands projets de développement de l’Etat et d’autres usages’’,  a dit  le capitaine Antoine Thiao.

    Aujourd’hui grâce à des partenaires,  »une clôture a été érigée sur tout le périmètre de la forêt classée pour protéger son périmètre actuel et limiter son exposition aux convoitises des promoteurs immobiliers, des riverains et exploitants clandestins de sable dunaire’’, a salué le chef secteur des eaux et forêts de Pikine.

    Colonel Sidiki Diop, coordonnateur du projet de mise en œuvre du plan d’aménagement de la forêt classée de Mbao

    Située dans la région de Dakar, une portion du territoire national qui abrite 25% de la population sénégalaise, soit plus de 5 millions d’habitants, une densité de pas moins de 5500 habitants au kilomètres carrés contre une moyenne nationale de 80 habitants au kilomètres carrés, la forêt est également fortement impactée par l’urbanisation galopante, selon le colonel Sidiki Diop, coordonnateur du projet de mise en œuvre du plan d’aménagement de la forêt classée de Mbao.

    Avec 90% des installations industrielles et plus de 350 000 véhicules immatriculés par an à Dakar, a t-il signalé,  »l’Etat est obligé de trouver des solutions qui malheureusement passent impérativement par la forêt classée de Mbao », située à l’entrée de la capitale.

    ‘’De par sa situation géographique, forcément l’Etat et les populations vont émettre des pressions maraîchères et foncières sur cette forêt classée’’, a-t-il relevé, réitérant que l’Etat n’a d’autres options que de passer par cette forêt urbaine pour réaliser ses grands projets d’envergure destinés à améliorer la mobilité à Dakar.

    ‘’Parmi ces projets d’envergure, il y a  l’Autoroute à péage et le Train express régional (TER)’’, a-t-il cité.

    Le colonel Sidiki Diop a indiqué que l’Autoroute à péage a amputé la forêt de 5,5 kilomètres sur 60 mètres de large. ‘’Tous les arbres qui étaient sur l’itinéraire de ce tronçon routier ont été coupés’’, a-t-il déploré.

    ‘’Cette forêt, a-t-il poursuivi,  fait aussi l’objet de convoitises et de pression de la part des maraîchers, des sans-emplois alors qu’on n’a pas tous les moyens d’assurer sa surveillance totale’’.

    Il a souligné que les agents ont une très bonne volonté, mais elle ne règle pas tous les problèmes de conservation de cette aire protégée.  Selon lui,  ‘’l’Etat doit dégager des moyens nécessaires et recruter assez d’agents  pour sécuriser cette forêt qui assure des services écosystémiques extraordinaires à Dakar’’.

    ‘’Aujourd’hui, tout le monde est d’accord que ce poumon vert de Dakar permet d’absorber le gaz carbonique issu des émissions de véhicules, à l’origine des changements climatiques. Et donc, si elle disparaît, il y aura des conséquences environnementales sur les populations de Dakar, notamment avec plus de récurrence des  vagues de chaleur et des inondations’’, a-t-il prévenu, admettant qu’il n’y a pas  »90000 » solutions à ce problème. 

    ‘’L’unique solution, est de préserver cette forêt, ce poumon vert qui fixe le CO2 atmosphérique grâce à la photosynthèse’’, a martelé le colonel Diop.

    Confrontée à des difficultés pour assurer la protection et la sécurisation entière de la forêt classée de Mbao contre les multiples agressions anthropiques, la direction des eaux et forêts, chasses et conservation des sols, a fait appel à des partenaires dont le centre équestre Racing club de Dakar.

    Aménagé sur 5 hectares dans la forêt, ce centre de retrouvailles et d’activités sportives a été installé dans le cadre d’une collaboration avec le secteur départemental des eaux et forêts de Pikine.

    Un centre équestre à l’intérieur de la forêt classée de Mbao

    Le centre équestre Racing club de Dakar situé à Petit-Mbao

    Le service des eaux et forêts a confié la gestion d’une partie du domaine au centre équestre Racing club de Dakar.

    Dès l’entrée du site, le visiteur est attiré par le défilé de plusieurs races de chevaux. Logé dans la forêt depuis 1987, le Racing club de Dakar compte une centaine de chevaux.

    Il offre des formations aux jeunes, aux personnes âgées, et aux agents des eaux et forêts sur les techniques d’approches, de connaissances,  d’entretiens  des chevaux et surveillances de la forêt.

    Dans cette écurie, il y a ‘’baby girl’’, une grande jument allemande âgée de 5 ans.

    ‘’On a eu le site en relation avec les eaux et forêts. Et le fait qu’il y ait des chevaux ici, c’est un gage de préservation de cette forêt. Notre présence permet de stopper les ventes illicites de terrains de la forêt par des promoteurs véreux’’,  a expliqué Samba Seck, copropriétaire du site.

    Samba Seck, copropriétaire du centre équestre Racing club de Dakar

    ‘’Si vous regardez les alentours de la forêt, les promoteurs ont réussi à tout vendre. Mais notre présence a permis de préserver cette partie de la forêt où nous sommes ’’, a-t-il ajouté, relevant que ce  centre participe aussi à la préservation de la forêt en prenant part à des campagnes de reboisement organisées, chaque année, avec l’aide des populations.

    ‘’Cette forêt-là, si nous ne la préservons pas, elle va disparaître. Exceptée celle de Hann-Maristes,  c’est la seule  qui reste à Dakar, nous avons l’obligation de la préserver’’, a plaidé M. Seck, saluant l’étroite collaboration avec les eaux et forêts et les populations dans la préservation de cette aire protégée urbaine.

    Le centre équestre milite pour la préservation de la forêt classée de Mbao

    Outre le centre équestre, le service départemental des eaux et forêts de Pikine mise également sur les populations riveraines, les groupements féminins pour préserver et valoriser cette forêt classée en leur permettant d’en tirer des revenus.

    Ce plan d’aménagement de la forêt classée de Mbao, datant de 2008, a été financé par l’Agence pour la promotion des investissements et des travaux (APIX), a indiqué le colonel Sidiki Diop, coordonnateur du projet de mise en œuvre du plan d’aménagement de la forêt classée de Mbao.

    Il a pour but d’organiser et valoriser cette aire en s’appuyant sur les groupements féminins et les populations riveraines.

    Sur un financement de 4 milliards de francs CFA prévus, seuls 700 millions de francs CFA ont été mobilisés pour ce plan qui fait partie des mesures compensatoires retenues contre les agressions subies (extraction du sable dunaire, coupes de bois, autoroute à péage, Train express régional)  par la forêt.

    Il a appelé à réviser ce plan d’aménagement qui date de 2008, c’est à dire avant la réalisation de l’autoroute à péage et du TER.

    La sécurité des alentours de la forêt  et sa valorisation économique demeurent aussi une affaire des populations constituées en unités de veille contre les menaces dont les feux de brousse.  Elles alertent  les autorités des eaux et forêts en cas de problème.

    Marie Mbaye, présidente du groupement des femmes maraîchères de Fass Mbao, a expliqué qu’elles travaillent dans cette forêt pour gagner leur vie mais aussi contribuer à sa préservation. 

     »Nous travaillons dans cette forêt pour y gagner notre vie tout en participant  à sa préservation. En cas d’incendie tous les groupements se mobilisent pour éviter des dégâts et des pertes », a-t-elle dit, rapportant qu’un feu s’était signalé obligeant les femmes à se mobiliser pour arrêter sa propagation.

    Des jardins dédiés au maraîchage dans la forêt classée

    Jardin de l’union des femmes pour le développement endogène de Kamb (UFDEK) situé dans la forêt classée de Mbao

    Ces jardins appartiennent à des coopératives de femmes et d’hommes qui s’adonnent à des activités agricoles et  maraîchères parfois illégales.

    Dans le jardin aménagé par les membres de l’union des femmes pour le développement endogène de Kamb (UFDEK), se trouve une grande parcelle agricole de 2 hectares avec une pancarte sur laquelle on retrouve des informations relatives à ce groupement de femmes.

    Une vue panoramique des champs s’offre aux visiteurs avec diverses productions: salade, oignon, fromager, cerisiers, etc.

    Selon la présidente de l’association, Binta Wane, ce jardin a été aménagé depuis 2005 avant d’être cédé à l’UFDEK pour y faire des activités champêtres.

    ‘’Au départ, l’UFDEK comptait 44 femmes. Elle a commencé ses activités avec un capital de  6500 FCFA sur une surface de 500 mètres carrés’’, a expliqué Mme Wane, relevant qu’au bout de 8 mois,  des recettes de l’ordre de 800 mille FCFA  ont été réalisés sur 2 hectares aménagés avec l’appui de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et la direction des eaux et forêts.

    L’ingénieure des eaux et forêts, la sous-lieutenant, Fatou Gaye, membre de l’unité de gestion du plan d’aménagement de la forêt classée, a expliqué que ces activités maraîchères ont été initiées grâce au projet d’aménagement.

    ‘’Au moment de réaliser l’autoroute, une étude environnementale et d’impact social, financée par l’APIX et la banque mondiale, a été diligentée sur ce qui reste de cette forêt classée de Mbao. C’est la raison pour laquelle, on a fait une cogestion, avec les femmes’’, a-t-elle expliqué.

    S’agissant de la surveillance, elle a indiqué que huit comités de surveillance villageois composés de 15 membres par village, ont été créés.

    La sous-lieutenant Gaye a indiqué que les femmes productrices bénéficient d’un encadrement pour faire un maraîchage expansif destiné à améliorer leurs revenus.

    Cet accompagnement des femmes et des hommes s’effectue à travers des formations, des renforcements de capacités et autres activités, a-t-elle fait valoir, relevant que tout ce qui est usage de pesticides et insecticides est interdit dans la forêt, au profit du compostage, d’une agriculture biologique de préférence.

    Une pépinière de production de plants destinée à pérenniser les forêts du pays

    La pépinière de production de plants de la forêt classée de Mbao

    La forêt classée de Mbao abrite une grande pépinière de 4,6 hectares. Dès l’entrée, on aperçoit des petits palmiers dans des bocaux plastiques de couleurs noires ou bleues, des avocatiers, des anacardiers et autres plantes, destinés au reboisement des forêts du pays et des artères.

    Réalisée en 1993, dans le cadre de la coopération japonaise, la pépinière produit annuellement 300 mille plants. Exceptionnellement, elle en a produit autour d’1 million 50 000 mille plants en régie ou en privée en 2023.

    Grâce à cette pépinière à vocation régionale et nationale, les eaux et forêts organisent chaque premier dimanche du mois d’août, une campagne de reboisement, dans la forêt et dans toutes les régions du pays, a expliqué l’adjoint au responsable de la pépinière, Ousmane Badji.

    ‘’La distribution des plants d’arbres ne se limite pas seulement au département de Pikine. Elle s’étend sur tout le territoire national pour permettre aux populations de participer au reboisement’’, a-t-il ajouté, précisant que la pépinière produit presque toutes les espèces forestières. Il a insisté sur l’importance de sensibiliser la population sur la préservation de la forêt classée.

    AMN/AB/OID 

  • SENEGAL-ENVIRONNEMENT-COLLECTIVITES / Brèche de Saint-Louis : face aux bouleversements de l’écosystème, les solutions étatiques et la résilience des populations

    SENEGAL-ENVIRONNEMENT-COLLECTIVITES / Brèche de Saint-Louis : face aux bouleversements de l’écosystème, les solutions étatiques et la résilience des populations

    Par Abdoulaye Diallo et Khady Diop

    Saint-Louis, 15 fév (APS) – L’ouverture en 2003 d’un canal de délestage ou brèche à l’embouchure du fleuve Sénégal est à l’origine de profonds bouleversements de l’écosystème marin et de nombreux chavirement mortels de pirogues de pêcheurs, poussant les pouvoirs publics à trouver des solutions, tandis qu’une forme de résilience a vu le jour chez les habitants de l’île de Saint-Louis et de plusieurs villages de la commune de Ndiébène Gandiole, à travers le développement de nouvelles activités socio-économiques.

    Ces profonds changements n’ont épargné ni l’aire marine protégée (AMP) de Saint-Louis ni le Parc national de la langue de Barbarie (PNLB). Ces aires protégées sont situées dans l’emprise de l’embouchure, point de rencontre entre le fleuve Sénégal (1750 kms) et l’océan Atlantique, à l’extrémité sud de la ville de Saint-Louis.

    La récurrence des accidents fluviomaritimes mortels et des bouleversements environnementaux dans cette partie du fleuve a poussé les pêcheurs locaux, les collectivités territoriales et les habitants des villages environnants à se mobiliser depuis plus de vingt ans aux côtés des pouvoirs publics, pour limiter et atténuer les effets meurtriers et dévastateurs engendrés par l’ouverture de la brèche de Saint-Louis.

    Au moins entre 400 et 500 morts y ont été enregistrés entre 2003 et 2022, dans des accidents fluviomaritimes. Ces drames ont principalement fait des victimes du côté des pêcheurs locaux, selon les pouvoirs publics et les pêcheurs.

    La brèche a été creusée dans l’urgence le 3 octobre 2003, sur la partie sud de la langue de Barbarie, vers l’embouchure du fleuve Sénégal, point de jonction avec la mer.

    Elle a été réalisée à l’époque sur initiative des autorités régionales, pour libérer des eaux pluviales, des quartiers inondés de la langue de Barbarie, une bande de terre de 400 mètres de large et de 30 kilomètres de long, située sur le littoral de l’île de Saint-Louis.

    Creusée initialement sur une largeur de quatre mètres, elle a finalement atteint sept à huit kilomètres de diamètre, en vingt ans, à cause des changements climatiques et de la dynamique sédimentaire.

    Constatant cette grande ouverture à l’embouchure, les pêcheurs locaux vont progressivement utiliser ce chenal avec leurs grosses embarcations, pour pénétrer dans la partie continentale de l’île de Saint-Louis afin de décharger leurs captures de poissons mais aussi pour aller en haute mer.

    ’’Les débarquements de poissons se faisaient avec beaucoup de difficultés, avant l’ouverture de la brèche sur la façade du  littoral de l’île de Saint-Louis. L’amélioration de la navigabilité  à l’embouchure est favorisée par l’élargissement de la brèche’’, explique Lamine Diagne, chef du service régional des pêches et de la surveillance de Saint-Louis.

    Selon lui, cette nouvelle configuration a encouragé les pêcheurs à pénétrer à l’intérieur de l’île de Saint-Louis, avec leurs pirogues et captures.

    Récemment affecté à la tête de ce service régional, M. Diagne a reconnu que ‘’l’élargissement du diamètre de l’embouchure a principalement amélioré la navigabilité à l’embouchure’’.

    L’élargissement du diamètre de l’embouchure a contribué indirectement au développement de la pêche artisanale à Saint-Louis et au renforcement des équipements et équipages de pêche, estime de son côté Daouda Fall, coordonnateur des réseaux de conseils locaux de pêche artisanale (CLPA) de Saint-Louis.

    Daouda Fall, coordonnateur des réseaux de Conseil local de pêche artisanale (CLPA) de Saint-Louis
    Daouda Fall, coordonnateur du réseau de conseils locaux de pêche artisanale (CLPA) de Saint-Louis

    ‘’L’ouverture de la brèche a incontestable changé l’activité de pêche à Saint-Louis dans la mesure où les pêcheurs peuvent désormais accoster avec leurs pirogues à l’intérieur du continent, sur les rives du fleuve Sénégal’’, se félicite le pêcheur, qui est né et a grandi à Saint-Louis, dans le milieu de la pêche.

    Trouvé sur la corniche de l’île de Saint-Louis, Daouda Fall contemple, à l’approche de la mi-journée, le ballet incessant des motos et charrettes.

    Vêtu d’un boubou blanc, il insiste sur le fait que l’ouverture de la brèche de Saint-Louis ‘’a considérablement contribué au développement de la pêche artisanale même si, à côté, il y a des aspects biens négatifs à relever’’.

    Moulaye Mbaye, président du comité de gestion de l’Aire marine protégée (AMP) de Saint-Louis
    Moulaye Mbaye, président du comité de gestion de l’aire marine protégée (AMP) de Saint-Louis

    Plus de 400 morts enregistrés à l’embouchure du fleuve 

    Parmi les aspects négatifs, le pêcheur cite ‘’les nombreuses pertes en vies humaines’’ enregistrées dans des accidents fluvio-maritimes mortels.

    Selon lui, les autorités étatiques ont déclaré avoir recensé,  de l’ouverture de la brèche en 2003 à aujourd’hui, 400 morts dans des chavirements de pirogues. Ces drames ‘’surviennent généralement au moment où les pêcheurs, de retour en haute mer, tentent de regagner les rives du fleuve Sénégal, à travers l’embouchure, avec leurs pirogues’’, signale-t-il.

    ‘’Les drames arrivent généralement lorsque ces grandes pirogues, sous l’effet combiné du poids et de la vitesse de progression, heurtent brutalement le fond marin  sableux de l’embouchure’’, explique Moulaye Mbaye, président du comité de gestion de l’aire marine protégée (AMP) de Saint-Louis.

    ‘’Cette embouchure fait aujourd’hui huit kilomètres de large. Elle connaît dans son fond marin, de petites profondeurs par endroits violemment heurtées par de grandes pirogues. Et à chaque fois que les pirogues touchent le fond,  il y a des drames, et des chavirements mortels’’, déplore-t-il.

    M. Mbaye précise que sur 25 000 pirogues immatriculées au Sénégal, les 10.000 le sont à Saint-Louis.

    Lamine Diagne, nouveau chef du service régional des pêches et de la surveillance de Saint-Louis
    Lamine Diagne,  chef du service régional des pêches et de la surveillance de Saint-Louis

    Des mesures préventives prises pour réduire les accidents mortels

    L’embouchure étant devenue au fil des années un lieu de passage dangereux et périlleux pour les pêcheurs locaux, le service régional des pêches et de la surveillance de Saint-Louis s’est appuyé sur l’autorité administrative, pour prendre des mesures préventives allant dans le sens de réduire les récurrents accidents mortels.

    ‘’A cet effet,  le préfet de Saint-Louis avait pris en 2008, un arrêté portant réglementation du débarquement de la sardinelle dans la commune de Saint-Louis et l’accès au canal de délestage’’, rappelle Lamine Diagne, chef du service régional des pêches et de la surveillance de Saint-Louis.

    Cet arrêté encore en vigueur interdit toute navigation sur l’embouchure, de 19 heures à 7 heures du matin, fait-il savoir, expliquant que son objectif est de freiner ‘’la  récurrence des accidents mortels notés à l’embouchure’’.

    Il souligne que cet arrêté était la première mesure administrative prise par les pouvoirs publics pour limiter les accidents fluviomaritimes au niveau de la brèche.  Des missions de contrôles ont été initiées par les pêcheurs locaux et des équipes mixtes pluri-professionnelles de  surveillance (sapeurs-pompiers, eaux et forêts, police, etc.), ajoute M. Diagne

    Ces équipes mixtes pluri-professionnelles mobilisées pour appuyer la mise en œuvre de l’arrêté préfectoral travaillent sous l’égide de l’Agence nationale des affaires maritimes (ANAM).

    Les équipes sont chargées de faire des patrouilles le long de l’embouchure,  de 7 heures à 19 heures, des tranches horaires qui correspondent aux heures de navigation autorisées, indique-t-il.

    Lamine Diagne souligne que ces équipes mixtes, communément appelées  »check point », veillent du 1er janvier au 31 décembre de chaque année, au respect de l’arrêté préfectoral mais aussi des mesures sécuritaires, comme le port de gilet, et le respect des alertes météorologiques.

    Les pêcheurs membres du Groupement d’intérêt économique (GIE) Diamalaye et du CLPA de Saint-Louis ainsi que des partenaires se sont aussi engagés sur le terrain  pour le respect des heures autorisées de navigation de l’arrêté préfectoral, renseigne le fonctionnaire.

    Dans le cadre de la lutte contre les accidents fluviomaritimes, le chef du service régional des pêches indique qu’un balisage et un dragage du canal ont été exécutés par l’Etat comme mesures sécuritaires pour endiguer les accidents mortels et améliorer davantage la navigabilité.

    Lancés en 2019, ces travaux ont porté sur le dragage de la voie navigable de l’embouchure jusqu’au port polonais ainsi que sur le balisage du chenal.

    Une enveloppe de sept milliards de francs CFA avait été dégagée par l’Etat pour ces travaux, selon les autorités étatiques.

    Mamadou Keita, chef de la circonscription nord de l’ANAM intervenait dans son bureau lors d’un entretien accordé à l’APS
    Mamadou Keita, chef de la circonscription nord de l’ANAM, accordant un entretien à l’APS

    Une baisse des accidents fluviomaritimes à l’embouchure

    Les mesures préventives ont permis ‘’une régression des cas d’accidents fluviomarines à l’embouchure, passant de 400 à une quarantaine de morts ces dernières années’’, note Lamine Diagne, le chef du service régional des pêches et de la surveillance de Saint-Louis.

    Mamadou Keïta, chef de la circonscription nord de l’ANAM, salue aussi les efforts et investissements de l’Etat qui ont contribué à la réduction ‘’des accidents fluviomaritimes à l’embouchure’’.

    ‘’De 400 décès enregistrés depuis l’ouverture de la brèche, on est passé à deux accidents ou trois par an, en tout cas, à pas plus d’une dizaine de morts par an’’, dit-il. Il appelle à continuer la sensibilisation des pêcheurs au respect des mesures interdisant la navigation nocturne sur l’embouchure.

    ‘’C’est le non-respect de l’arrêté préfectoral qui favorise les accidents », accuse-t-il, justifiant la nécessité de « renforcer la sensibilisation des pêcheurs et [la poursuite] des missions de surveillance’’.

    Concernant les travaux de balisage et de dragage à l’embouchure, Mamadou Keïta rappelle que l’Etat avait fait appel à une entreprise chinoise dans un premier temps, avant de dénoncer ce contrat pour manque de respect de clauses.

    Une entreprise belge a finalement dragué l’embouchure sur une distance de 11 kilomètres en huit mois, indique M. Keïta, relevant que le dragage de la brèche et son balisage latéral matérialisé par la pose de 52 bouées (de balisage), de l’embouchure au port polonais, ont permis de réduire de moitié la récurrence des drames.

    Pour mener leurs missions de surveillance conjointe, les équipes mixtes disposent de sept vedettes dont deux appartenant à l’ANAM et cinq à d’autres services de l’Etat, selon le chef de la circonscription nord de l’ANAM.

    Il appelle les autorités étatiques à renforcer la mission de surveillance de l’embouchure en vedettes tout en dotant les pêcheurs et les habitants des villages environnants de gilets de sauvetage.

    Daouda Fall, coordonnateur du Réseau des conseils locaux de pêche artisanale (CLPA) de Saint-Louis, magnifie les activités menées dans le cadre de la campagne de sensibilisation sur les dangers de l’embouchure par les pêcheurs locaux à travers les radios communautaires locales et la diffusion d’alertes ou bulletins météorologiques.

    ‘’Grâce à ces initiatives de sensibilisation, les pécheurs ont pris conscience du danger de l’embouchure. Cette prise de conscience a permis de réduire les accidents fluviomaritimes touchant ces derniers’’, se félicite M. Fall, imputant ‘’la responsabilité entière des dégâts causés par la brèche aux autorités étatiques’’.

    ‘’Elles ont ouvert ce canal en 2003, sans au préalable faire des études d’impact environnemental, et sans consulter les pêcheurs locaux’’, dénonce-t-il.

    Outre les conséquences meurtrières de la brèche dans la commune de Saint-Louis, l’élargissement de celle-ci a impacté les principales activités socio-économiques des habitants de Ndiébène Gandiole. Les populations de cette commune située à 17 kilomètres de la ville de Saint-Louis ont décidé de se mobiliser contre les effets néfastes de l’élargissement de la brèche.

    Limitrophe de l’embouchure du fleuve Sénégal, elle compte près de 30.000 habitants, 30 villages, 6 hameaux, 27 écoles primaires, un lycée, deux collèges, un poste de santé et des cases de santé.

    Vue aérienne du PNLB
    Vue aérienne de la brèche de Saint-Louis

    ‘’A Ndiébène Gandiole, l’élargissement de la brèche a impacté négativement les activités socio-économiques des populations, comme la pêche, l’élevage, et l’agriculture’’, indique Mamadou Ndiaye, deuxième adjoint au maire de cette collectivité territoriale.

    ‘’Aujourd’hui, elles ont abandonné ces activités fortement impactées par la salinisation des sols et de la nappe phréatique’’, déplore l’élu local, signalant que les jeunes se sont tournés vers l’émigration clandestine en Europe.

    Il déplore ‘’la perte tragique d’une bonne partie de la jeunesse » de la commune.

    Tout de blanc vêtu, l’adjoint au maire dégage une grande sérénité dans la tenue traditionnelle qu’il arbore en cet après-midi.

    Mamadou Ndiaye, deuxième adjoint au maire de Ndiobène Gandiole
    Mamadou Ndiaye, deuxième adjoint au maire de Ndiobène Gandiole

    M. Ndiaye indique qu’en guise de solutions à ces problèmes environnementaux, la mairie a formalisé avec des partenaires, trois groupements d »intérêt économique portant sur l’agriculture, la pêche et la transformation des produits locaux, au profit des populations locales, particulièrement des jeunes.

    Ces trois GIE ont bénéficié chacun d’un financement de quatre millions de francs CFA, précise-t-il, expliquant que la commune a misé sur le partenariat et la sensibilisation ‘’pour retenir sa jeunesse’’.

    Il assure que la mairie est disposée à accompagner les jeunes, les GIE, dans le processus d’acquisition de parcelles agricoles. ‘’Il est vrai qu’une partie des terres est impactée par la salinisation mais d’autres sont encore cultivables’’, assure-t-il.

    ‘’Nous sensibilisons les jeunes contre l’émigration clandestine, à travers les radios communautaires, et les réseaux sociaux. Nous les appelons à croire à un destin possible ici, et non à l’étranger’’, lance M. Ndiaye.

    Situés sur l’emprise de l’embouchure du fleuve Sénégal, l’aire marine protégée de Saint-Louis et le Parc national de la langue de Barbarie n’ont pas non plus été épargnés par les effets destructeurs engendrés par l’agrandissement du canal de délestage.

    Du côté de l’AMP de Saint-Louis, l’ouverture de la brèche a détruit la flore et les dunes de sable. Des efforts ont été entrepris pour restaurer ses anciens écosystèmes, indique son conservateur, le capitaine Didier Kabou, à l’entame d’une visite de terrain de plus de deux tours d’horloge.

    Sur la plage de l’AMP, des traces de pattes d’oiseaux sont visibles. Au milieu de la réserve, des limicoles se pavanent allègrement.

    Les espèces végétales endémiques comme le ‘’paspalum’’ et le prosopis y poussent naturellement. Au fur et à mesure qu’on progresse dans ce foyer écologique, on découvre diverses plantes qui jalonnent les pistes sablonneuses et une bande de filaos à perte de vue. Ces végétaux foisonnent sur le relief de l’AMP et forment de jolis tapis verts agréables à contempler.

    L’AMP abrite une importante ressource avifaune composée de pélicans blancs (Pelicanus onocrotalus), de sternes caspiennes (Sterna caspia), de balbuzards pêcheurs (Pandion haleaetus), de goélands bruns (Larus fuscus), de mouettes à tête grise (Larus cirrocephalus), et de grands cormorans (phalocrocorax carbo).

    Oiseaux migrateurs à l’Air Marine Protégée de Saint-Louis (AMP)- (Crédit photo-Site AMP)
    Oiseaux migrateurs à l’aire marine protégée de Saint-Louis- (Crédit photo-Site AMP)

    Créée 2004, cette aire protégée s’étend sur 49 600 hectares dont 527 constitués essentiellement d’écosystèmes littoraux.

    107 hectares de filaos reboisés dans l’AMP

    Elle est limitrophe aux communes de Saint-Louis, Gandon et Ndiébène Gandiole et vise trois objectifs : la conservation de la biodiversité marine et  côtière, la restauration des habitats marins et côtiers, et l’amélioration des revenus des ménages autour de l’AMP.

    ‘’Depuis 2012, nous sommes à 107 hectares de filaos reboisés dans l’AMP. Nous avons également mis en place un dispositif qui permet de reconstituer le sable et le cordon dunaire de la langue de Barbarie’’, fait savoir son conservateur.

    Vêtu d’un tee-shirt noir et d’un pantalon kaki militaire, Didier Kabou parait plus jeune que son âge malgré ses 50 ans.

    Le capitaine Didier Kabou, conservateur de l’Air marine Protégée lors d’un entretien accordé aux journalistes de l’APS
    Le capitaine Didier Kabou, conservateur de l’aire marine protégée lors d’un entretien accordé aux journalistes de l’APS

    Le natif de la Casamance est un habitué du terrain pour avoir servi au Parc national de Niokolo Koba, une aire protégée qui se distingue aussi par la richesse de sa biodiversité et de ses écosystèmes.

    ‘’L’autre problème de l’AMP né de l’ouverture de la brèche, est l’ensablement du fleuve à l’origine  de beaucoup de problèmes de navigation’’, signale-t-il, se réjouissant de la réaction positive apportée par ‘’les pouvoirs publics dans la restauration des écosystèmes détruits par l’ouverture du canal de délestage’’.

    L’AMP de Saint-Louis compte 41 espèces d’oiseaux et reçoit en moyenne jusqu’à 10 000 oiseaux, selon les opérations mensuelles de décompte des oiseaux d’eau.

    Les grandes vagues de migrations d’oiseaux arrivent en période de froid dans l’hémisphère nord correspondant ici à la période entre les mois de novembre et d’avril. C’est à cette période que l’AMP enregistre des pics d’arrivées d’oiseaux migrateurs.

    L’AMP compte également des zones de reproduction dont celle dédiée aux tortues marines, et d’expérimentation de la reconstitution du cordon dunaire et de lutte contre l’érosion côtière.

    Le conservateur indique qu’après cartographie de l’AMP, neuf unités de gestion ont été mises en place dont des unités dédiées à l’écotourisme et au maraîchage.

    Cette brèche réalisée en 2003 a connu une dynamique allant vers le sud de la langue de Barbarie, explique-t-il, relevant une érosion côtière au nord et  une sédimentation au sud.

    Concernant la lutte contre les effets de la brèche, ‘’nous avons expérimenté dans l’AMP les pièges à sable réalisés  avec les plantes de typhas et des palissages pour piéger le sable et reconstituer le cordon dunaire de la langue de Barbarie’’, explique-t-il.

    Il indique que des actions de reboisement pour fixer les dunes et reconstituer le cordon protecteur de la langue de Barbarie  ont été déroulées dans les villages environnants, à l’embouchure en rapport avec les populations locales.

    Palissage érigée par les gestionnaires de l’AMP pour fixer le sol
    Palissage érigé par les gestionnaires de l’AMP pour fixer les dunes de sable 

    ‘’En amont de ces villages,  il y avait la langue de Barbarie qui jouait un rôle de cordon naturel protecteur pour les villages de Doun Baba Dièye, de Ndiébéne Gandiole et Gandon’’, rappelle-t-il. Selon lui, ‘’c’est ce rôle du cordon de la langue de Barbarie qu’on avait perdu avec l’ouverture de la brèche, en 2003’’.

    Il signale qu’à côté des actions de reboisement, l’AMP a accompagné avec des dons d’intrants et de matériels, les populations des villages dans la mise en place de blocs maraîchers. ‘’Aujourd’hui, à Doun Baba Dièye, un village rayé de la carte par l’ouverture de la brèche, des actions de reboisement et d’aménagement de maraîchers  sont en cours, pour permettre aux populations de vivre de leurs activités de maraîchage’’, dit-il.

    Des maraîchers réalisent 1,2 million de FCFA de chiffre d’affaire par campagne

    Il rappelle que les populations de ce village et environs s’adonnent à des activités de maraichage pour ravitailler en légumes la ville de Saint-Louis.

    ‘’Malheureusement, avec l’ouverture de la brèche, elles ont abandonné à un moment donné le maraîchage pour se reconvertir dans la pêche’’, déplore-t-il, avant de se réjouir de la restauration du cordon dunaire de la langue de Barbarie.

    L’activité de maraîchage rapporte énormément aux maraîchers avec 1,2 million de francs CFA de chiffre d’affaires par campagne, selon des enquêtes menées auprès de maraîchers, fait-il savoir.

    Des données de l’AMP sur les superficies de filaos reboisés de 2012 à 2022
    Des données de l’AMP sur les superficies (en ha) de filaos reboisés de 2012 à 2022

    Le capitaine Kabou lance un vibrant appel aux partenaires pour qu’ils viennent accompagner l’AMP dans la restauration de la langue de Barbarie, seule barrière qui protégeait la ville de Saint-Louis de l’avancée de la mer.

    ‘’Avec les activités économiques qui se profilent à l’horizon dont l’exploitation du pétrole et du gaz, c’est sûr qu’il y aura beaucoup de structures qui vont s’installer à Saint-Louis. Donc, c’est le moment d’anticiper sur la conservation de la langue de Barbarie,  le dernier rempart qui protège Saint-Louis des rigueurs de la mer’’, fait-il valoir.

    Au Parc national de la langue de Barbarie (PNLB), limitrophe de 17 villages riverains du fleuve Sénégal, l’ouverture de la brèche et l’érosion côtière menacent aujourd’hui l’ilot aux oiseaux, a alerté l’adjoint au conservateur du PNLB,  le lieutenant Bélal Diédhiou, à l’entame d’une visite du PNLB à bord d’une vedette.

    ‘’Cette brèche de Saint-Louis, dans sa progression du nord vers le sud sous l’effet des courants, risque de faire disparaître l’ilot’’, prévient-il.

    Explications du Lieutenant Belal Diedhiou sur l’avancée de la mer au niveau parc national de la langue de barbarieQuelques oiseaux trouvés au Parc National de la Langue Barbarie
    Le lieutenant Bélal Diedhiou expliquant l’avancée de la mer au Parc national de la langue de Barbarie

    Le point focal du PNLB est représenté par l’ilot de reproduction. Il avait 2 ha de superficie, mais a perdu 1/3 de sa superficie sous l’effet de l’érosion côtière. Cet ilot, dit-il, est un point important du parc qui reçoit chaque année des milliers d’oiseaux migrateurs.

    Bélal Diédhiou rappelle qu’avant la réduction de sa superficie, 10 espèces d’oiseaux se reproduisaient sur le site. ‘’Ce nombre est maintenant passé à quatre espèces d’oiseaux’’, déplore-t-il.

    Le long de la plage, les dégâts de la brèche sont toujours visibles avec notamment la disparition de filaos ravagés par la salinité et la forte érosion du rivage. Au fil des années, le parc a gravement subi les affres des changements climatiques, entraînant une disparition progressive des écosystèmes forestiers.

    Il est environ 16h. Un vent frais caresse les visages tandis que le soleil darde ses rayons.

    Après 20 minutes de navigation, la vedette arrive sur l’îlot de reproduction des oiseaux où se concentrent plus de 10 mille espèces avifaunes entre les mois novembre et d’avril.

    Des actions menées avec des partenaires ont permis de mettre en place, un cordon pierreux destiné à protéger l’îlot, confie M. Diédhiou. Il signale que ce cordon a lâché au bout de quelques jours seulement, sous l’effet des submersions marines et des grandes marées.

    Au milieu du fleuve, à bord de l’embarcation, une vue large des côtes où on peut constater facilement les impacts du canal de délestage s’offre aux visiteurs:  l’érosion côtière des sites abritant des campements et hôtels qui se trouvent sur le rivage du fleuve et la dégradation progressive du cordon pierreux érigé pour empêcher la disparition de l’ilot de reproduction des oiseaux.

    Oiseaux migrateurs au Parc national de la Langue de Barbarie
    Oiseaux migrateurs au Parc national de la Langue de Barbarie

    Bélal Diédhiou renseigne que les nouvelles options envisagées pour sauver l’îlot d’une disparition portent sur une restauration, un aménagement en hauteur ou encore la création d’un îlot artificiel sur la partie nord.

    ‘’Mais nous craignons que les oiseaux migrateurs qui ont l’habitude d’être sur l’îlot de reproduction n’acceptent pas l’îlot artificiel’’, redoute-t-il, soulignant que la réflexion se poursuit pour voir la meilleure option à prendre à ce niveau.

    Il assure que des solutions durables contre la brèche sont en cours d’étude, montrant du doigt la zone de reproduction des tortues marines du parc située entre l’océan Atlantique et le fleuve Sénégal.

    Créé en 1976, le PNLB s’étend sur 2000 hectares entre les communes de Ndiébéne Gandiole (Saint-Louis) et Léona (Louga). Sa création vise d’abord la protection des milliers de colonies nicheuses qui quittent chaque année l’Europe à cause de l’hiver pour se reproduire ici et la protection des tortues marines dont quatre espèces évoluent au PNLB.

    Le PNLB est constitué d’un écosystème marin, fluvial, et lagunaire

    L’adjoint au conservateur souligne que le PNLB est confronté également à une perte des surfaces de plage de la langue de Barbarie où se trouvent des sites de pontes de tortues marines.

    Sur une petite bande de terre qui sépare la mer et le fleuve du Sénégal, se dressent des filaos à perte vue. ‘’Vous voyez, ces écosystèmes forestiers ont été reboisés avec l’appui des partenaires, c’est pour fixer le sol’’,  souligne-t-il.

    Sur la plage apparait un fort rétrécissement de la côte. ‘’Cette plage fréquentée par des tortues marines est actuellement menacée par l’avancée de la brèche et l’érosion côtière. Une situation qui met en péril ces sites de ponte des tortues marines au point que l’année dernière on n’a pas eu de remontée de tortues’’, regrette-t-il. Il signale qu’en 2023, il y a eu seulement quatre remontées de tortues au niveau du parc.

    Concernant la lutte contre la remontée de la salinité, relève-t-il, les dunes sont fixées avec les filaos qui jouent aussi le rôle d’abri des oiseaux.

    ‘’Nous faisons des activités de reboisement de la mangrove qui joue un rôle écologique important, notamment la séquestration du carbone. Nous reboisons aussi au niveau du parc des espèces qui résistent à la salinité des sols et à l’érosion côtière’’, fait-il savoir, annonçant la mise en place d’une pépinière de ces espèces pour la restauration de terres dégradées par la salinité.

    Le lieutenant Diédhiou reconnaît que la remontée de la salinité n’a pas été entièrement mauvaise pour les populations des 17 villages limitrophes du PNLB.

    Selon lui, ‘’grâce à la remontée de la salinité, des arches, des huîtres, et des coquillages sont apparus dans le Gandiole, à cause du bouleversement de l’écosystème marin, poussant les populations riveraines, en majorité des femmes, à se lancer dans l’élevage de fruits de mer’’.

    Moussa Niang, éco-garde et ressortissant de la commune de Ndiébène Gandiole, souligne que la remontée de la salinité de la nappe phréatique et des terres, avec l’ouverture de la brèche, a transformé cette zone d’horticulture.

    Moussa Niang éco- garde habitant la commune de Ndiobène Gandiole
    Moussa Niang, éco- garde habitant la commune de Ndiobène Gandiole

    ‘’Les activités touchées par les effets de la brèche sont l’horticulture, mais les femmes s’adonnent maintenant à l’ostréiculture, la récolte des arches et des fruits de mer’’, renseigne M. Niang. Il rappelle que ces espèces y avaient été observées en 2008.

    Ce changement de l’écosystème a permis aux femmes qui avaient perdu leurs terres de se reconvertir dans l’ostréiculture et l’élevage de fruits de mer, s’est-il réjoui.

    Pape Aldiouma Cissé, chargé de projet technique senior à l’Agence de développement municipal, (ADM) indique qu’avec l’appui de la Banque mondiale, le gouvernement du Sénégal a initié une étude de modélisation hydrodynamique de l’embouchure du fleuve Sénégal.

    ‘’Cette étude en cours nous permettra de voir comment va se comporter cette brèche durant les 50 prochaines années et d’apporter des solutions durables de stabilisation de la brèche’’, ajoute M. Cissé, par ailleurs coordonnateur du Projet de protection côtière à Saint-Louis (PPCS).

    ABD/KD/AB/ASB/OID/ASG

  • SENEGAL-CLIMAT-MIGRATION-REPORTAGE / À Diougop, les villas des déplacés climatiques de la langue de Barbarie sortent de terre, entre inquiétude et espoir

    SENEGAL-CLIMAT-MIGRATION-REPORTAGE / À Diougop, les villas des déplacés climatiques de la langue de Barbarie sortent de terre, entre inquiétude et espoir

    +++Par Abdoulaye Diallo++++

    Saint-Louis, 20 oct (APS) – Un site de 16 hectares de Diougop, l’un des 56 villages de la commune de Gandon, dans la région de Saint-Louis (nord), va héberger près de 15.000 habitants des quartiers saint-louisiens de Gokhou Mbathie, Ndar-Toute et Guet-Ndar victimes de l’érosion côtière.

    Des habitants de ces trois quartiers de la langue de Barbarie, une bande de terre située sur le littoral de Saint-Louis, vont quitter leurs habitations à la faveur d’un ‘’projet de relèvement d’urgence et de résilience’’ – SERRP, selon le sigle en anglais.

    Le site d’hébergement des victimes de l’érosion côtière, situé à 12 kilomètres de la ville de Saint-Louis, est en chantier et pourrait accueillir bientôt ses premiers habitants, des déplacés climatiques. Certains d’entre eux partagent leur inquiétude et leur espoir en attendant le déménagement de masse.

    Sur le toit d’un des bâtiments en construction, un ouvrier conduit une grue, une machine servant à soulever des objets lourds. Divers équipements et engins lourds, dont des camions, peuplent le chantier. Alphousseyni Sané, un ingénieur en génie civil de l’Agence de développement municipal (ADM), dirige la construction des bâtiments. ‘’Ces travaux sont exécutés par l’ADM, dans le cadre du projet de relèvement d’urgence et de résilience à Saint-Louis’’, explique M. Sané.

    Mis en place en 2018 par l’État du Sénégal, avec le concours technique et financier de la Banque mondiale, le SERRP cherche à reloger des familles de Gokhou Mbathie, de Guet-Ndar et de Ndar-Toute victimes de la forte houle qui a frappé la côte en 2017 et en 2018. De gigantesques vagues ont détruit 101 habitations de ces trois quartiers de la langue de Barbarie, jetant à la rue 93 familles sinistrées.

    Le SERRP, à la suite de cette catastrophe naturelle, lance les travaux d’aménagement du site de Diougop, le 18 mai 2021, pour une durée de vingt-trois mois. Quelques-uns des déplacés climatiques de la langue de Barbarie se sont installés provisoirement sur une partie du site. Ils vivent sous des tentes ou unités mobiles d’habitation depuis 2018, dans des conditions précaires. En attendant la livraison des maisons de la première phase du SERRP.

    Au total, 500 logements – qui doivent être dotés d’équipements sociaux de base – sont en construction. Les travaux, après avoir accusé du retard, avancent maintenant à vue d’œil.

    L’ADM emploie 400 à 500 ouvriers pour l’exécution du projet, selon M. Sané. ‘’Cinq cents logements, dont 267 villas, sont prévus pour la première phase et la deuxième. Et 233 villas doivent être construites pour la troisième phase, dont les travaux n’ont pas encore démarré’’, précise-t-il.

    Le premier lot de maisons de la première phase a atteint un niveau d’exécution de 90 %, et les lots 2 et 3 de cette même phase en sont à 75 %, selon l’ingénieur. ‘’Aucune villa n’est encore entièrement achevée en dehors des villas témoins’’, dit-il, assurant que les logements de la première phase seront livrés avant la fin d’octobre 2023.

    Avant la fin de ce mois d’octobre, 93 familles sinistrées seront relogées

    Concernant le format des logements, des villas de cinq pièces, des villas rez-de-chaussée (RDC), des villas R+2 de 10 pièces et des villas R+2 de 15 pièces sont prévues par le SERRP, selon l’ingénieur en génie civil. Toutes les chambres ont la même superficie : 12 mètres carrés.

    Au milieu des gravats et du bruit des bétonnières, des machines tournent à plein régime pour le mélange du sable, du béton, du gravier et de l’eau, sous le regard attentif des ouvriers.

    ‘’Nous prévoyons de livrer les villas du lot 1 de la première phase au plus tard le 15 octobre. Quant aux lots 2 et 3 de la même phase, la livraison est prévue vers la fin d’octobre’’, assure Alphousseyni Sané. Des attributions provisoires de trois lots de maisons à des victimes de la houle en 2017 et 2018 ont eu lieu en septembre dernier, selon lui.

    ‘’Avant la fin de ce mois d’octobre, nous allons reloger 93 familles sinistrées de Ndar-Toute, Guet-Ndar et Gokhou Mbathie’’, promet M. Sané, précisant que toutes les maisons provisoirement livrées ont le format RDC. Du matériel acheté en Chine en vue de la finalisation du projet sera réceptionné en novembre prochain, selon Alphousseyni Sané.

    Alphousseyni Sané, ingénieur et expert en génie civil à l’Agence de développement municipal (ADM-SERRP)
    Boubou Aldiouma Sy, professeur de géomorphologie à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis

    Près du chantier, des familles sinistrées de la langue de Barbarie sont provisoirement hébergées par le SERRP depuis 2018. Dans des habitations mobiles fabriquées avec des bâches. Mamadou Thiam, dit Baye Fall, est l’un des habitants de ces maisons provisoirement mises à la disposition des déplacés climatiques. Il remercie l’État pour sa volonté de reloger ces familles victimes des vagues de la mer et de l’érosion côtière.

    ‘’Nous ne sommes pas les seuls citoyens du pays à avoir vu les intempéries détruire leur lieu d’habitation. Donc, nous remercions vivement les autorités et l’ADM’’, dit-il à l’APS, tout en faisant part de la ‘’crainte’’ des bénéficiaires du SERRP.

    ‘’Les sinistrés magnifient ce projet de Diougop. Cependant, ils veulent des villas capables d’accueillir convenablement leur famille entière’’, affirme Mamadou Thiam, qui dirige un comité de familles sinistrées de Gakhou Mbathie, Ndar-Toute et Guet-Ndar. ‘’Nous pensons qu’après tant d’efforts de l’État, il faudrait éviter que ces détails viennent tout gâcher’’, prévient M. Thiam.

    ‘’Un cordon littoral sablonneux’’

    Lors de l’attribution provisoire de lots de villas RDC de la première phase à 93 familles sinistrées, ‘’il y a eu beaucoup de complaintes contre l’exiguïté des maisons’’, témoigne-t-il, affirmant que certaines habitations sont trop étroites pour contenir les familles nombreuses. Selon Mamadou Thiam, certaines familles sinistrées comptent une dizaines de membres.

    L’appétit venant en mangeant, les sinistrés logés à titre provisoire réclament la construction d’une brigade de gendarmerie dans leur nouveau quartier en vue de sa sécurité. ‘’Il faut prendre en compte la sécurité du site de Diougop, qui est appelé à accueillir environ 15.000 déplacés climatiques de la langue de Barbarie’’, recommande le président du comité des familles sinistrées.

    La langue de Barbarie, située sur le littoral de la ville de Saint-Louis, est une bande de terre de 200 à 400 mètres de largeur et d’une longueur de 40 kilomètres. Elle est densément peuplée. Ses habitants vivent surtout de la pêche. Depuis plusieurs années, cette bande de terre est confrontée à une forte érosion côtière aggravée par les changements climatiques.

    Boubou Aldiouma Sy, professeur de géographie et de géomorphologie à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis, explique que la vulnérabilité des quartiers de Gokhou Mbathie, Ndar-Toute et Guet-Ndar est une conséquence de leur implantation sur ‘’un cordon littoral sablonneux’’.

     

     

    Boubou Aldiouma  Sy, professeur de géographie et de géomorphologie au département de géographie de l'université Gaston Berger (UGB) de Saint-Louis
    Boubou Aldiouma Sy, professeur de géomorphologie à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis

     

    Le sable étant une graine sédimentaire meuble très sensible à l’érosion côtière, il favorise le relèvement du niveau de la mer sur cette partie du littoral, de l’ordre de 30 centimètres tous les cent ans. C’est ultrarapide !’’ explique le géomorphologue rencontré à Guet-Ndar. ‘’En réalité, ce qui devait arriver en mille ans survient en cent ans seulement.’’

    Le relèvement du niveau de la mer s’accompagne de vagues très puissantes, selon M. Sy. ‘’Quand cette force vient frapper une plage sablonneuse comme celle de la langue de Barbarie, vous imaginez les dégâts. Avec une vitesse de recul spectaculaire du trait de côte’’, souligne-t-il, jetant un regard en direction des vagues heurtant le rivage de Guet-Ndar.

    ‘’Ici, la menace est réelle’’, s’inquiète M. Sy, se rappelant les témoignages qui lui ont été faits, selon lesquels le trait de côte était presque à 100 mètres de Guet Ndar. ‘’Aujourd’hui, le trait de côte (la limite entre la mer et la terre) a nettement avancé vers les habitations, à telle enseigne qu’il a détruit le mur de protection construit en 1929 et 1930 par les colons français. Vous voyez, donc, que c’est ultra rapide !’’

    ‘’À partir de ce mois d’octobre, 93 familles sinistrées, soit 316 ménages, vont s’installer dans de nouvelles villas’’

    Selon le géomorphologue, la vitesse de recul du trait de côte est d’environ 0,5 mètre par année, sur les côtés sénégalo-mauritaniennes et d’autres parties du littoral africain. Une remarque qui laisse songeur, concernant l’ampleur de ce phénomène marin à Saint-Louis. La topographie basse de la langue de Barbarie expose la zone à l’érosion côtière, fait remarquer Boubou Aldiouma Sy.

    Quelle solution durable peut-on envisager contre ce phénomène ? Boubou Aldiouma Sy suggère la mise en place, sur le rivage de la langue de Barbarie, d’‘’appareils’’ permettant de maîtriser les paramètres hydrodynamiques des houles, des vagues et des courants de submersion marine. Une telle mesure devrait aider à mieux comprendre les phénomènes naturels capables de survenir sur cette partie du littoral sénégalais, selon lui. Il faudra ensuite envisager la mise en place d’un système de protection durable, selon l’universitaire.

    La mairie de Saint-Louis, la ville d’origine des réfugiés climatiques, s’est fortement impliquée dans le projet de relogement. L’État aussi. Plusieurs collectivités territoriales du département de Saint-Louis ont tenté d’unir leurs efforts, ce qui a permis de mettre à la disposition du SERRP l’assiette foncière de 16 hectares de Diougop, selon Latyr Fall, un adjoint du maire de Saint-Louis, chargé de l’assainissement et des inondations.

    ‘’À partir de ce mois d’octobre, 93 familles sinistrées, soit 316 ménages comprenant 2.000 à 3.000 personnes, vont s’installer dans de nouvelles villas à Diougop’’, assure M. Fall.

     

    Vue aérienne des quartiers de la langue de Barbarie
    Vue aérienne des quartiers de la langue de Barbarie

    Les preuves matérielles de la destruction de sa concession doivent être fournies par chacune des familles à reloger, selon l’adjoint du maire de Saint-Louis. Il signale que la mairie a fait appel aux conseils de quartier et aux délégués de quartier pour identifier les familles sinistrées et les maisons détruites par la houle en 2017-2018.

    Selon Latyr Fall, l’idée de reloger quelque 15.000 personnes de la langue de Barbarie à Diougop a été agitée lors d’une visite d’Emmanuel Macron, le président français, en 2018, dans les quartiers de la langue de Barbarie. Par la suite, la mairie de Saint-Louis, avec l’aide de partenaires en matière de lutte contre les changements climatiques, a bénéficié de deux projets majeurs : le SERRP, destiné au recasement des victimes de l’érosion côtière, et le Projet de protection côtière de Saint-Louis. Ce dernier a permis de construire une digue de protection de 2.175 mètres, selon le conseiller municipal.

    Quatre cent trente-deux concessions seront relogées à Diougop

    Les populations devant quitter la langue de Barbarie occupent une bande vulnérable de 3,5 kilomètres de longueur et de 20 mètres de largeur appelée ‘’la bande des 20 mètres’’.

    Un travail de sensibilisation et d’identification des déplacés climatiques a été fait par la mairie de Saint-Louis, ce qui a permis d’identifier 90 % des familles concernées. Il ne reste que 18 familles à identifier, selon Latyr Fall.

    La langue de Barbarie est encore très vulnérable à l’avancée de la mer, d’où la nécessité d’envisager des solutions durables, dit-il, soulignant que cette vulnérabilité s’est accentuée en 2014 à Gokhou Mbathie, poussant l’État à ériger une digue de 1,2 kilomètre pour atténuer les effets de la houle.

    ‘’Malheureusement, relève M. Fall, le sud de l’île de Saint-Louis a été touché par ce phénomène. Le sud, c’est le quartier de Guet-Ndar, où l’érosion côtière a fait plus de dégâts.’’

     

    Les impacts de l'avancée de la mer sur la langue de Barbarie
    Les houles de 2017-2018 laissent encore des traces sur les habitations de la langue de Barbarie

    Selon l’adjoint du maire, les autorités ont décidé d’aménager la bande de terre constituée par les trois quartiers saint-louisiens, ce qui va protéger l’île de Saint-Louis classée au patrimoine mondial de l’Unesco.

    ‘’La bande des 20 mètres’’ est une partie de la langue de Barbarie reliant les quartiers de Guet-Ndar, Gokhou Mbathie et Ndar-Toute, précise le président du conseil de quartier de Gokhou Mbathie, Iba Ndiaye. Cette bande concentre 432 concessions dans lesquelles vivent 1.088 ménages comprenant environ 14.400 personnes, selon le recensement de la mairie de Saint-Louis.

    M. Ndiaye se réjouit des résultats obtenus par la conscientisation des sinistrés sur la nécessité de quitter Saint-Louis pour Diougop. ‘’Toute la population de ‘la bande des 20 mètres’ est consciente des menaces de l’érosion côtière sur les habitations. Elle sait que cette zone est appelée à disparaitre dans quelques années’’, souligne-t-il, jugeant le site de Diougop ‘’adéquat’’ pour reloger les victimes de l’érosion côtière.

    Les sinistrés ‘’veulent aller à Diougop, mais ils réclament des maisons capables de contenir leurs grandes familles’’

    Maguette Sarr, un membre du conseil de quartier de Guet-Ndar, a pris part à une campagne de sensibilisation des sinistrés, au cours de laquelle il a parcouru près de 200 maisons de ‘’la bande des 20 mètres’’. L’objectif de cette campagne était de convaincre les victimes d’abandonner leur ville et de s’installer à Diougop, selon ce sexagénaire. ‘’Quatre-vingt-dix pour cent des habitants de cette bande de terre sont convaincus de l’utilité de rejoindre Diougop’’, assure Maguette Sarr.

    ‘’Ils veulent aller à Diougop, mais ils réclament des maisons capables de contenir leurs grandes familles’’, ajoute-t-il.

    Au quai de pêche de Guet-Ndar prévaut une ambiance joyeuse. Des pêcheurs rangent leurs filets au moment où d’autres réparent leurs pirogues. Au coucher du soleil, des jeunes jouent au football, d’autres se baignent dans le fleuve, dont les vagues arrosent la plage de Guet-Ndar.

    Ousmane Ndiaye, expert social du projet SERRP
    Ousmane Ndiaye, expert social du SERRP

    Les stigmates des houles de 2017-2018 sont encore visibles. Des maisons partiellement ou totalement détruites, des écoles, des mosquées et des postes de santé en ruine.

    Yacine Fall, une sinistrée de Guet-Ndar, garde en mémoire l’invasion de son quartier par les houles dangereuses. Cette quinquagénaire a grandi à Ndar-Toute. Elle vit maintenant dans une maison à moitié détruite par les houles, à quelques dizaines de mètres du trait de côte. Mme Fall fait partie des personnes recensées pour bénéficier du SERRP. Elle espère rejoindre l’une des habitations en construction à Diougop.

    Fatou Diouf partage avec son mari et ses six enfants une maison située au bord du fleuve. Une habitation dont il ne reste qu’une petite chambre. ‘’Depuis le passage de la houle, toutes les autres chambres de notre maison se sont effondrées les unes après les autres’’, témoigne-t-elle.

    ‘’On avait 13 salles de classe. Aujourd’hui, il n’en reste que quatre’’

    La houle a détruit aussi une grande partie de l’école publique élémentaire Abdoulaye-Mbengue-Khaly de Guet Ndar. ‘’On avait 13 salles de classe. Aujourd’hui, il n’en reste que quatre’’, fait observer Abdoulaye Ndiaye, le trésorier général du comité de gestion de ladite école. Selon lui, des élèves de l’école ont été transférés dans d’autres écoles, faute de places dans leur établissement. Abdoulaye Ndiaye est d’avis que le transfert des élèves vers d’autres écoles serait à l’origine de l’abandon de certains d’entre eux. ‘’On a constaté un taux d’abandon scolaire de 30 % à l’école Abdoulaye-Mbengue-Khaly’’, déclare-t-il.

    Selon des études scientifiques, en dix ans, la mer a avancé de 800 mètres sur les terres continentales de la langue de Barbarie.

    Les responsables du SERRP et de la mairie de Saint-Louis disent avoir pris la pleine mesure de la complexité de l’opération de relogement de quelque 15.000 personnes.

    Vue aérienne de la digue de protection de la langue de Barbarie
    Vue aérienne de la digue de protection de la langue de Barbarie

    Ousmane Ndiaye, un expert social du SERRP, estime que le projet de réinstallation est encore ‘’très complexe’’, car il s’agit de déplacer des populations entretenant des relations de longue date avec la mer et vivant pour la plupart des revenus de la pêche. ‘’Elles vivent depuis des générations dans les mêmes concessions’’, constate M. Ndiaye.

    ‘’En guise d’assistance des sinistrés relogés à Diougop, le SERRP a prévu d’y dérouler des projets socioéconomiques. Il va y construire des boutiques communautaires, des écoles, des salons de teinture, de couture et coiffure, pour permettre aux déplacés de continuer à dérouler leurs activités économiques’’, assure l’assistant social du projet.

    ‘’Ce site doit accueillir environ 15.000 personnes, il faut donc penser à la sécurité de ses habitants’’

    La langue de Barbarie est une zone densément peuplée, où des familles vivent dans les mêmes concessions depuis des dizaines d’années.

    Djibril Diagne, un conseiller municipal à Gandon et représentant du SERRP dans cette commune, rappelle que le site affecté au relogement des déplacés était initialement destiné à la construction d’un terrain de football. Le conseil municipal a tenu compte de l’urgence qu’est le relogement des sinistrés pour en faire un espace à usage d’habitation.

    ‘’Ce site doit accueillir environ 15.000 personnes. Il faut donc penser à la sécurité de ses habitants’’, souligne M. Diagne, affirmant que la mairie de Gandon envisage d’y installer des agents de police municipale. ‘’Il faut penser aussi au transport des futurs habitants de Diougop. Deux bus de transport en commun seront mis en service.’’

    La mairie de Saint-Louis va construire à Diougop un marché, une mosquée et d’autres édifices publics, selon Latyr Fall.

    La digue de protection de la langue de Barbarie
    La digue de protection de la langue de Barbarie

    En attendant l’achèvement du projet de réinstallation à Diougop des sinistrés de la langue de Barbarie, l’État met en œuvre le Programme de protection côtière de Saint-Louis, ‘’une solution de courte durée’’, pour retarder l’avancée de la mer sur le continent. Pape Aldiouma Cissé, le coordonnateur de ce programme, précise que c’est une mesure d’urgence dont le but est de parer à la destruction des maisons de la langue de Barbarie. Le Programme de protection côtière de Saint-Louis est soutenu financièrement par l’Agence française de développement, qui a prévu de lui allouer un financement de 16 millions d’euros (environ 10,4 milliards de francs CFA), selon M. Cissé.

    La digue de 2.175 mètres construite sur la langue de Barbarie est le fruit de cette initiative, dit-il, ajoutant qu’elle a permis de récupérer provisoirement une partie de la plage.

    ‘’Nous avons également installé une caméra au quai de pêche de Guet-Ndar pour contrôler l’évolution du trait de côte. Nous disposons aussi, grâce à ce projet, d’images satellitaires permettant de contrôler le trait de côte’’, assure Pape Aldiouma Cissé. Selon lui, cette partie de l’île de Saint-Louis était exposée à l’érosion côtière depuis 1939 au moins.

    Les colons français avaient déjà érigé un mur de protection à Guet-Ndar en 1929-1930, dit-il.

    ABD/AB/OID/ESF