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  • SENEGAL-ENVIRONNEMENT-AGRICULTURE-REPORTAGE / Les eaux usées recyclées, le bon filon des maraîchers de Thiès

    SENEGAL-ENVIRONNEMENT-AGRICULTURE-REPORTAGE / Les eaux usées recyclées, le bon filon des maraîchers de Thiès

    Par Baboucar Thiam

    Thiès, 24 fév (APS) – Les eaux usées, habituellement considérées comme un problème d’assainissement dont la mauvaise prise en charge impacte durablement le cadre de vie, révèlent leur grand potentiel dédié à la valorisation de l’horticulture dans les faubourgs de la commune de Thiès (ouest), plombé par le déficit pluviométrique lié au changement climatique.

    Les pouvoirs publics ont installé plusieurs stations de traitement dans la région, dont une à Keur Saïb Ndoye, dans les faubourgs de la cité du rail. Non loin de cette station, plus d’une centaine de maraîchers ont décidé de transformer en opportunité les problèmes d’assainissement courants des villes. Ils utilisent les eaux usées recyclées par cette station pour développer une agriculture sans engrais chimiques.

    A l’entrée de la station de Keur Saïb, à la lisière de Médina Fall, un quartier de la commune de Thiès Nord, se dresse un grand bassin surplombé d’une structure métallique, dont la rouille commence à ternir la peinture bleue.

    Cette station est fortement sollicitée pour le traitement des eaux usées issues des fosses septiques et du système d’assainissement de la ville de Thiès et ses environs.

    ‘’Il faut savoir que c’est la seule station d’épuration de la ville de Thiès’’, précise Amath Ndiaye, en charge de la gestion de cette installation chargée du traitement des eaux usées des ménages de Thiès et environs, acheminées ici par des camions-citernes, mais aussi via le réseau de drainage.

    Les eaux arrivent à cette station ‘’chargée de matières solides, de sable, de sachets plastiques et autres ordures ménagères, en plus de l’huile qu’elles contiennent’’, détaille le responsable de la station d’épuration, la trentaine révolue.

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    Le recyclage effectué par cette station nécessite l’utilisation de méthodes mécaniques, telles que la filtration et la décantation, ainsi que de méthodes biologiques et chimiques. Les eaux dont ont été extirpés les déchets solides, la graisse et le sable ‘’contiennent des matières fécales dissoutes, qui seront enlevées par un traitement biologique qu’elles subiront en dernier ressort dans des bassins’’, a-t-il signalé.

    Le processus d’épuration supervisé par un laborantin

    Cette opération appelée ‘’traitement tertiaire’’ est exécutée par des bactéries vivant dans des bassins dits biologiques, dans lesquels ces organismes microscopiques se nourrissent et se reproduisent aussi.

    Il s’agit de bassins relativement profonds dans lesquels ces bactéries se gavent des matières fécales dissoutes dans un liquide à l’aspect répulsif, malodorant du fait qu’il provient des égouts et des fosses septiques.

    Au besoin, la contenance des bassins peut être désinfectée en utilisant du chlore. Cette eau chlorée peut servir dans les travaux publics (construction routière, bâtiment). Mais parfois, elle n’a pas besoin d’être chlorée, car ayant été débarrassée de ses matières fécales et substances nuisibles, après l’intervention des bactéries.

    Cette eau reste riche en phosphore et en azote, deux puissants fertilisants, et ‘’est très prisée par les maraîchers, les arboriculteurs et les horticulteurs qui l’utilisent pour arroser leurs plantes’’, renseigne le responsable de la station.

    Tout le processus d’épuration est supervisé par un laborantin, qui effectue des prélèvements à toutes les étapes, pour ‘’s’assurer que l’eau qui sort de la station est totalement purifiée et est réutilisable pour l’agriculture ou rejetée dans la nature, sans risque’’.

    Comme pour rassurer, le responsable du laboratoire de contrôle de la station de Thiès, El Hadj Cissé montre trois bocaux contenant des échantillons d’eau de couleur noire, d’aspect plus clair et enfin de couleur jaunâtre. Ils représentent les trois états successifs des eaux usées, de leur arrivée en provenance du système d’assainissement ou des camions-citernes à la fin du processus d’épuration.

    ‘’Ici, nous avons les trois échantillons que nous avons analysés au niveau du laboratoire, donc nous connaissons exactement la composition physico-chimique des eaux qui arrivent et qui sortent de cette station, afin de respecter les normes de rejet de l’ONAS et du Sénégal’’, assure-t-il, ajoutant que des normes sont fixées pour chaque paramètre.

    Des ‘’lits de séchage’’ pour traiter la boue issue des eaux usées

    Après l’activité des bactéries, l’eau noirâtre, passée par le clarificateur, devient jaunâtre. Ce liquide, appelé ‘’eau clarifiée’’, subit une analyse visant à vérifier d’abord le respect, à cette étape, des normes de conception de l’usine de Keur Saïb Ndoye, ensuite, celui des normes de rejet sénégalaises.

    Avant tout rejet des eaux déjà traitées, quelques-uns de leurs paramètres sont nécessairement mesurés, afin de s’assurer qu’elles respectent les normes sénégalaises. Il s’agit du potentiel hydrique (PH), de la demande biochimique en oxygène (DBO), de la demande chimique en oxygène (DCO) et des matières en suspension.

    ‘’Tous ces paramètres sont analysés à partir des eaux qui sortent complètement de la station d’épuration’’, insiste le laborantin. Pour traiter la boue issue des eaux provenant du système d’assainissement et des fosses septiques, la station est dotée de ‘’lits de séchage’’.

    Les eaux boueuses sont drainées vers l’épaississeur, après quoi elles sont acheminées dans les lits de séchage munis de drains superposés en profondeur, découpés pour favoriser l’infiltration des eaux qu’elles contiennent.

    Une fois asséchée dans les bassins pendant 30 jours, ‘’cette boue est d’abord broyée, réduite en poudre, mise en sac et distribuée aux cultivateurs, maraîchers, horticulteurs, arboriculteurs et autres producteurs agricoles de la zone pour servir de fertilisant ‘’, indique le gérant de la station d’épuration de Tivaouane, Lamine Diop.

    Elle peut aussi être utilisée dans la fabrication de pavés, dit-il. De fait, face à la baisse des rendements des terres agricoles et la prolifération des fertilisants chimiques, qui constituent un danger pour l’environnement et la santé, la boue issue du traitement des eaux usées peut représenter une alternative pour fertiliser les terres, tout en contribuant à préserver l’environnement.

    Dans cette optique, la station alimente en eau et en fertilisants des producteurs actifs dans les périmètres maraîchers de la zone. Au bout de plus d’une dizaine de minutes de marche sur une route latéritique, jonchée de nids de poules, apparaît une longue clôture en fils barbelés, surmontée de plantes rampantes. Une allée débouche là sur des périmètres maraîchers.

     Des périmètres exploités 12 mois sur 12

    Le site abrite aussi une vaste lagune où sont déversées les eaux déjà traitées pouvant être utilisées pour le maraîchage. Un endroit captivant de par sa verdure. Un bosquet luxuriant entourant une étendue d’eau claire sur laquelle s’étalent à perte de vue de belles fleurs de nénuphars : c’est la lagune recevant les eaux traitées à leur sortie de la station d’épuration, à laquelle elle est directement connectée par des tuyaux d’évacuation. Rien, à première vue, ne peut laisser croire que cette eau vient des fosses septiques et du système d’assainissement de Thiès.

    L’espace abrite des périmètres maraîchers, des arbres fruitiers, mais également une grande variété de végétaux sauvages. Preuve du caractère fertilisant de l’eau déversée dans la lagune, l’environnement immédiat, telle une oasis, contraste nettement avec le reste du paysage à la ronde. ‘’Cette eau nous aide beaucoup’’, confie Moundiaye Diogoye, un jeune maraîcher dont l’activité dépend de cette eau.

    Le jeune homme informe que grâce à cette lagune, bon nombre de maraîchers exploitent ici des parcelles 12 mois sur 12. ‘’Tous les travailleurs que vous voyez ici, plus d’une centaine, utilisent l’eau recyclée qui vient de l’usine’’, renseigne Diogoye.

    En cette période post-hivernale coïncidant avec la saison froide, l’activité horticole bat son plein. Les parcelles sont épanouies. Différentes variétés de légumes sont produites dans ces périmètres arrosés et fertilisés avec des eaux et de la boue sorties droit de la station de Keur Saïb Ndoye.

    L’engrais et l’eau que nous utilisons, nous viennent de la station, note Diogoye, un horticulteur habitant Médina Fall, un quartier adjacent de Keur Saïb Ndoye.  ‘’Actuellement, nous recrutons beaucoup de saisonniers qui nous viennent de l’intérieur du pays : Kaolack, Fouta, mais également de la zone des Niayes’’, affirme le jeune producteur.

    Boues de vidange aussi efficaces que les engrais minéraux

    Selon le conseiller technique du directeur général de l’Office national de l’assainissement du Sénégal (ONAS), Mouhamadou Guèye, ces maraîchers démontrent, par la pratique, que les eaux usées traitées et les produits dérivés comme la boue, ont un pouvoir fertilisant, avec un avantage supplémentaire : leur utilisation ne pollue pas les terres et les nappes phréatiques.

    ‘’C’est cela qu’il faut promouvoir, afin d’avoir une agriculture biologique, une agriculture qui préserve l’environnement, bref une agriculture durable’’, recommande-t-il, en rappelant que les engrais minéraux contiennent des substances contribuant au lessivage de nos terres et à créer ainsi une baisse des rendements agricoles.

    Il préconise donc l’utilisation de cet engrais biologique comme un moyen de préservation de l’environnement et, dans une certaine mesure, comme un outil d’adaptation au changement climatique. ‘’Il faut promouvoir l’utilisation de ces engrais’’, insiste le conseiller technique, laissant entendre que le contexte s’y prête, d’autant que l’Etat du Sénégal autorise et encourage même désormais l’utilisation de l’engrais organique. Ce qui, selon lui, n’était pas le cas il y a quelques années.

    Il fait savoir qu’il y a ‘’plus d’une quinzaine de stations de traitement de boue de vidange’’ au Sénégal, dans lesquelles les eaux issues des fosses septiques sont collectées, traitées et valorisées en boue séchée pour l’agriculture, avec l’utilisation d’omniprocesseurs permettant de transformer les boues de vidange en eau distillée et en cendres pour formuler de l’engrais organo-minéral destiné à l’agriculture.

    Le technicien soutient que des tests réalisés par des laboratoires de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar ont montré que ces boues peuvent être utilisées directement, ‘’sans influence néfaste, sur les terres et sur les cultures, avec un pouvoir fertilisant aussi bon que celui des engrais minéraux et sans effet néfaste sur l’environnement’’.

    De même, il affirme qu’une étude de l’USAID, l’Agence des Etats-Unis pour le développement international, a montré qu’on peut augmenter de 32 fois le potentiel de traitement des boues de vidange au Sénégal.

    ‘’Nous avons encore 32 fois [plus] de marge d’augmentation de ce potentiel, la valorisation des boues de vidange et des produits issus de l’assainissement n’a pas encore atteint sa maturité, nous n’en sommes qu’au début’’, avance-t-il.

    Les maraîchers ont remarqué un autre avantage : c’est que les productions obtenues à partir de l’eau et des produits dérivés du traitement des boues de vidange, se conservent plus longtemps.

    BT/ADI/BK/ASB/OID/ASG

  • SENEGAL-PECHE-ENVIRONNEMENT-REPORTAGE / Kanel : le Marigot ‘’Patowel’’, ouvert à la pêche, après un repos biologique de plusieurs mois  

    SENEGAL-PECHE-ENVIRONNEMENT-REPORTAGE / Kanel : le Marigot ‘’Patowel’’, ouvert à la pêche, après un repos biologique de plusieurs mois  

    Kanel, 9 fév (APS) – Le marigot ‘’Patowel’’, situé à 7 kilomètres de la commune de Kanel, a été ouvert, samedi, à la pêche, après un repos biologique d’environ cinq mois, pour le grand bonheur des pêcheurs.

    Ces derniers, venus des villages environnants et d’autres localités lointaines, espèrent pendant un mois de très bonnes prises dans ce cours d’eau très riche en poissons.

    Depuis deux jours, la berge du marigot est devenue très animée. ‘’Une base vie’’ où sont venues s’installer des familles entières dans des cases de fortune confectionnées avec des bâches, des tissus et de palissades. Certaines sont même venues avec leur bétail.

    Ce samedi, 8 février 2025, est une date attendue par tout le monde. Les occupants du site transformé en hameau, viennent de se réveiller. Certains sortent de leurs chambres, alors que d’autres, gagnés par le froid matinal, se mettent sous le soleil.

    Tout prêt de la berge, des femmes ont installé des tables pour vendre de l’eau, des fruits. A côté d’elles, un groupe de jeunes et d’adultes s’affairent à terminer un grand filet qui sera lancé dans l’eau pour marquer officiellement l’ouverture du marigot ‘’Patowel’’ à la pêche.

    Il faudra plusieurs bras pour mettre le dispositif dans l’eau. Le filet multicolore occupe déjà une grande partie de la pirogue qui doit le transporter au milieu du cours d’eau.

    Des prières pour une bonne pêche

    Assis sur le grand filet, trois adultes attendent le feu vert de Bala Sall, un vieux vêtu d’une tenue rouge en train de faire les derniers règlages « mystiques ». Sur un récipient rouge, il a mis de l’eau bénite. Il choisit des personnes de confiance pour qu’elles formulent des prières pour le début des activités.

    Derrière lui, on entend en langue pulaar, un homme prier pour que la pêche de cette année soit bonne. Sous l’autorisation du vieux Sall, la pirogue se déplace pour rejoindre un groupe de jeunes munis de pagaies prêts à faire glisser leurs embarcations dans les eaux du ‘’Patowel’’.

    Bala Sall, le président de l’Association départementale des pêcheurs de Kanel, a une vie liée à ce marigot au bord duquel se trouvait jadis un village de pêcheurs.

    « Je suis né ici à Patowel, à l’époque,  le site était habité, avec plus d’une centaine de maisons. Mes parents y ont vécu avec comme activité la pêche. Mon père est enterré ici », explique le pêcheur.

    Pour lui, en plus de cette activité, le fait de se retrouver, de discuter, d’échanger sur le secteur de la pêche est déjà un aspect important.

    Il estime aussi très important le fait d’offrir du poisson à des familles. La vente est également très encouragée ici.

    Le long du marigot, d’autres groupes s’activent à lancer leurs filets.

    « Je viens ici depuis 1974. Mes parents ont pêché toute leur vie. Avant, on y restait sept mois. Des familles entières y logeaient pendant tout ce temps. Patowel était un village. C’est après que les gens ont quitté le lieu pour aller vivre à Kanel », explique Amadou Tidiane Sy, un pêcheur.

    Sy, également agent à la mairie de Kanel, compte passer à ‘’Patowel’’ un mois, la durée autorisée par le service régional des pêches.

    Cet événement qui se tient deux fois par an revêt un aspect très culturel. Des personnes sont venues d’Arame, un village du département de Podor, pour participer à la campagne. Elles sont accompagnées de Ndiaye Seydou Amadou, un écrivain mauritanien originaire de Djinga, en Mauritanie.

    « Ousmane Kouro, un pêcheur originaire de Tiguéré Ciré, de retour de la guerre mondiale 1914/1918 est venu s’installer ici à Patowel. Par la suite, il a été rejoint par d’autres pêcheurs. Depuis lors, une date a été calée pour lancer l’ouverture officielle de cette activité », explique l’écrivain.

    Selon lui, l’origine du nom ‘’Patowel ‘’ s’explique par le fait que le cours d’eau est riche en produits halieutiques, précisant que plus de 22 espèces y sont répertoriées.

    Ndiaye Seydou Amadou rappelle que ‘’Patowel’’ était un village habité par différentes communautés, dont des pêcheurs, plus connus sous le nom de ‘’Soubalbé’’.

    Il souligne que Guélaye Aly Fall, un chanteur de ‘’Pekaan’’,  ‘’une forme littéraire traditionnelle’’ propre aux pêcheurs du Fouta, y est venu, dans les années 50, trouver Ousmane Kouro, le précurseur.

    Selon l’historien, c’est pour cette raison qu’une délégation d’Arame est venue assister à la cérémonie. Pour marquer leur présence, ils se sont mis à chanter les louanges des pêcheurs.

    Au bord de l’eau, les activités ont déjà démarré avec le lancement des filets. C’est ainsi que le départ est donné pour l’ouverture officielle de la pêche sur le marigot de ‘’Patowel’’.

    Fermeture temporaire du marigot

    « Ce marigot est un espoir de toute la communauté. Il est lié au Jowol, il fait cinq kilomètres de long, entre 80 à 100 mètres de large, une profondeur moyenne de quatre mètres. C’est ici où se retrouvent les pêcheurs des villages environnants », explique Toumany Macky Mané, Inspecteur régional des pêches, venu superviser l’ouverture.

    Les acteurs sont constitués en groupements, souligne-t-il, ajoutant que dans le cadre de la cogestion, le site est fermé à la pêche de manière temporaire.

    Selon lui, les pêcheurs réunis en associations définissent les règles d’exploitation et de gestion. Des comités de surveillance sont mis sur pied pour veiller à la fermeture du marigot pendant cinq à six mois.

    « La fermeture va permettre aux poissons de se développer. Nous attendons, pour cette première campagne de l’année, une production de 150 tonnes pour 30 jours de pêche », souligne M. Mané.

    Un poisson vendu à 55 000 francs CFA

    Quelques minutes après le lancement des filets, le groupe dirigé par Bala Sall ne pêche que de petits poissons. Certains sont remis dans l’eau, alors que beaucoup d’autres sont ramassés par des enfants et des femmes qui les rassemblent dans des sacs.

    A quelques vingtaines de mètres de là, la famille Sy s’en tire mieux. Les pêcheurs ont capturé ‘’un capitaine’’ et de gros poissons, devant un public de curieux et d’autres personnes venues chercher du poisson.

    Sur le site, les grosses espèces se vendent jusqu’à 55 000  francs CFA.

    Les femmes qui ont obtenu du poisson retournent au village pour préparer les repas.

    Le poisson offert est parfois revendu par les bénéficiaires. Pour d’autres, le produit est destiné à la consommation famille.

    AT/ASB/OID/FKS

     

  • SENEGAL-ECOSYSTEME-CONSERVATION / Parc forestier et zoologique de Hann : un sanctuaire de la biodiversité au cœur de Dakar en quête de renaissance

    SENEGAL-ECOSYSTEME-CONSERVATION / Parc forestier et zoologique de Hann : un sanctuaire de la biodiversité au cœur de Dakar en quête de renaissance

    Par Abdoulaye Badji

    Dakar, 2 fév (APS) – Le parc forestier et zoologique de Hann, un sanctuaire de la biodiversité situé en plein cœur de Dakar, la capitale sénégalaise, accueille au quotidien un public divers d’enfants et d’adultes venus d’horizons divers  pour y mener des activités de loisirs, sportives, récréatives ou de ballades au milieu des écosystèmes.

    Une enquête sur la fréquentation des usagers du parc, menée en septembre 2024 par deux étudiantes stagiaires de l’Institut supérieur d’enseignement professionnel (l’ISEP) de Bignona, révèle que les enfants de 0 à 18 ans qui fréquentent le parc représentent 13, 45%. 

    La tranche d’âge de 18 à 64 ans constitue 81, 82% des visiteurs et les plus de 64 ans représentent 4,73%,  indique un document dont l’APS a obtenu copie auprès de la direction des parcs forestier et zoologique de Hann.

    L’étude précise que 26% de ces visiteurs viennent au parc pour faire des ballades, 21% pour visiter le zoo, 15% pour contempler la nature, 14% en quête de tranquillité, 9% pour faire du sport, 8% pour pique-niquer, 5% pour visiter le jardin botanique. Les campeurs font 2%.

    Ces données illustrent bien la place et l’importance qu’occupe cet écosystème dans la vie des populations. Il assure ainsi une fonction récréative mais aussi écologique, et surtout de conservation de la biodiversité floristique et faunique. 

    Il remplit également une vocation socio-éducative, culturelle et économique.

    Créé en 1903, sous la forme d’un jardin public relevant du service de l’agriculture par le gouverneur d’Afrique occidentale française (AOF), Martial Henri Merlin, cet écosystème a été classé parc forestier et zoologique, le 29 août 1941.

    Après la période coloniale, l’Etat du Sénégal a confié à partir de 1974, la conservation de la richesse floristique et faunique du parc forestier et zoologique à la Direction des eaux, forêts, chasses et de la conservation des sols, qui mettra en place dans cette dynamique, la Direction des parcs forestier et zoologique de Hann.

    Le parc s’étend sur une superficie de 50 hectares, sur un périmètre bien sécurisé contre la pression foncière et l’urbanisation galopante à Dakar, avec une clôture en mur.

    Le parc forestier et zoologique de Hann est constitué d’un zoo, d’une formation forestière naturelle, d’un plan d’eau (lac) qui joue un rôle important dans la rétention des eaux pluviales et l’atténuation de risques d’inondation dans la zone. Il sert aussi de cadre de vie à des oiseaux d’eau.

    Le parc abrite également un Centre d’éducation environnementale avec un jardin ethnobotanique éducatif qui sert de cadre de recherche scientifique aux institutions et organismes comme l’UCAD, l’ISRA/DRPF, l’IRD, l’EISMV, dans l’amélioration des connaissances sur les végétaux et de la faune. Des écoles de formation y envoient aussi leurs élèves et étudiants pour des stages de formation.

    Le jardin ethnobotanique joue ainsi un rôle très important dans la valorisation des plantes.

    La Direction des parcs forestier et zoologique, a d’autre part, autorisé des partenaires privés à s’installer dans le parc pour offrir des services attractifs (aires de jeux, ballades, détente) aux visiteurs, sur la base de protocoles signés.

    Aujourd’hui, le parc est confronté à une mortalité élevée d’espèces forestières, une baisse des effectifs et vieillissement des animaux en captivité du zoo, à des problèmes d’inondation et dégradation de ses installations et équipements. 

    Des cages de captivité vétustes

    Des problèmes qui ont poussé la Direction des parcs forestier et zoologique de Hann à initier des politiques de sauvegarde des écosystèmes tout en s’ouvrant vers des partenaires privés pour améliorer l’attractivité et l’animation interne, dans un contexte marqué par une insuffisance chronique du  budget de fonctionnement alloué par l’Etat.

    Le parc zoologique, un des grands points d’attraction, s’étend sur 7 hectares dont 4 aménagés. Il abrite 237 animaux en captivité dans de bonnes conditions sécuritaires.

    Les pensionnaires en captivité sont composés entre autres de lions, de crocodiles, de chimpanzés, d’hyènes tachetées et rayées, de typhons de séba, d’antilopes, phacochères, des singes (…). Ces animaux à nourrir et soigner sont répartis dans des cages, volières et enclos, séparés par des allées en pavé pour faciliter les déplacements des visiteurs, à l’intérieur du zoo.

    L’axe principal qui relie l’entrée principale du zoo au bâtiment abritant le service administratif des agents du parc, situé au fond du parc zoologique, est aménagé de part et d’autre, avec des plantes, des fleurs, des bancs publics et un jet d’eau au niveau d’un rond-point.

    Sur la partie droite de cet axe, se trouve après l’entrée du zoo, la mare aux crocodiles. Des cages abritant deux hyènes rayées, des singes rouges, des babouins viennent meubler un décor qui rappelle la jungle. Tout à fait au fond du zoo, près du bâtiment administratif, se trouvent les lions dans des cages bien sécurisées, sous la vigilance des gardes.

    Major Amacoumba Mbodj, responsable du parc zoologique de Hann .

    Sur place, le major Amacoumba Mbodj, responsable du parc zoologique de Hann, supervise en compagnie de ses hommes, la préparation de la ration alimentaire des singes. Le menu du jour est composé de fruits, de pains de farine et légumes.

    ‘’S’agissant de l’alimentation des six lions du zoo dont quatre mâles et deux femelles, nous avons un fournisseur qui nous livre des ânes et des chevaux bien portants, qu’on abat pour l’alimentation des carnivores », a expliqué le responsable du zoo de Hann.

     »Auparavant, un diagnostic est fait sur la qualité de la viande avant de la donner aux lions’’, a-t-il précisé, debout à côté de la cage en grille métallique renforcée des lions.

    Présentant +Matar+, nom donné à un des deux lions, il a souligné qu’il est l’unique survivant d’une lionne venue du Maroc et qui avait mis bas quatre lionceaux dont les trois sont morts. ’’Ce lion assez connu des visiteurs a aujourd’hui 15 ans et 17 ans pour le plus âgé du groupe des félins’’, a-t-il indiqué.

    Le major a souligné qu’un lion dans la nature peut vivre jusqu’à 22 ans au minimum, si les conditions sont réunies. ‘’En captivité, leur espérance de vie, peut dépasser 22 ans. Ici, le lion le plus vieux a 17 ans’’, a-t-il ajouté.

    Concernant toujours l’alimentation des carnivores, il a signalé l’existence d’un cheptel de quatre hyènes tachetées et rayées  et d’un vautour sauvage, à alimenter avec de la viande. ‘’Chez les crocodiles, on ajoute parfois de la volaille’’, a-t-il ajouté.

    Pour la prise en charge sanitaire des animaux, il a renseigné que la Direction des parcs forestier et zoologique, a recruté un docteur vétérinaire spécialisé en santé animale. ‘’Un agent technique d’élevage qui s’occupe de l’alimentation et un budget pour l’alimentation des animaux, ont été également mis en place par les autorités’’, a-t-il ajouté.

    Les pensionnaires ont une alimentation très variée. Des rations équilibrées et complètes sont distribuées régulièrement pour les maintenir dans un état satisfaisant d’animaux en captivité. Des oligo-éléments et des avitaminoses sont ajoutés à l’alimentation pour parer à une carence éventuelle.

    Des opérations de déparasitage et de vaccination sont régulièrement menées. Les cages et les enclos sont quotidiennement aseptisés et l’ensemble du parc est souvent traité pour lutter contre les insectes vecteurs de maladies.

    Le zoo reçoit également des dons alimentaires de cuisses et caisses de poulets, des carcasses de moutons, de bovins, de la viande, des poissons, du foie importé, pains, des fruits, légumes et autres produits consommables par les animaux, indique un document.

    Toutefois, le major Amacoumba Mbodj, n’a pas manqué de déplorer les conditions de captivité des animaux, particulièrement des lions dans des cages carrelées. ‘’Les carreaux occasionnent souvent des blessures aux ongles des lions’’, a-t-il déploré.

    Des lions en captivité dans une cage carrelée

    Il a rappelé que les lions vivaient jusqu’en 2021 dans deux fosses aménagées, à cet effet, un milieu plus proche de leur mode de vie dans la nature.  »Mais il se trouve que depuis cette année, les félins ont été transférés, des fosses aux cages carrelées, à la suite de fortes pluies diluviennes enregistrées, entrainant une inondation des fosses causée par le débordement du plan d’eau du parc », a-t-il expliqué.

    Il a assuré que les nouvelles autorités du parc sont en train d’œuvrer pour libérer, les fosses aux lions des eaux pluviales, avec l’appui d’un partenaire privé qui est venu inspecter les lieux, la semaine dernière.  »Dès 2025, il est prévu un réaménagement du parc’’, a-t-il indiqué, ajoutant que ‘’le partenaire propose un plan d’aménagement du zoo, une réhabilitation des enclos et équipements vétustes en plus d’un repeuplement du zoo’’.

    Il a rapporté que des visiteurs se plaignent souvent du fait qu’ils trouvent tout le temps, les mêmes espèces d’animaux dans le zoo. Ces animaux, dit-il, ont été pour la plupart abandonnés et récupérés à bas âge par le zoo.

    En ce qui concerne le repeuplement du zoo, le major a expliqué que les responsables du parc ne peuvent pas prendre le risque d’introduire de nouvelles espèces, si les enclos ne sont pas bien réaménagés.

    Il renseigne toutefois qu’un projet est en place pour un repeuplement du zoo où plusieurs cages sont vides, n’ayant plus de pensionnaires.

    Par ailleurs, il a relevé qu’avec le temps les installations du zoo sont devenues vétustes. ‘’Des murs tombent et il nous faut refaire les grilles de sécurité, faire un réaménagement du zoo avant d’introduire de nouvelles espèces. Au courant de cette année, nous voulons en priorité, récupérer les fosses aux lions’’, a-t-il insisté.

    Le responsable du parc zoologique a souligné l’importance du rôle éducatif du zoo visité régulièrement par des écoliers venus de partout au Sénégal. ‘’Les visiteurs viennent de tout le Sénégal, particulièrement des écoles françaises et coraniques. Ces derniers bénéficient d’une réduction de 50% des prix appliqués sur le billet ’’, a-t-il indiqué.

    Selon des statistiques obtenues auprès de la Direction des parcs forestier et zoologique de Hann, le zoo a enregistré sur la période de février à septembre 2024 : 52 906 visiteurs avec réduction (élèves), 6. 484 visiteurs enfants, 14. 819 visiteurs adultes.

    Les recettes d’entrée enregistrées par le parc zoologique de Hann sur cette même période s’élèvent à 12 000 000 francs CFA.

    Cependant, le parc n’a pas enregistré de recettes d’entrée durant le 4-ème trimestre (octobre-décembre) de l’année 2024, car le stock de billets d’entrée est épuisé. Une situation qui n’a pas encore évolué et qui fait perdre des millions de francs CFA au Trésor public où toutes les recettes d’entrée du parc sont intégralement versées.

    42% des enquêtés souhaitent un repeuplement du zoo de Hann

    Au vu des nombreux défis, le lieutenant-colonel, Ndeury Diaw, directeur des parcs forestier et zoologique de Hann, a indiqué que des actions de sauvegarde des installations sont prévues, notamment la réhabilitation en priorité des fosses aux lions pour remettre ces félins dans leur cadre de vie.

    Il a expliqué qu’un retour des lions dans leur habitat originel permettra de récupérer des cages pour augmenter l’espace de captivité des primates (singes).

    Concernant les animaux sauvages herbivores, il a informé que le parc n’a pas de problème d’espace pour ces pensionnaires.  »Ce qu’il faut faire pour ces animaux, c’est de réduire leur mortalité, en traitant le sol pour qu’il y ait moins de parasites », a-t-il expliqué.

    L’ingénieur des eaux et forêts, a indiqué que l’autre action prioritaire prévue pour le zoo, porte sur son repeuplement. Il a expliqué qu’il ‘’ne peut se faire qu’à travers de nouvelles acquisitions d’espèces rares provenant de réserves naturelles privées et par la reproduction, tout en travaillant à améliorer les conditions de captivité’’.

    Il a avoué que le parc zoologique est confronté à une baisse de ses pensionnaires en captivité.  »Les animaux qui étaient là ont vieilli. Ils naissent grandissent et meurent. Malheureusement, les pertes enregistrées n’ont pas été remplacées. Ce qui a entrainé une diminution des pensionnaires’’, a-t-il expliqué.

    ‘’Mais malgré tout, a-t-il dit, il ne sert à rien de repeupler le parc zoologique sans au préalable améliorer les conditions de détention des pensionnaires’’.

    Pour la sauvegarde du parc forestier et zoologique, le lieutenant-colonel pense qu’il faut renouveler les équipements vétustes du zoo, et lutter contre l’agression naturelle causée par le débordement du lac, en 2021.

    Situé vers la partie est du parc, dans une zone de dépression, le plan d’eau s’est formé à l’intérieur, suite à l’obstruction du réseau d’évacuation des eaux pluviales accentuée par la construction d’habitations dans la zone tampon.

    Le parc forestier, situé dans la zone de captage, a une richesse floristique composée de 317 espèces (Index seminum, 2001) provenant des différentes zones phytogéographiques. Il est constitué essentiellement d’une forêt classée qui a enregistré en 2021 une inondation. Ce phénomène naturel avait à l’époque fait tomber une partie du mur de clôture sous la forte pression des eaux pluviales.

    ‘’Aujourd’hui, encore des écosystèmes endommagés du parc forestier par cette inondation ne sont pas encore récupérés. La menace pèse toujours sur l’état de ces écosystèmes forestiers où nous constatons une forte mortalité d’arbres, causée par la longue stagnation des eaux’’, a alerté le lieutenant-colonel.

    Le lieutenant-colonel Ndeury Diaw, directeur des parcs forestier et zoologique de Hann

    Il a indiqué que des efforts ont été faits par la Direction depuis deux ans dans la lutte contre l’inondation des écosystèmes forestiers. ‘’Ils ont permis de réhabiliter le réseau de drainage des eaux pluviales du parc forestier, avec un chenal de plus de 100 mètres réalisé l’année passée, pour évacuer le surplus d’eaux du lac vers la mer’’, a-t-il indiqué.

    ‘’Il sera complété par un pavage, une augmentation de la capacité de rétention du lac pour éviter des débordements pouvant impacter d’autres parties du parc’’, a-t-il ajouté. Selon lui,  »plus, le lac aura la capacité de maintenir l’eau, moins il y aura de l’eau dans les autres parties du parc ».

    Un sous financement des activités de conservation de la biodiversité 

    Le lieutenant-colonel a indiqué que le parc est confronté à ces trois grands défis qu’il va falloir résorber.

    ‘’Pour résorber ces défis, la direction des parcs forestier et zoologique, sous la tutelle de la Direction des eaux et forêts, a jugé nécessaire d’élaborer un projet appelé Projet de renforcement et d’amélioration de la qualité des services du parc d’un coût de 1,3 milliard de franc CFA ’’, a déclaré le lieutenant-colonel, Ndeury Diaw.

    ‘’Ce projet d’une durée de cinq ans s’articule autour de piliers comme : la rénovation, réhabilitation, amélioration des installations techniques vétustes et hors d’usage du parc zoologique’’, a-t-il précisé.

    Il a ajouté que la direction des parcs forestier et zoologique est à  »la recherche de partenaires » pour financer ce projet. ‘’Mais en attendant, l’Etat a pris l’engagement de mettre des fonds à notre disposition pour 2024-2025 dans le cadre du Budget consolidé d’investissement (BCI)’’, a-t-il signalé.

    ‘’Nous allons donc, avec le BCI procéder en fonction de la priorité du moment procéder à la  réhabilitation des deux fosses aux lions occupées par des eaux pluviales depuis 2021’’, a-t-il annoncé.

    Le lieutenant-colonel a invité les autorités centrales à accompagner la direction des parcs forestier et zoologique dans sa politique de conservation. ‘’Nous avons la volonté, mais il faut que l’Etat nous accompagne en mettant les moyens qu’il faut pour la préservation de la biodiversité. Il va falloir faire un effort. La conservation n’a pas de prix mais à un coût. Il va falloir que l’Etat supporte en mettant le minimum de moyen nécessaire, surtout pour les animaux sauvages du zoo’’, a-t-il lancé. 

     »Aux populations, nous demandons de s’intéresser au parc, c’est comme ça qu’on va faire vivre le parc dans son ensemble. J’invite les populations à s’impliquer spontanément pour résoudre les problèmes du parc’’, a-t-il ajouté.

    Il a indiqué en outre que le parc dispose d’un budget de fonctionnement modeste provenant de l’Etat. ‘’Le seul site du parc qui génère des recettes reste le parc zoologique à partir des billets d’entrée et il se trouve que toutes ces recettes sont versées au Trésor public. Donc, le parc n’a pas la possibilité de créer des ressources financières et de les réutiliser’’, a-t-il déploré.

    Le parc s’ouvre vers des partenaires privés pour améliorer son attractivité 

    Le parc forestier et zoologique de Hann, ne compte que sur l’appui de l’Etat pour prendre en charge tous les besoins de conservation. Une réalité qui a poussé, la direction à s’ouvrir aux partenaires privés pour les inciter à investir dans des services de divertissement, en vue de renforcer l’attractivité et le rayonnement du parc.

    Il a annoncé que les protocoles liant la direction des parcs aux privés seront évalués pour plus d’impact positif. Selon lui, ‘’si on a jugé utile d’introduire certains partenaires, c’est pour uniquement augmenter l’attractivité du parc’’.

    ‘’Nous allons évaluer tous ces protocoles et revoir le type de collaboration, dans le but de les amener à mieux contribuer à l’attractivité du parc, et donc attirer plus de visiteurs’’, a-t-il encore souligné.

    Il a souligné que les gens pensent souvent que le parc, c’est uniquement le zoo alors qu’il y a d’autres services offerts comme le bois sacré, un lieu cultuel où les chanteurs viennent tourner régulièrement des clips, une zone de pique-nique, rebaptisée +képar-gui,+ ou encore un reptilarium, le premier en Afrique de l’Ouest.

    Une enquête sur la perception des usagers du parc menée par les deux étudiantes stagiaires de l’Institut supérieur d’enseignement professionnel (l’ISEP) de Bignona, révèle également que 42% des enquêtés ont émis le souhait d’un repeuplement du zoo, 21% l’amélioration de la propreté, 9% l’aménagement du parc.

    Sept pour cent sont pour la mise en place d’une grande boutique, 4% la réhabilitation des pistes, 4% la confection de bancs publics et de tables, 3% la formation des guides, 3% l’installation des panneaux d’indication, 3% la mise en place d’un bon restaurant, 2% l’installation d’un multiservice et 3% l’augmentation du nombre de toilettes publiques, ajoute la même source.

    AB/OID/SKS

  • SENEGAL-POLICE-INITIATIVE-REPORTAGE / « Opération spéciale » de confection de passeport et de CNI : les demandeurs à l’assaut de la Porte du troisième millénaire

    SENEGAL-POLICE-INITIATIVE-REPORTAGE / « Opération spéciale » de confection de passeport et de CNI : les demandeurs à l’assaut de la Porte du troisième millénaire

    +++Par Amadou Ba+++

    Dakar, 31 jan (APS) – En prélude de la neuvième édition de la Journée nationale de nettoiement ‘’Setal Sunu Reew’’, prévue samedi, le ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique organise plusieurs actions d’utilité publique, notamment la ‘’facilitation pour l’obtention de la carte nationale d’identité (CNI) et du passeport’’, une initiative qui a poussé de nombreux demandeurs à prendre d’assaut à la Porte du troisième millénaire, à Dakar.

    ‘’Cette opération spéciale d’enrôlement’’ de trois jours a débuté mercredi. Elle est organisée à Dakar, Thiès et Touba, de 8 à 18 heures.

    Au vu de l’affluence notée le premier jour de l’opération spéciale de confection de passeport et de CNI, nul doute qu’ils sont nombreux à souhaiter qu’une telle trouvaille soit renouvelée et dupliquée dans les régions de l’intérieur. Dans la capitale sénégalaise, la Porte du troisième millénaire, située à deux pas de la Direction de l’automatisation du fichier (DAF) de la Police nationale, refuse du monde.

    En cette matinée ensoleillée, plusieurs dizaines de personnes, des jeunes et des moins jeunes, ont pris d’assaut les lieux sous l’œil vigilant d’agents de police, qui assurent le service d’accueil et d’orientation, en plus, bien sûr, du service d’ordre, même si le moindre incident n’est noté.

    Sur les allées, qui, d’habitude, accueillent les amoureux de la promenade au bord bord de la mer, sont installés des chapiteaux. Le plus grand fait office de salle d’attente, l’autre de service des passeports, le troisième pour la carte nationale d’identité.

    A l’intérieur des deux bureaux d’enregistrement éphémères, faits de barnums pliables, l’atmosphère est studieuse. Des officiers de police, hommes et femmes, exécutent plusieurs tâches à la fois : le remplissage des formulaires physiques et par ordinateur, la prise d’empreinte digitale et de la photo des demandeurs, etc.

    Wally Top vient d’accomplir les formalités pour le renouvellement de son passeport arrivé à expiration. ‘’L’initiative du ministère de l’Intérieur est salutaire’’, dit-il tout en marchant d’un pas empressé. Il est presque midi, et le technicien supérieur en Tourisme doit regagner son lieu de travail. ‘’Je suis arrivé ici à 5 heures du matin et l’enrôlement n’a débuté qu’aux environs de 10 heures’’, ajoute-t-il, estimant que l’attente en valait la chandelle.

    En effet, son rendez-vous pour le renouvellement de son titre de voyage était programmé le 11 février. ‘’Quand j’ai eu écho de cette initiative du ministère de l’Intérieur, j’ai aussitôt sauté sur l’occasion’’, se réjouit-il, en pressant davantage le pas.

    Mouhamed Diouf, un étudiant en fac de Lettres, deuxième année, a lui également saisi cette opportunité de renouveler son passeport le plus rapidement possible, afin d’être dans les temps de dépôt d’une pré-inscription dans une université européenne. ‘’Mon rendez-vous au bureau des passeports était fixé au 7 février. Maintenant, c’est ce jour-là que je dois aller le récupérer’’, dit-il rangeant soigneusement son récépissé dans une enveloppe A4 qu’il glisse dans son sac.

    Un malentendu dans la communication

    Ami Collé Ndiaye, elle, n’a pas eu la même veine que Wally Top et Mouhamed Diouf. Élégante dans son tailleur-pantalon aux couleurs rouge et blanche assorties, la trentenaire originaire de Touba et résident à Keur Mbaye Fall, en banlieue dakaroise, est venue sur les lieux pour rien. Pour cause : ‘’ici, on ne procède qu’au renouvellement des passeports. Pour les primo-déposants, les dossiers sont reçus au service dédié, sis à Dieupeul’’, précise un agent de police.

    Ami Collé devra donc suivre la procédure d’usage : payer une taxe de 20 000 francs CFA et un ticket de rendez-vous à 1 000 francs CFA et attendre qu’on lui fixe un jour de dépôt.

    ‘’Ce ne sont pas les frais à payer qui me rendent amère. C’est plutôt la longue attente d’un rendez-vous pour le dépôt, en plus de devoir rentrer bredouille après avoir attendu de l’aube, dans le froid, jusqu’à midi, sous ce chaud soleil’’, dit-elle confuse. De plus, elle croyait que la délivrance du passeport serait effective le même jour.

    ‘’J’espérais déposer aujourd’hui et recevoir mon passeport, car je voulais aussitôt après m’inscrire au programme de la migration circulaire pour espérer faire partie des 250 jeunes Sénégalais devant se rendre en Espagne pour des travaux saisonniers’’, confie-t-elle, quelque peu résignée. ‘’Bah, ce sera la prochaine fois’’, lance-t-elle en s’éloignant, les yeux rivés sur son smartphone.  

    Comme Ami Collé, Alioune Guèye, résident au quartier Castors est dans la même situation. ‘’Je suis venu ici très tôt, mais je n’ai pas pu procéder au dépôt car on me demande d’aller d’abord me procurer de la quittance de 20 000 francs CFA, alors que l’annonce disait que l’enregistrement était gratuit’’, clame-t-il.

    En réalité, il n’a jamais été question de gratuité, comme l’ont annoncé des sites d’informations, mais d’‘’opération spéciale’’ dans le cadre de la neuvième Journée ‘’Setal sunu reew’’, dont l’organisation, cette fois-ci, est confiée au ministère de l’Intérieur, qui l’a placée sous le thème : ‘’Setal sunu gox, moy sunu karangué’’ (Un cadre de vie sain et propre est gage de sécurité).

    Venu constater le démarrage effectif de la confection de la carte nationale d’identité et du passeport, un officiel de la DAF a tenu à clarifier les choses. ‘’Il n’y a rien à payer pour cet enrôlement, sauf que le demandeur, naturellement, doit payer la quittance [de 20 00 francs CFA] s’il s’agit du passeport et, s’il s’agit d’une demande de duplicata pour la carte nationale d’identité, il doit effectivement payer le timbre de 10 000 francs. Hormis la quittance et le timbre, il n’y a aucun frais à supporter par le demandeur’’, a-t-il précisé.

    Ces explications n’ont pas pour autant convaincu un groupe de jeunes, qui regrettent d’être venus, à l’aube, de la lointaine banlieue, espérant enfin obtenir leur premier passeport, un document indispensable pour voyager hors de l’espace CEDEAO.

    Alioune Guèye, par contre, semble persuadé malgré lui par les explications de l’officier de la DAF, essayant de contenir difficilement sa déception. ‘’La communication autour de cette opération a été mauvaise’’, affirme-t-il dans de grands gestes, qui font tomber les bras relevés de son boubou.

    Une carte nationale d’identité pour la première fois

    A la décharge du ministère de l’Intérieur, les annonces officielles de la confection de passeport et de carte nationale d’identité durant les trois jours précédant la journée nationale de nettoiement, ne font pas état d’exonération du paiement de quittance ou de timbre.

    Dans la longue file des demandeurs de carte nationale d’identité, Maimouna Camara ne tient pas en place, comme pour reposer ses jambes pour être restée debout longtemps. Mais pas question de sortir du rang. Juste une dizaine de personnes et ça sera son tour. Agée de 21 ans et ne parlant pas très bien wolof, elle indique qu’elle est venue de Guédiawaye pour se faire confectionner sa première carte nationale d’identité.  

    A la Porte du troisième millénaire, mardi dernier, on aurait parié qu’il s’agissait de la journée des premières fois.

    Mouhamed Sow, 23 ans, habitant Yeumbeul, tient fermement un certificat de résidence et un formulaire rempli. Il ne lui reste qu’à attendre son tour pour déposer sa demande d’obtention de sa première pièce d’identité nationale.

    Idem pour Mouhamed Cissé qui vient d’atteindre l’âge de la majorité. Le longiligne bonhomme de 18 ans est accompagné de sa grande sœur Ndèye Fatou Cissé. En effet, Mouhamed est revenu il n’y a pas si longtemps de Kaolack (centre), où il étudiait dans un daara (école coranique). Ils viennent du quartier Gueule Tapée situé non loin de la Porte du troisième millénaire, où ils patientent depuis 7 heures. ‘’Comme il ne connaît pas trop bien Dakar, je l’ai accompagné pour pas qu’il se perde’’, dit Ndèye Fatou Cissé, dans un sourire amoindri par la fatigue qui se lit sur son visage.

    Bientôt 13 heures et les lieux ne désemplissent toujours pas, attirant ainsi des vendeurs de café Touba, de beignets et autres amuse-bouche doués pour flairer les bons coups.

    ABB/OID

  • SENEGAL-TOURISME-DIVERS-REPORTAGE / Au Riu Baobab à Pointe Sarène, la vie retrouve son cours normal

    SENEGAL-TOURISME-DIVERS-REPORTAGE / Au Riu Baobab à Pointe Sarène, la vie retrouve son cours normal

    Pointe Sarène (Mbour), 21 jan (APS) – L’hôtel Riu Baobab retrouve une vie normale, au lendemain de l’attaque qu’il avait subie dans la nuit du samedi au dimanche, de la part d’une bande armée, emportant dans sa fuite plus de 12 millions de francs CFA, a constaté l’APS.

    Une vingtaine de personnes armées de fusils de chasse s’étaient introduites ce weekend, dans ce réceptif hôtelier, implanté à Pointe Sarène, dans le département de Mbour.

    Après des échanges de tirs avec les gendarmes, venus à la rescousse, les brigands avaient pris la fuite, avec de l’argent qu’ils ont pris à la réception de l’hôtel.

    Cette parenthèse s’est vite refermée, laissant place au train-train quotidien d’un réceptif implanté dans une zone de grande promotion du tourisme balnéaire.

    « C’est un événement malheureux que nous avons tous vécu. Mais actuellement, tout est revenu à la normale. On est en train de continuer nos activités tranquillement. Les clients arrivent et ceux qui doivent partir sont en train de partir », déclare à l’APS la directrice des ressources humaines de l’hôtel, Ramatoulaye Mbacké.

    « L’événement n’a eu aucun impact sur le fonctionnement normal de l’hôtel. On continue de fonctionner tranquillement et à recevoir des clients », précise Mme Mbacké.

    « Là, on est en train de recevoir un groupe de 141 personnes de nationalité anglaise », explique la responsable, pendant que plusieurs touristes, qui viennent de descendre d’un bus provenant de l’aéroport international Blaise de Diagne, s’activaient aux formalités d’usage à la réception, lundi, peu après 20 heures.

    Dimanche, au lendemain de l’attaque, « nous avons reçu 180 entrées toute la journée et aujourd’hui [lundi], on en a eu 163 », signale-t-elle, ajoutant que « plus de 300 visiteurs ont été reçus dans l’hôtel depuis l’incident ».

    A l’intérieur de l’hôtel, juste après le portail, des éléments de la gendarmerie lourdement armés veillent au grain.

    « La gendarmerie est présente H24 depuis le jour de l’incident. La situation est maîtrisée, le calme et la sérénité règnent actuellement dans l’hôtel et au niveau des clients, du personnel », se réjouit Ramatoulaye Mbacké.

    Dans le principal restaurant du site, règne une belle ambiance autour de plats copieux et divers.

    « C’est l’heure du dîner ! », lance Mme Mbacké, lors d’une visite guidée à l’intérieur de l’hôtel, alors que des serveurs font le tour des tables où une centaine de clients attendent patiemment d’être servis.

    « Vous avez vu l’ambiance dans l’hôtel. On dirait que rien ne s’est jamais passé », fait constater la DRH, après un tour dans un second réfectoire, qui offre un décor similaire.

    « Il y a eu certes des craintes et c’est très normal. Ça se comprend que des clients aient envoyé des mails pour s’enquérir de la situation par rapport à la sécurité et aux mesures nécessaires prises pour qu’ils puissent venir », admet-elle.

    Dimanche soir, le ministre du Tourisme et de l’Artisanat, Mountaga Diao, à la tête d’une forte délégation, s’était rendu sur les lieux. Une visite au cours de laquelle, il avait annoncé des mesures, dont notamment l’érection d’une brigade de gendarmerie, pour renforcer la sécurité dans la station touristique de Pointe Sarène.

    « Nous accueillons cette annonce avec beaucoup de plaisir. On attend que cette brigade soit mise en place dans les plus brefs délais. Nous espérons que cela va répondre à toutes les préoccupations sécuritaires que nous avons », réagit la responsable des ressources humaines. Elle se dit confiante quant à l’aboutissement de l’enquête ouverte par la gendarmerie.

    DOB/ADI/BK/ASG

  • SENEGAL-TRANSPORT-SECURITE / Immatriculation des moto-taxis : à Dakar, des clients approuvent la mesure

    SENEGAL-TRANSPORT-SECURITE / Immatriculation des moto-taxis : à Dakar, des clients approuvent la mesure

    Dakar, 15 jan (APS) – La décision du gouvernement de procéder à la régulation du transport par moto-taxis, communément appelés « tiak-tiak », dont la cylindrée est supérieure à 49 centimètres cubes (cc) d’ici le 13 mars prochain, recueille l’adhésion d’usagers interrogés par l’APS.

    Ces Dakarois, habitués à ce moyen de transport et de livraison rapide dans une ville confrontée à des embouteillages gigantesques sur plusieurs artères de la capitale sénégalaise, évoquent tous la raison sécuritaire pour justifier leur avis. 

    Rencontrés à différents endroits de la capitale sénégalaise, ils saluent la mesure du gouvernement qui vise à doter chaque moto d’une immatriculation. Une sorte de carte d’identité du deux-roues motorisé, qui permet d’avoir, par exemple, des informations sur le propriétaire ou le conducteur au cas où un accident ou une infraction impliquant l’un ou l’autre surviendrait.

    Les usagers, en tout cas, apprécient la mesure de régulation de ce type de transport apparu dans nos villes, durant les cinq dernières années. Ils la jugent même ‘’nécessaire’’ pour améliorer la sécurité routière et renforcer le contrôle de ce moyen de transport devenu l’outil de travail à la mode auprès d’une jeunesse en quête d’emploi.

    « Une moto doit être immatriculée, avoir une police d’assurance et son conducteur détenir un permis de conduire valide », lance Mamadou, un client régulier des ‘’tiak-tiak’’, qui se dirige d’ailleurs ce jour-là vers le rond-point ‘’Khaïma’’, non loin des allées Cheikh Sidaty Aidara, à Niary Tally, lieu de convergence des ‘’jakartamen’’ et autres livreurs en moto.

    Les ronds-points, justement, l’angle des rues, là où les fameux cars rapides stationnent temporairement le temps de prendre des passagers, les trottoirs jouxtant les feux de signalisation, sont devenus des lieux de stationnement improvisées de deux-roues motorisés.

    Pour Mamadou, la police d’assurance est essentielle pour protéger à la fois les conducteurs et les passagers en cas d’accident.

    Vingt accidents mortels impliquant des motos contre 8 pour les véhicules en un an

    Selon les données de la section des accidents du commissariat central de Dakar, en un an, de janvier 2024 à janvier 2025, 20 personnes sont mortes dans des accidents de motos contre seulement 8 pour les véhicules. Le nombre d’accidents corporels (blessures et séquelles post-traumatiques), quant à eux, font le double de celui enregistré dans les accidents de voitures, qui s’élève à 447 durant la même période.

    La décision du gouvernement portant immatriculation des mototaxis s’inscrit dans une volonté de renforcer le contrôle de la circulation des motocycles de plus de 49 centimètres cubes, d’améliorer la sécurité routière et des populations. En effet, plusieurs cas d’agression et de vols à l’arraché impliquant des cyclomoteurs ont été notés. Certains devenant d’ailleurs viraux sur les réseaux sociaux.

    Bathie, un usager trouvé au rond-point « Jet d’eau », dans le quartier de la SICAP, pense savoir que ‘’cette mesure permettra de lutter contre les infractions routières fréquentes commises par les motocyclistes, comme le vol ou le délit de fuite, et de faciliter l’identification de leurs auteurs’’.

    Pour toutes ces raisons, le ministère des Infrastructures, des Transports terrestres et aériens a promis, dans un communiqué en date du 2 janvier 2025, de rendre obligatoire l’immatriculation de toutes les motos, sous peine d’être mises en fourrière à partir du 13 mars.

    Cette décision gouvernementale faisant suite à la circulaire de la Primature, datée du 13 décembre 2024 et portant sur des mesures strictes destinées à améliorer la sécurité routière dans tout le pays, a été transmise aux ministères des Forces armées, de l’Intérieur, des Finances et des Transports, en vue d’une application immédiate.  

    L’État a, dans le même temps, pris des mesures d’accompagnement rendant gratuite l’obtention des pièces administratives à fournir pour l’acquisition de la plaque d’immatriculation.  

    Ainsi, les propriétaires des cylindrées doivent fournir divers documents, tels que les déclarations de douane et le certificat de mise à la consommation. Une fois ces documents vérifiés, l’État prend en charge les frais de traitement jusqu’à l’obtention de la carte grise. Les propriétaires devront ensuite payer pour faire inscrire le numéro d’immatriculation sur leur moto.

    Le paiement des frais d’immatriculation : la pomme de discorde

    Le coût de l’immatriculation, qui tourne autour de 30 000 francs CFA constitue justement la pomme de discorde entre les autorités et ces derniers, qui ont dernièrement manifesté leur colère dans des villes du pays comme Dakar, Kaolack et Ziguinchor.

    Or, se défend le gouvernement, l’immatriculation d’une moto est une activité dévolue à des concessionnaires privés. ‘’Après l’obtention gratuite de la carte grise, le propriétaire de la moto doit en trouver un, qui se chargera de la confection de la plaque avec le numéro d’immatriculation’’, indique Moustapha Gueye, conseiller technique en sécurité routière au ministère des Transports terrestres et aériens, interrogé par la télévision publique, RTS.

    Par ailleurs, souffle un amateur de grosse cylindrée qui préfère garder l’anonymat, si des conducteurs rechignent à faire immatriculer leurs motos Jakarta, prétextant le refus des services de police de leur faire des copies de leurs documents en vue de la régularisation, c’est que ‘’l’origine de leurs motocycles est douteuse’’. ‘’Il est clair que le vendeur d’une moto volée ne va pas procurer un acte de vente à l’acheteur’’, dit-il. D’où l’impossibilité pour ce dernier de se faire délivrer un Certificat de mise à la consommation (CMC), qui est un document obligatoire pour l’immatriculation des mototaxis de plus de 49 cc.

    A Matam, région du nord du pays, par exemple, l’obtention de ce précieux sésame constitue la principale difficulté des propriétaires de deux-roues motorisés, à en croire le chef de la Division régionale des transports routiers.

    ‘’Le CMC reste le principal problème auquel sont confrontés plusieurs conducteurs de motos de la région de Matam, qui ont du mal à présenter un acte de vente’’ en bonne et due forme, signale Abdoulaye Sarr, au correspondant de l’APS.

    Toujours est-il que le gouvernement reste inflexible sur la régularisation de la circulation des motocycles, tout en facilitant le processus de l’immatriculation par la délocalisation des centres de dépôt des documents et en dématérialisant la prise de rendez-vous.

    Toutes choses qui participent à ‘’rendre ce moyen de transport et de livraison plus sûr’’, selon Yacine, une jeune fille, qui aime être supportée sur une moto, les cheveux au vent.    

    Elle espère qu’avec la mesure obligatoire d’immatriculation, ‘’les conducteurs de motos respecteront davantage le code de la route et les feux de signalisation, et qu’ils ne prendraient pas la fuite sans conséquence dès lors qu’ils seront impliqués dans des accidents et autres infractions’’.

    MYK/ABB/SKS/ASG

  • SENEGAL-JUSTICE-GENRE-REPORTAGE / Criminalisation du viol et de la pédophilie : l’objectif dissuasif de la loi n’est pas encore atteint, selon des juristes

    SENEGAL-JUSTICE-GENRE-REPORTAGE / Criminalisation du viol et de la pédophilie : l’objectif dissuasif de la loi n’est pas encore atteint, selon des juristes

    +++Par Aïssatou Bâ+++

    Dakar, 8 jan (APS) – Quatre ans après la promulgation, en 2020, de la loi sur la criminalisation du viol et de la pédophilie au Sénégal, des activistes de la société civile, notamment les associations féminines, saluent ce grand pas en avant dans la lutte contre les violences sexuelles, tout en déplorant le fait que l’objectif de la dissuasion ne soit pas encore atteint au regard des statistiques.

    Les violences sexuelles constituent des formes graves d’atteinte à l’intégrité des personnes dont les principales victimes sont les femmes et les enfants. Dans l’optique d’un renforcement de la protection de ces catégories vulnérables, l’État du Sénégal a très tôt mis en place une législation pénale, mise à jour en fonction des mutations de la société.

    C’est le cas de la loi n° 99-05 du 29 janvier 1999 modifiant certaines dispositions du Code pénal de 1965. Cette loi a, entre autres innovations, défini et durci son régime juridique, notamment lorsque ces infractions (viol et pédophilie) sont accompagnées de certaines circonstances aggravantes.

    Toutefois cette loi ne faisait pas du viol un crime, sauf lorsqu’il est suivi de la mort de la victime. Elle a également élargi la répression des actes de pédophilie qui n’étaient appréhendés que sous leur forme vague d’attentat à la pudeur.

    Deux décennies plus tard, et au regard de la multiplication et de l’intensification des faits d’agressions sexuelles, ainsi que des conséquences dévastatrices de ces infractions, des associations féminines, notamment l’Association des juristes sénégalaises (AJS) et tant d’autres ont plaidé ont obtenu le durcissement des pénalités liées à ces faits incriminés.

    Initialement votée le 30 décembre 2019 par l’Assemblée nationale, à l’issue d’un vote à l’unanimité et par acclamation, et promulguée le 10 janvier 2020, la loi criminalisant le viol et la pédophilie était annoncée comme un instrument de dissuasion des éventuels auteurs d’agressions sexuelles.

    Bien qu’elles apprécient son effectivité, les femmes juristes du Sénégal, pensent qu’eu égard aux statistiques portant sur les agressions sexuelles liées au genre, l’’’objectif de dissuasion n’est pas encore atteint’’.

    Quatre ans après le durcissement des sanctions liées au viol et à la pédophilie, ces activistes, ayant milité pour son vote et sa promulgation, gardent tout de même ’’espoir face au combat sur la protection des victimes à travers son application’’.

    Elles soulignent avoir rencontré des poches de réticence de la part de certains magistrats et autres praticiens du droit, qui estimaient que le fait de criminaliser le viol et la pédophilie, ‘’alourdissait la procédure’’.

    Selon la présidente de l’Association des Juristes Sénégalaises (AJS), Me Aminata Fall Niang, l’objectif de l’adoption de cette loi serait toutefois atteint sur le plan des textes.

    ’’Il y en a qui maintiennent cette position-là, que la criminalisation va non seulement allonger la durée du procès et celle du traitement des dossiers, mais aussi et surtout contribuer à une déperdition des preuves, puisqu’il est difficile de conserver des preuves en cas de viol et de pédophilie tout le long d’une instruction’’, fait-elle savoir.

    Selon elle, le ministère de la Justice qui a participé à leur symposium qui a porté sur ces infractions liées au genre a donné des chiffres prouvant que parmi les populations carcérales aujourd’hui, le nombre de personnes incarcérées pour viol et pédophilie reste ’’absolument minime’’ par rapport à la ’’masse de délinquants’’ de toute autre nature.

     »Donc quatre ans après, nous estimons que la criminalisation est là ; elle est effective. Il faut appliquer la loi, c’est tout, et se donner les moyens de l’appliquer’’, a précisé Mme Niang, ajoutant que les sanctions prévues pour ce genre de crime vont de 10, 15, 20 ans ou la perpétuité, selon les circonstances aggravantes.

    L’évolution de la courbe des délinquants sexuels de 2018 à 2024 (source : ANSD)

    Selon les données de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD) relatives à la population carcérale de criminels sexuels, il est recensé sur l’ensemble du pays 759 détenus de cette catégorie en 2017, 655 en 2018, 759 en 2019, 515 en 2020, 747 en 2021, 603 en 2022 et 440 en 2023.

    Plaidoyer pour la gratuité du certificat médical en cas de viol

     »Nous devons lutter pour que le certificat médical en cas de violence sexuelle soit gratuit, que la victime se présente directement à l’hôpital ou via la police’’, plaide Me Fall Niang, invitant les gens à s’imaginer ‘’à la place de la victime, qui parfois traîne pendant des heures avec la ‘’souillure’’.

    ‘’Humainement, c’est extrêmement difficile à supporter, surtout s’il s’agit d’abus sur des fillettes. Comment voulez-vous demander à une victime de viol de ne pas se laver, de conserver un état et de faire des allers-retours entre la police ou la gendarmerie et l’hôpital, avec cette souillure. Ce n’est pas possible’’, martèle-t-elle, instant sur l’’’importance d’alléger la procédure’’.

    ’’Pas plus tard qu’il y a quelques semaines à Pikine, on a eu un cas de viol d’un enfant de quatre ans. Et c’est à cette dernière qu’on veut demander de ne pas se laver. Mettez-vous à sa place…’’, observe la juriste.

    Les statistiques de l’AJS montrent qu’en 2023, par exemple, 166 cas de violences sexuelles ont été répertoriés dans les six zones où elle intervient.

    La boutique de droit de Pikine a enregistré à elle seule 38 cas, 31 pour la commune de Médina, 23 pour la région de Kaolack, 22 Kébémer (Louga), 19 Kolda, 14 Ziguinchor, 10 Thiès et 1 pour Sédhiou.

    D’après les données sur les violences sexuelles de janvier à juin 2024 de l’ensemble des boutiques de droit de l’AJS, 83 cas ont été répertoriés durant cette période, dont 27 pour la commune de Médina, 22 pour Pikine, 10 Kolda, 8 Kaolack, 6 pour Kébémer et Thiès et 2 pour les régions de Ziguinchor et de Sédhiou.

    ’’Donc, c’est affreux, ces histoires de viol-là. Et les chiffres sont effarants. De janvier à juin 2024, dans nos boutiques de droit, nous avons recensé plus de 600 cas d’agressions, de violences basées sur le genre’’, révèle Me Fall.

    Actions de communication et de sensibilisation

    ‘’L’idée était non seulement l’aspect évaluation de l’effectivité en termes d’application de la loi par les tribunaux, mais aussi sa vulgarisation auprès des populations et tous les acteurs qui interviennent dans la chaîne de prise en charge de ce type de violence’’, explique la chargée du projet ‘’Contribuer à l’éradication des violences sexuelles’’ de l’AJS, Me Aminata Samb.

    Elle indique que la vulgarisation de cette loi, criminalisant le viol et la pédophilie, a pour objectif de sensibiliser la communauté, afin qu’elle ‘’porte elle-même ce combat’’.

    ’’Sur le terrain, on est en train de faire des activités de formation, de sensibilisation et aussi de communication. On a eu à former des journalistes par exemple, pour un traitement adéquat des violences sexuelles, etc.’’, précise Me Samb.

    Cette démarche a permis aux acteurs de sillonner plusieurs universités du Sénégal, notamment celles de Bambey, de Saint-Louis, de Dakar, de Kaolack ou encore la police et la gendarmerie pour former sur la prise en charge des victimes.

    Le diagramme du nombre de cas de violences sexuelles basées sur le genre dans les six zones d’intervention de l’AJS

     »Les femmes et les jeunes filles font aussi partie de nos formations. Ce sont nos partenaires. Il y a une formation qui est prévue pour les victimes de violences sexuelles, pour leur autonomisation, pour qu’elles puissent être insérées professionnellement’’, affirme-t-elle.

    Me Samb soutient au-delà de ce projet que l’AJS forme également des para-juristes notamment des volontaires hommes et femmes, qui deviennent des relais sur le terrain.

     »On a plus de 1 000 para-juristes, répartis sur tout le territoire national, que nous formons régulièrement et qui nous appuient beaucoup sur cette question’’, renseigne la cheffe du projet.

    Pour l’application de la loi dans toute sa  »rigueur’’

    Avocate de son état, Me Marame Dia Sylla, prône l’application de la loi, dans toute sa  »rigueur ».

     »La loi est faite pour être appliquée à partir du moment où elle est entrée en vigueur. Les juges sont dans l’obligation de l’appliquer’’, dit-elle, insistant sur l’application effective de cette loi dans toute sa ‘’rigueur ».

    Une fois la sentence prononcée, le juge contraint le condamné à payer 2, 3 ou 5 millions de FCFA d’amende, note Me Dia.

    Elle indique que depuis la promulgation de la loi, elle a reçu et suivi plus d’une dizaine de cas de viol. Ce qui, selon elle, représente ‘’une augmentation’’.

    ‘’Ce sont généralement des filles dont l’âge varie entre 13 et 16 ans. Souvent, c’est sur le chemin de l’école, soit au daara, c’est-à-dire à l’école coranique, ou au sein d’une maison, dans le quartier qu’elles sont violées ou sont victimes de violences sexuelles. Il y a eu pas mal de cas’’, ajoute-t-elle, précisant que les jeunes garçons ne sont pas non plus épargnés dans cette situation.

    Elle s’est toutefois plainte du  »non aboutissement » de certains cas, à cause des ‘’arrangements’’ entre familles.

     »Si cela advient au sein de la famille, ils essayent de régler cela à l’amiable, d’étouffer l’affaire’’, poursuit Me Dia, déplorant le fait que les plaintes sont parfois retirées en cours de procédure, à cause desdits ‘’arrangements’’.

    Développement d’une culture de la dénonciation

    Pour la présidente du Conseil sénégalais des femmes (COSEF), Seynabou Mbaye Gueye, l’application de la loi favorise petit à petit le développement d’une culture de dénonciation au sein des populations.

    Elle exprime sa satisfaction de voir de plus en plus des victimes prendre leur courage à deux mains pour dénoncer les viols même au sein de leur famille.

     »Le fait qu’il y ait des associations de femmes qui accompagnent les victimes, pour leur commettre des avocats, leur assurer un suivi psychologique, pour moi, c’est un sentiment de satisfaction’’, fait-elle valoir.

    Malgré ce sentiment de satisfaction, la présidente du COSEF souligne toutefois qu’il reste beaucoup à réaliser, en raison de la nouveauté de la loi, qui ‘’date de 4 ans seulement’’.

     »Donc, 4 ans, c’est très peu. Il y a encore beaucoup d’efforts à fournir, notamment dans le domaine de la prise en charge de victimes, pour éviter qu’elles soient stigmatisées’’, ajoute-t-elle.

    Cet article a été réalisé par l’Africa Women’s Journalism Project (AWJP) avec le soutien du Centre International des Journalistes (ICFJ) dans le cadre de la Bourse Reportage pour les Journalistes Femmes en Afrique Francophone.

    AMN/MK/ABB/OID

  • SENEGAL-SOCIETE / Meurtre d’une fille de 12 ans à Malika : des Dakarois entre indignation et psychose

    SENEGAL-SOCIETE / Meurtre d’une fille de 12 ans à Malika : des Dakarois entre indignation et psychose

    Dakar, 3 jan (APS) – L’indignation est le sentiment le plus partagé chez des habitants de La Médina et de Colobane, des quartiers dakarois où l’APS les a interrogés, vendredi, sur le meurtre d’une fille de 12 ans à Malika (ouest).

    Ce drame survenu dans la nuit du 31 décembre au jour de l’An, fortement médiatisé, a ému de nombreux Sénégalais.

    La nouvelle du meurtre de la fille attriste Modou Sarr, un père de famille trouvé près de la direction de l’automatisation des fichiers, sur la rue 6 de La Médina. ‘’Un viol est un acte criminel et ignoble. Lorsqu’il est suivi de meurtre, cela m’indigne profondément’’, s’émeut M. Sarr.

    Selon des informations publiées dans la presse, les enquêteurs ont écarté la thèse du viol à la suite d’une autopsie.

    La fille de 12 ans est décédée par strangulation, disent-ils.

    ‘’Les parents doivent redoubler de vigilance, car nous vivons dans une société où les valeurs se perdent progressivement. La violence et les actes qui frisent la barbarie gagnent du terrain’’, s’indigne-t-il, estimant que le drame survenu à Malika interpelle la société sénégalaise.

    Astou Diarra, rencontrée sur la rue 11 de La Médina, dit être ‘’très affectée’’ par le meurtre de la fille. ‘’Comment un homme adulte […] peut-il commettre de tels actes sur une fille de 12 ans ?’’, s’interroge cette dame, disant avoir appris avec stupeur le drame de Malika.

    ‘’L’auteur du crime doit être sévèrement puni, afin que soient dissuadés tous ceux qui seraient tentés de commettre des actes pareils’’, martèle-t-elle.

    À Colobane, à deux pas de la place de la Nation, Oumar Sow, un mécanicien âgé d’environ 40 ans, éprouve la même indignation et réclame une sanction exemplaire du présumé coupable du meurtre de la fille. ‘’Cet individu mérite la réclusion criminelle à perpétuité’’, tranche-t-il, invitant les parents à redoubler de vigilance pour la protection de leurs enfants.

    ‘’À la tombée de la nuit, il est plus prudent d’interdire à nos enfants, aux filles surtout, de sortir. Il faut leur interdire même d’aller à la boutique du quartier’’, recommande M. Sow.

    ‘’Ce drame nous rappelle à quel point nous devons être prudentes’’

    Pour éviter les actes criminels de cette nature, Abdou Faye, attristé par le drame du Nouvel An, a une proposition toute tranchée. ‘’Toute personne coupable d’homicide volontaire mérite la peine de mort. C’est la solution idoine pour freiner la criminalité dans ce pays’’, propose-t-il.

    El Hadj Ba, rencontré à la station BRT de Colobane, partage la proposition de M. Faye. ‘’La peine de mort doit être rétablie à l’encontre des auteurs des crimes de ce genre’’, suggère-t-il.

    Awa, une adolescente, est profondément bouleversée à l’annonce du drame survenu à Malika. ‘’Ça me touche personnellement. Ce drame nous rappelle à quel point nous devons être prudentes, nous les filles’’, dit-elle d’une voix empreinte d’émotion.

    Selon plusieurs médias, le présumé meurtrier de la jeune fille a été arrêté et aurait avoué les faits pour lesquels il a été appréhendé.

    MYK/ABB/ESF/MTN

  • SENEGAL-ENVIRONNEMENT-CRUE-REPORTAGE / A Yaféra, le défi de la reconstruction, deux mois après le retrait des eaux du fleuve Sénégal

    SENEGAL-ENVIRONNEMENT-CRUE-REPORTAGE / A Yaféra, le défi de la reconstruction, deux mois après le retrait des eaux du fleuve Sénégal

    +++Par Abou Ndiaye+++

    Yaféra (Bakel), 3 jan (APS) – Les habitants de Yaféra, un village du département de Bakel, fortement impactés par le débordement du fleuve Sénégal en septembre et octobre, tentent de relever le défi de la reconstruction des maisons et des établissements scolaires pour reprendre une vie normale.

    Situé dans la commune de Ballou, entre les villages de Golmy et Aroundou, Yaféra se trouve à 35 kilomètres de la capitale départementale de Bakel.

    Après avoir traversé le village de Bema, distant de 14 Km de Bakel, une piste latérite mène vers Yaféra en passant par Koughany et Golmy. 

    Peuplée à 90% de Soninkés, la localité est nichée à l’est, sur la rive du fleuve Sénégal. Avec plus 2.200 habitants, Yaféra est devenu tristement célèbre lors du débordement du fleuve Sénégal qui a impacté toutes les concessions. 

    Deux mois après cette situation douloureuse, la vie reprend son cours normal. Les rues, les maisons et les établissements scolaires qui étaient devenus impraticables, sont aujourd’hui libérés des eaux.

    Mais les populations de l’arrondissement de Moudéry gardent toujours de douleurs souvenirs de cet épisode qu’elles ont vécus pour la première fois.

    « Les gens avaient peur, ils étaient bouleversés. Beaucoup d’entre eux avaient abandonné leurs maisons, parce que ce n’était plus sûr de rester dans un bâtiment envahi par les eaux’’, se souvient Lassana Timéra, administrateur de « Yaféra Tv ».  

    L’enthousiasme d’un retour à la normale malgré les dégâts

    Trouvé dans son lieu de travail, Lassana Timéra reste toujours peiné de l’envahissement par les eaux de son village natal,  causant un arrêt total des activités génératrices de revenus. 

    « Le village était à l’arrêt. Le plus inquiétant c’est qu’il n’y avait plus de réseau téléphonique ni d’électricité. Personne ne pouvait travailler pour avoir de quoi assurer les repas quotidiens », selon Timéra.

    Même si les ruelles sont devenues de nouveau praticables, dans les maisons, les stigmates de la furie des eaux sont toujours visibles. 

    C’est le cas à l’école franco-arabe située dans le quartier Modinkany où l’eau avait envahi toutes les salles de classe et endommagé des tables bancs et le matériel didactique.  

    Sur la terrasse de l’établissement, des livres arabes, français et autres matériels sont exposés au soleil. 

    « On avait démarré les cours le 03 octobre. Le vendredi 11 octobre, l’eau a commencé à envahir le village et le samedi, nous étions dans l’impasse », souligne Dramane Timéra, natif de Yaféra et enseignant dans cette école. 

    « On a arrêté les cours le 13 octobre. Quand l’eau a envahi l’école à la surprise générale, tout le matériel était stocké dans les armoires et salles de classe et à la hâte, on est venu récupérer ce qu’on pouvait », ajoute M. Timéra. 

    L’école qui compte plus de 200 élèves a beaucoup de matériels.

    “Le directeur a fait une expression de besoins à l’inspection de Bakel, on a reçu quelques fournitures scolaires mais pas de tables bancs. Dans certaines salles, les élèves s’assoient à trois », fait-il savoir.  

    Au bord du fleuve, des périmètres maraîchers sont de nouveau aménagés après que le fleuve a retrouvé son lit normal. Des pirogues qui servaient de transport dans le village sont rangées sur la berge, en ce début de matinée. 

    Assis sur sa pirogue, pagaie à la main, Samané Doucouré revient d’une traversée en Mauritanie. Après l’arrêt de son travail pendant quelque temps, il est heureux de retrouver son gagne-pain. 

    « Je n’ai autre chose que ce travail; assurer la traversée entre Yaféra et Diogoutouro (Mauritanie). Avec les inondations, le travail était à l’arrêt. Nos pirogues servaient à transporter les gens. C’était difficile pour nous », dit-il désolé, soulignant que ses deux chambres et toilettes construites en banco n’ont pas pu résister à la furie des eaux. 

    Une préoccupation, reconstruire les bâtiments   

    Dans le village, plusieurs maisons en banco sont tombées. Celles qui tiennent debout sont éventrées et abandonnées par leurs propriétaires.  

    Assis sur une chaise, superposant des vêtements pour se protéger de la fraîcheur matinale, Khalilou Keïta contemple avec un grand désarroi le sort de leurs trois bâtiments emportés par les eaux. 

    « Tous nos bâtiments sont à terre. La famille est au niveau du site de relogement. Je suis resté pour surveiller le bétail parce qu’on ne peut pas garder les animaux au niveau du site et les matériels restant », souligne Keita qui a aménagé une case en paille dans la maison abandonnée par sa famille. 

    « Nous remercions l’État pour l’accompagnement en vivres, ça nous a beaucoup soulagé durant les moments difficiles. Actuellement, c’est la reconstruction de nos maisons qui nous préoccupe », dit-il.  

    Boubou Baby, un père de famille, est lui aussi préoccupé par le travail de reconstruction. Selon cet octogénaire, de retour dans sa maison, après avoir été relogé dans une école, la situation est toujours difficile. 

    « C’est ce qui reste de ma maison. J’ai perdu deux bâtiments. L’un avait six chambres et l’autre trois chambres, ils ont été emportés par les eaux », confie M. Baby qui se rappelle les inondations en 1955 à Yaféra. 

    « On ne pouvait pas rester encore à l’école mais la situation est toujours difficile. On n’a pas les moyens pour reconstruire nos maisons. Je n’ai pas de parents émigrés pour m’aider, mes enfants sont dans le village et ne travaillent plus depuis quelque temps », avance-t-il. 

    Ce désir de reconstruction des habitations et de reprendre leur quotidien animent également les sinistrés trouvés dans un site de relogement près du forage du village. 

    Environ cinquante-deux personnes de trois familles différentes (Traoré, Baby, Keïta) occupent le site depuis le début de la montée des eaux. 

    « L’État nous a vraiment accompagné en vivres depuis que nous sommes ici. Il y a aussi l’appui des bonnes volontés. Mais actuellement, on veut reconstruire nos maisons et y retourner. On n’a pas les moyens pour y arriver, nous demandons l’appui de l’État à ce niveau aussi », plaide Lassana Keïta, qui occupe une tente. 

    Pour ce boulanger qui a perdu son lieu de travail avec les inondations, la vie est loin d’être facile dans un site de relogement où il faut toujours attendre de l’État et des bonnes volontés. 

    « On n’a plus rien, plus de travail. On ne se nourrit que grâce aux appuis de l’État surtout et des bonnes volontés. Sinon, la situation allait être plus dure », regrette Lassana Keïta, père de famille. 

    « Avec cette fraîcheur, sous les tentes, on a du mal. Il fait froid actuellement, on n’a pas de couverture ni d’habits lourds pour se protéger de la fraîcheur. Nous voulons de l’aide pour reconstruire nos maisons et reprendre notre vie quotidienne », plaide-t-il.

    Les sinistrés souhaitent être accompagnés dans la reconstruction de leurs logements.

    « C’est des maisons en banco et la plupart des familles n’ont pas de moyens. J’ai toujours voulu attirer l’attention des autorités sur cette période post-inondation. C’est un moment très dur pour les sinistrés notamment pour la reconstruction de leurs maisons », indique Cheikhna Camara, maire de la commune de Ballou.  

    Lors d’un entretien téléphonique, M. Camara a également plaidé pour plus d’accompagnement. « On souhaiterait que les sinistrés puissent vraiment bénéficier de ce projet de construction de logement en faveur des familles démunies », a dit Cheikhna Camara. 

    AND/ABD/ASB/SKS/SBS/OID

  • SENEGAL-SECURITE-REPORTAGE / Dans l’antre du bataillon des parachutistes sénégalais

    SENEGAL-SECURITE-REPORTAGE / Dans l’antre du bataillon des parachutistes sénégalais

    Par Moussa Konté

    Dakar, 1er Jan (APS) – Présentée comme une Unité pionnière des corps de troupe de l’armée sénégalaise et dépendant directement du président de la République, le bataillon des parachutistes est appelé à intervenir dans des situations dites compliquées pour le maintien de l’ordre et de la paix, au Sénégal et même au-delà de nos frontières. Discipline, rigueur et force, sont les traits de caractères de ce corps d’élite dans lequel une équipe de l’Agence de presse sénégalaise (APS) s’est spécialement embarquée.

    Il est 06h45. Nous arrivons à bord de notre véhicule devant la porte principale du Camp lieutenant Amadou Lindor Fall qui abrite le bataillon des parachutistes, la première unité de réserve générale. Il est surplombé par le lycée de Thiaroye à gauche. Un peu à droite, on aperçoit l’hôpital de Pikine, dans la banlieue dakaroise.

    A peine le temps de marquer un arrêt, un jeune soldat, arme en main se rapproche de notre véhicule à pas soutenus. De loin, il nous fait un salut militaire, avant de jeter un regard furtif sur la portière où sont inscrits les initiales de l’Agence de presse sénégalaise.

    D’une main levée, et comme pour montrer qu’il avait été informé de notre visite, il fait signe à un autre militaire, cette fois-ci beaucoup plus âgé, la cinquantaine, de venir, avant d’aller rejoindre dans la même dynamique, sa position initiale au checkpoint.

    Il s’agit de l’adjudant Saidou Diallo. C’est lui notre guide du jour, détaché pour la circonstance par l’Etat-major. ‘’Soyez les bienvenus dans l’antre des parachutistes ! Nous-dit-il d’un ton courtois avant de monter avec nous dans le véhicule.

    A l’entrée du camp, notre regard se pose sur une drôle de créature, la statue d’un soldat à la posture fière et résolue, aux ailes largement déployées, comme pour nous accueillir, positionnée devant le bâtiment abritant le poste de commandement, à quelques mètres du monument dédié aux morts.

    ‘’C’est Saint-Michel, l’ange protecteur des parachutistes. Il est bien plus qu’un symbole religieux. Il représente la bravoure, le sacrifice, la foi, la protection, le combat juste et la résilience’’, explique l’adjudant Diallo.

    Nous prenons ensuite la direction du parking. Mais notre progression est vite ralentie par le passage de soldats, des jeunes recrues en phase de formation de qualification d’arme, “FQA” dans leur jargon. Ils s’apprêtent à quitter le camp pour une journée d’entrainement intense.

    Dans la lumière naissante du matin, habillés de leur tenue de sport impeccablement ajustée, ces soldats aux visages à la fois marqués par la fraîcheur de la jeunesse et le sérieux, empreint de leur détermination, avancent en colonne, leurs chaussures “training” en frappant le sol laissaient entendre un rythme régulier et obéissant aux ordres de l’instructeur.

    Rigueur, discipline et respect du l’œil de l’ancien qui voit tout

    Dans le camp militaire, les premières activités s’organisent avec rigueur et discipline, orchestrant un ballet précis qui marque le début de la journée.

    Tout autour du terrain de football synthétique où s’est déroulée, le premier décembre dernier, la cérémonie de commémoration du 80e anniversaire du massacre des tirailleurs sénégalais, gravitent les bâtiments des cinq compagnies qui composent ce bataillon.

    De loin, on aperçoit des soldats en déplacement dont les pas raisonnent sur le bitume, sous le regard d’un ciel teinté d’or et de vermeil. Tous convergent vers la place d’arme pour la levée traditionnelle des couleurs. C’est le premier grand rassemblement de la journée.

    Alignés avec une précision géométrique, ils saluent le drapeau hissé qui, caressé par le vent, s’élève au rythme de l’hymne national.

    Sur place, l’officier de permanence lit aux soldats, le rapport de place, sous le regard aiguisé du commandant de bataillon, scrutant chaque détail de ce rituel exécuté dans une rigueur, fruit d’un esprit de discipline et de préparation constante.

    La matinée se poursuit par une séance d’entrainement dirigée par le moniteur chef du bataillon des parachutistes. L’adjudant Jean-Marie Huchard capitalise à son actif trente et un an de service au sein de l’armée, dont seize au bataillon des parachutistes.

    Sur la pelouse synthétique, des hommes en tenue de sport font leurs étirements pour se préparer à la course matinale. Au menu, un circuit de quatre kilomètres à exécuter en 20 minutes à travers les grandes artères de Thiaroye, ce quartier mythique de la banlieue dakaroise.

    ‘’Ce n’est pas une course de vitesse. Mais un simple exercice de routine. Pour ce faire, nous avons choisi la troisième compagnie, la Kanack. Et c’est tout le monde qui part’’, précise l’adjudant Huchard, avant de quitter le camp avec ses protégés dans une foulée soutenue.

    Au même moment, l’officier de permanence nous invite à le rejoindre au mess où on nous sert un petit déjeuner simple mais nourrissant, composé de pain assaisonné, du café, du lait, des fruits et de la boisson énergisante. Un moment de calme relatif ou l’on échange brièvement avec le maître des lieux. Mais la conversation est vite interrompue par des chants qui résonnent au loin.

    ‘’Ils sont de retour ! s’exclame un officier, s’adressant à son commandant. Il s’agit de la Kanack. On les croise à l’allée du défilé pile à l’heure. Leurs uniformes sont humidement marqués par les efforts physiques intenses qu’ils viennent d’accomplir. Sur leurs fronts, des gouttes de sueur perlent, traçant de fines lignes le long de leurs trempes.

    Ils terminent leur parcours au point de départ, la pelouse synthétique où ils enchaînent leurs efforts par des exercices d’assouplissement, de gainage, de renforcement des jambes, des abdominaux, de la ceinture scapulaire et de la ceinture pelvienne.

    ‘’Ces exercices à faire au quotidien sont essentiels pour un militaire parachutiste qui en plus du combat doit aussi combiner avec les éléments naturels que sont principalement l’air et l’eau dans certaine circonstance’’, renseigne l’adjudant Jean-Marie Huchard dont le visage fatigué porte l’expression d’une satisfaction silencieuse.

    Le temps pour lui et ses hommes de s’étirer, l’officier de permanence nous invite à la piscine du camp qui porte le nom de l’athlète paralympique, double champion d’Afrique en canoé-kayak, Edmond Sanka, un ancien militaire parachutiste, amputé d’une jambe, des suites d’un accident survenu en 2007, alors qu’il était en service.

    Nous y retrouvons la septième promotion d’élèves instructeurs, moniteurs et chuteurs.  Au nombre de trente-trois, on les voit sauter systématiquement, à tour de rôle, dans le grand bassin, bras et jambes légèrement écartés en arrière, après un petit déplacement latéral exécuté en deux temps.

    Ils s’exercent à la sortie avec le saut en ouverture automatique, la SOA qui est effectué à hauteur de 1200m, avec une sangle accrochée dans l’avion qui provoque l’ouverture du parachute, après deux ou trois secondes de chute’’, explique le capitaine à la retraite Moussa Kambaye, instructeur de parachutiste et commando.

    Appelé communément Baba (père) Moussa par ses éléments, le capitaine Kambaye a fait ses premiers pas à l’armée de l’air. Par la suite, il a fait le concours de l’Ensoa où il est sorti sous-officier, avant d’être envoyé au Togo en 1989 pour y effectuer un stage de moniteur-para et de moniteur-commando.

    Une unité d’élite qui a fêté ses 65 ans

     ‘’J’ai fait ce stage de moniteur-para et de moniteur-commando au Togo. Une fois au Sénégal, les anciens qu’on a trouvés sur place, nous ont entraînés, nous ont montrés ce qu’il fallait faire, ainsi que certains partenaires avec lesquels on sortait’’, nous confie-t-il.

    ‘’Ces gens m’ont entraîné au fur et à mesure qu’ils sont partis à la retraite. J’ai continué à maintenir le flambeau haut. Jusqu’à la retraite, j’ai continué avec les paras, parce que pour moi, le para, c’est dans le sang’’.

    ‘’Et maintenant, tous ceux qui font la chute, je les accompagne, c’est moi qui les entraîne, à la sortie, à la position de chute, au travail sous voile’’, ajoute ainsi le sexagénaire à la corpulence toujours athlétique, signe qu’il prend toujours soin de son corps.

    C’est sur ces mots empreints de passion que nous le quittons avec ses auditeurs, le temps pour regagner Place Dina, du nom d’un célèbre parachutiste, le capitaine Dina Ndiaye décédé en 2004 au Libéria. Deux maquettes d’avion, la Fokker F27 et la Casa C-200 pour l’entraînement au sol sont installées dans les lieux.

    Sur place, l’adjudant Mamadou Diaw, instructeur en équipée, explique minutieusement aux jeunes recrues, l’équipement et les différents systèmes de déploiement des parachutes.

    Dans un discours bien huilé, forgé par plusieurs années de pratique, il est revenu largement sur le rôle du harnais, du parachute principal et de secours, de la cordelette d’extraction, du conteneur, du casque, des lunettes de protection, de la combinaison de saut, des bottes, de l’altimètre, du système de flottaison, des gants et des poignées de commande.

    Non loin de nous, le major Assane Diop, président des anciens parachutistes, observe la séance avec nostalgie. Instructeur chef issu de la deuxième promotion des moniteurs de para commando du Sénégal, formé au Togo et surnommé “Dialtaabé”, a consacré la grande partie de sa vie à ce bataillon qu’il chérit toujours.

    ‘’Ça me manque. Tout à l’heure, je suis allé là-bas pour lui dire de me plier mon parachute. Moi, j’avais le numéro 3. J’étais ici le moniteur en chef des parachutistes. Beaucoup d’anciens me connaissent’’, se remémore cet ancien parachutiste qui a participé aux plus grands faits d’arme de cette unité d’élite.

    ‘’J’ai participé à plusieurs missions, au Sénégal et à l’étranger, dont Fodékaba 2 et la Guinée-Bissau, d’abord en tant que soldat et ensuite comme chef de section. Mais pour rien au monde je ne reviendrais sur ce que j’ai fait, encore moins ce que j’ai vu là-bas car on nous a inculqué des valeurs qu’on applique à vie, même dans la vie civile’’, ajoute-t-il.

    Il s’est permis tout de même de revenir sur son premier saut. ‘’Ça, c’est impressionnant. C’est très impressionnant. Le fait de quitter la porte de l’avion et aller au sol, il y a trois secondes que vous êtes entre la mort et la vie. Mais dès que tu réussis ce premier saut-là, vraiment, durant toute la formation, tu vas faire ça’’, s’est réjoui le major, le sourire aux lèvres.

    La discussion est écourtée par le guide du jour. Toujours aux aguets par rapport au timing et à la programmation millimétrée du jour. Il demande respectueusement de regagner la salle de formation pour suivre une présentation sommaire sur l’historique de ce bataillon. C’est le sous-lieutenant Youssouf Diédhiou qui se chargera de cette tâche.

    C’est en 1959, informe-t-il, que fut créée la première unité parachutiste à l’époque basée au camp Lat Dior. En 1962, l’unité devient un groupement paras avec deux compagnies et rejoint le camp Marchand en 1963, puis le camp Xavier Lelong à Rufisque en 1963, avant de s’installer en 1965 au camp Thiaroye, ajoute-t-il.

    A l’en croire, c’est en 1981 que le groupement paras est érigé en bataillon avec deux compagnies et une de commandement auxquelles se sont ajoutées deux autres à savoir la troisième en 1984 et la quatrième en 2022.

    Fils de Ngalandou Diouf, ancien député noir de la colonie du Sénégal, Mouhamed Moustapha Diouf, est passé à la postérité pour avoir été est le premier parachutiste sénégalais à avoir effectué un saut le 19 avril 1984. Tandis que chez les femmes, c’est l’élève médecin Maty Diagne qui a effectué le premier saut le 6 avril 1985, renseigne le sous-lieutenant Youssouf Diédhiou.

    Beaucoup suer pour épargner beaucoup de sang

    ‘’Cette unité de réserve peut être sollicitée également pour affronter l’ennemi à l’extérieur du territoire si nécessaire pour mieux préserver la vie des populations’’, a-t-il poursuivi, en s’attardant sur les différentes missions assignées à ce corps d’élite.

    De manière plus spécifique, le bataillon peut aller à la conquête d’une tête de pont, attaquer un point d’intérêt stratégique, contrôler une zone visant la paralysie d’une fraction de l’ennemi, s’emparer d’un point important ou encore combattre dans les arrières de l’ennemi, précise-t-il.

    La visite tendant vers sa fin, l’officier de permanence nous propose une visite guidée du camp et de ses installations.

    A notre sortie de la salle nous apercevons, non loin de la section d’entretien et de pliage des parachutes, cette fois-ci à la tour de synthèse, le capitaine Kambaye dont la voix porte encore, donnant des cours de simulation d’atterrissage à ses élèves, toujours avec la même énergie.

    A pied, nous effectuons un long périple qui nous mène tour à tour au Centre d’entraînement des troupes aéroportés, célibatairium des sous-officiers, le camp des mariés, le domicile du chef de corps, la salle de musculation, le réfectoire, le parking des engins d’intervention et le fameux parcours d’obstacle situé à l’autre bout du camp.

    ‘’Une épreuve physique représentant des situations susceptibles d’être rencontrées sur le terrain où il faut beaucoup suer pour épargner beaucoup de sang’’, fait remarquer l’adjudant Jean-Marie Huchard que l’on retrouve encore à nouveau, cette fois-ci à côté de soldats enrôlés pour la formation en qualification d’arme.

    C’est sous un soleil chauffant au zénith que les recrues se lancent un par un à l’assaut de ce parcours dit du combattant qui s’étend sur 500 mètres répartis en 20 obstacles.

    ‘’Il y a trois sortes de catégories d’obstacles qui sont les obstacles en hauteur, en ras et en profondeur’’, nous fait-il savoir. Il cite entre autres obstacles, l’échelle de corde, les poutres jumelées, ramping, l’espalier la poutre d’équilibre, l’échelle de rail, les poutres jumelées dessus-dessus et la table irlandaise, sans quitter de l’œil les coureurs.

    On ne pouvait pas espérer mieux que cette épreuve d’extrême péril pour clôturer en beauté cette première journée d’immersion dans ce corps d’élite méconnu de l’intérieur.

    Toujours avec le même calme olympien l’officier de permanence nous conduit au poste de commandement, à la demande du commandant chef de bataillon qui nous invite par la même occasion à assister, au deuxième saut des auditeurs de la septième promotion d’élèves instructeurs, moniteurs et chuteurs, prévue demain.

    Avant tout, l’équipement de sécurité du para et la météo

    Le rendez-vous est fixé à 6h30 à la base militaire de Ouakam où l’avion va décoller avant de larguer tous les éléments au-dessus de Kaniak, le site d’atterrissage situé au Lac Rose.

    Comme convenu, nous arrivons dès l’aube au tarmac de la base aérienne de Ouakam où nous attendaient déjà les d’élèves instructeurs, moniteurs et chuteurs et leurs moniteurs, tous équipés et prêts à faire le grand saut dans le vide.

    Après de brèves salutations, on nous enfile des parachutes de secours. Un dispositif composé d’un harnais ajusté à l’aide de sangles encadrant le torse et les cuisses. D’une main experte, le chef des opérations dénommé “Etincelle” vérifie et revérifie les harnais, avant de nous donner les consignes de base.

    Le ciel quant à lui, s’étend clair et limpide, sans nuages menaçants, d’un bleu qui semble se fondre à l’infini. Le soleil levant enveloppe la scène d’une lumière douce et dorée, réchauffant juste assez la fraîcheur de l’altitude.

    Tout autour de nous, l’air est calme, presque immobile, avec un vent léger qui caresse le greffage de ma collègue. Enlevez votre greffage madame pour éviter qu’il ne s’accroche quelque part, lui rétorque un des instructeurs. Elle s’exécute aussitôt faisant découvrir par la même occasion ses belles tresses traditionnelles.

    Au sol, l’atmosphère est sereine. Les auditeurs répètent en attendant le bulletin météo, les gestes précis qu’ils ont exécutés des centaines de fois à l’entrainement. Chacun rejoue la scène dans sa tête. Soudain, l’ordre d’embarquer retentit et les parachutistes se mettent en mouvement suivant un ordre bien déterminé vers la direction de l’avion.

    Deux instructeurs positionnés devant la porte de l’avion “Casa 221”, parcourent à nouveaux tous les parachutes, pour une énième vérification, donnant après chaque contrôle, une tape sur l’épaule du soldat, lui confirmant que tout est en ordre.

    A l’intérieur de l’avion, l’air est saturé d’adrénaline. La lumière est tamisée et le grondement sourd des turbines de l’avion qui s’éloigne dans le ciel, hurle dans nos oreilles. 

    ‘’On n’a pas voulu vous le dire pour ne pas vous effrayer, mais vous allez sauter avec nous nous’’, nous dit à haute voix un des instructeurs, pour nous charrier, sous le regard amusé de ses camarades.

    Quelques minutes plus tard, la porte de l’avion s’ouvre à 1200 mètres d’altitude. L’air frais nous frappe le visage avec une force plus appuyée. Loin en dessous de nous, défile lentement un paysage presque irréel avec en toile de fond défilant, la banlieue de Dakar, la nouvelle ville de Diamniadio et les belles plages jonchant tout le long de la partie Atlantique menant vers Kayar.

    A genou devant ce vide hypnotique, l’instructeur scrute le sol, la tête penchée, guidant à vue le pilote vers le point de saut par un gestuel relayé au micro par son assistant.

    Tout d’un coup, il se met debout, toujours près de la porte béante et fait signe aux auditeurs de se rapprocher. Il effectue un dernier check rapide avant de leur demander de se mettre en position.

    S’éloignant un peu de leur passage, il crie GO ! C’est le signal qu’ils attendaient tous. Sans aucune hésitation, les trente-trois élèves de la septième promotion d’élèves instructeurs, moniteurs et chuteurs se jettent, un par un, dans le vide, à intervalle régulière.

    Après cet instant quasi irréel, la porte se ferme et l’avion s’éloigne au loin, cette fois-ci à 2000 m afin de permettre aux six instructeurs qui les accompagnaient, d’effectuer une sortie libre par la rampe.

    Mais au moment où l’arrière de l’avion s’ouvre, notre curiosité est attirée par les bruits de voix qui s’élèvent de plus en plus au-devant de l’avion. De loin, on aperçoit debout, les six moniteurs en plein discussion pour calmer un des leurs, apparemment frustré.

    Le capitaine Kambaye se rapproche d’eux pour s’enquérir de la situation. Une petite défaillance est décelée sur son équipement. ‘’Tu ne peux pas sauter ainsi. Il faut attendre la prochaine sortie’’, lui dit-il d’un ton ferme.

    Visiblement non content de son sort, le soldat regagne sa place et s’assoie. Le casque posé sur ses genoux, il regarde impuissant la rampe qui se referme lentement après le départ de ses frères d’arme de l’avion, restant ainsi silencieux et figé durant tout le retour.

    ’’Je comprends sa frustration, dit-il. Aucun para n’aime sortir de l’avion après l’atterrissage. C’est ce que nous détestons tous.’’

    ‘’Mais l’œil de l’ancien voit tout. Donc l’aspect sécuritaire, je veille beaucoup sur ça. C’est une passion pour moi. C’est la raison pour laquelle actuellement, je ne fais que suivre les moniteurs à l’instruction, la pédagogie et surtout l’aspect sécuritaire’’, nous explique ainsi Baba Moussa, à notre descente de l’avion marquant la fin de cette immersion.

    MK/SMD/ASB