Diourbel, 5 avr (APS) – La vague de chaleur qui sévit ces derniers jours dans la ville de Diourbel (centre), coïncidant avec le jeûne du mois de ramadan pour les musulmans, a fini de bouleverser les habitudes au travail des habitants de la capitale du Baol, obligeant ces derniers à éviter la rue en restant dans leurs maisons ou lieux de travail, surtout en mi-journée.
Au centre ville peu après 14 heures, c’est le calme plat. Les rares personnes qui s’aventurent dans les rues et ruelles, sont les conducteurs de motos »Jakarta » et les vendeurs de fruits installés aux abords des routes de la commune de Diourbel.
En cette journée de vendredi, dernier du mois de ramadan, sous un soleil au zénith, le thermomètre affiche 40°C à l’ombre.
Khadija Kane, femme au foyer dit qu’elle a changé ses habitudes de femme de ménage face à la forte canicule qui sévit à Diourbel ces derniers jours. »Ma nouvelle stratégie pour évacuer les tâches ménagères, consiste à anticiper, les préparatifs du diner dès le petit matin et attendre après la rupture du jeune, pour finir le travail », a-t-elle expliqué, relevant qu’ elle »ne peut jeûner tout en continuant à exécuter à la maison, les tâches ménagères tout au long de la journée, sous un chaud soleil ».
»C’est la raison pour laquelle, j’ai adopté cette approche pour m’en sortir », a-t-elle soutenu, avançant que »la forte canicule enregistrée ces derniers jours fait qu’il est extrêmement difficile de coupler le jeûne aux tâches ménagères ».
Revenant du marché »Ndoumbé Diop », le plus grand de la commune de Diourbel, elle dit être épuisée par la chaleur et les courses, qu’elle vient d’effectuer au marché, pour préparer les repas de la rupture du jeûne ++ndogou++, et du soir.
Agée d’une trentenaire d’années et vêtue d’une tenue »Jallaba », la tête recouverte d’un foulard multicolore, elle ajoute: »cette forte canicule en plus de pousser les personnes a adopté de nouvelles habitudes au travail, n’est pas sans conséquence pour les personnes âgées ».
« Chez moi par exemple, déclare-t-elle, nous avons installé un climatiseur dans la chambre de ma grand-mère, pour la protéger de la chaleur ».
Au marché »Ndoumbé Diop », sous l’effet de la chaleur, les commerçants se sont retranchés dans leurs magasins et autres lieux de commerce tout en continuant de servir leur clientèle qui se fait désirer à cette heure de la mi-journée.
Du côté des conducteurs de motos »Jakarta », le business également est bien au ralenti ces jours, surtout à la mi-journée. Ces acteurs du sous secteur du transport en commun peinent, à trouver des clients à transporter, à cause de la chaleur qui règne dans la capitale du Baol.
Bassirou, un jeune conducteur de Jakarta confie que leur business est au ralenti avec la canicule. « Vous savez beaucoup de personnes préfèrent rester chez elles, à cause de la canicule surtout si elles n’ont pas de courses urgentes », a-t-il expliqué.
»Si nos clients se font désirer, c’est vraiment à cause de la chaleur’, a-t-il réitéré, espérant que le climat soit clément dans les jours à venir, pour permettre à nos clients de reprendre normalement leurs activités, surtout avec l’approche de la korité.
»Les moments des fêtes sont de rares occasions où le business marche bien », a dit le jeune conducteur qui dit garder espoir d’une reprise normale de leur travail, dans les prochains jours.
Kafountine, 4 avr (APS) – Kafountine, dans le département de Bignona (sud), abrite un des plus importants quais de pêche du Sénégal, mais avec la particularité que les femmes transformatrices de produits halieutiques utilisent une quantité énorme de bois pour le fumage du poisson, faisant peser une menace sur les réserves forestières de cette commune et d’autres localités de la région de Ziguinchor où l’exploitation du bois d’œuvre est interdite depuis 1991.
Selon un document officiel, 60.560 tonnes de produits halieutiques ont été débarquées en 2023, au quai de pêche de Kafountine, pour une valeur commerciale de 23 milliards 860 millions de francs CFA. La pêche artisanale locale, dotée d’une flotte de 1001 pirogues, emploie plus de dix mille acteurs : pêcheurs, mareyeurs, transformatrices de poisson.
Cette position importante dans le secteur de la pêche a fait de cette collectivité territoriale de l’arrondissement de Kataba 1, une destination privilégiée de divers acteurs évoluant dans la filière pêche. Parmi eux, plus de 2.800 femmes gagnent durement leur vie sur le principal site de fumage de Kafountine, implanté sur plusieurs hectares, non loin du quai de pêche.
Mais bien qu’étant une des principales activités génératrices de revenus des femmes, le fumage du poisson est resté archaïque et rudimentaire à Kafountine avec une forte dépendance vis-à-vis des ressources ligneuses.
Généralement, le fumage traditionnel consiste à saler, sécher et fumer les poissons dans des fours alimentés avec du bois de chauffage, sous une température comprise entre 60 et 120°C.
A Kafountine, la dépendance du fumage du poisson des ressources ligneuses, a favorisé la coupe clandestine de bois dans les réserves forestières de Kafountine et d’autres localités de la région de Ziguinchor où l’exploitation du bois d’œuvre est interdite depuis 1991.
»Une étude menée par l’ONG Enda Energie révèle que les fours traditionnels utilisés pour le fumage du poisson à Kafountine consomment au moins plus de 70 tonnes de bois par jour », indique David Diatta, le maire de la commune de Kafountine.
2840 stères de bois de chauffage transportés en 2023
Le site de fumage du poisson de Kafountine a reçu en 2023, quelque 2840 stères de bois de chauffage pour assurer un fonctionnement correct des fours traditionnels, indique l’inspecteur régional des eaux et forêts de Ziguinchor, le lieutenant-colonel El Hadji Malick Dione.
»En 2023, nous avons transporté à Kafountine 2. 840 stères de bois de chauffage, pour satisfaire les besoins du fumage », a-t-il précisé. Ces stères de bois avaient été saisis par le sous-secteur des eaux et forêts de Diouloulou, dans le département de Bignona.
L’inspecteur régional des eaux et forêts appelle à revoir les méthodes archaïques de fumage du poisson à Kafountine. »Elles consomment beaucoup de bois. Donc, il serait beaucoup plus indiqué qu’on change d’approche en essayant de mettre en place des vieux fours traditionnels, des fourneaux +jambar+ moins dépendants en bois », a-t-il préconisé.
Le lieutenant-colonel El Hadji Malick Dione rappelle qu’à l’époque, les gens s’approvisionnaient en bois de chauffage à partir de la forêt de Kafountine. »Maintenant que la ressource se fait rare là-bas dans cette forêt, a-t-il poursuivi, les gens se déplacent de plus en plus loin, vers Kataba 1 et Djignaki, pour chercher du bois afin de satisfaire la demande pressante de la filière locale de transformation du poisson. »
Ce matin, au grand site de fumage de Kafountine, de la fumée s’échappe des fours traditionnels, signe d’une grande activité. Ces fours appartiennent, pour l’essentiel, à des femmes transformatrices de produits halieutiques originaires du Sénégal et de pays de la sous-région, comme la Guinée, le Burkina Faso, le Mali, et le Ghana, entre autres.
Plus de 500 mille francs pour l’achat de bois de chauffage
Agée d’une cinquantaine d’années, Siré Diabang, vice-présidente d’un Groupement d’intérêt économique (GIE), fait partie des milliers de femmes qui gagnent leur vie sur le principal site de fumage du poisson de Kafountine.
»Nous dépensons, dans le cadre de nos activités de fumage, jusqu’à 500 mille francs CFA pour acheter du bois de chauffage. Le fumage, c’est un travail très minutieux qui demande beaucoup de courage », fait-elle remarquer.
»Très tôt le matin, nous allons au quai de pêche, pour acheter du poisson frais. Nous revenons ensuite au site de fumage pour enlever les écailles et nettoyer les poissons avec de l’eau, avant de démarrer le processus de salage, séchage et fumage », explique-t-elle. Elle se félicite de la quantité de poisson fumé quotidiennement par leur GIE.
La transformatrice précise que son groupement arrive à fumer 100 kilogrammes de poissons »kong » (mâchoiron ou poisson chat) et une tonne de »yabooy » (sardinelle) par jour. Toutefois, ce volume est fonction »de la disponibilité des ressources halieutiques sur le marché », déclare-t-elle.
Elle indique que les femmes travaillent juste pour subvenir à leurs besoins et éviter de quémander dans la rue.
Méthodes archaïques
Le principal site de transformation des produits halieutiques de Kafountine est équipé de fours traditionnels conçus à l’aide de fûts métalliques et de grillages. Créé en 1996, ce site résiste encore à la modernité.
Plusieurs couloirs y sont aménagés pour faciliter la mobilité des clients et des visiteurs au milieu des installations. Ici, des femmes travaillent sans aucune protection pour trier, nettoyer, découper, plier et essorer le poisson, avant son fumage.
D’origine guinéenne, Tady Aïdara, aidée de son équipe, travaille dans ce décor envahi par une épaisse couche de fumée et l’odeur de poisson.
»A la recherche d’un travail, j’ai quitté mon pays pour Kafountine où je travaille dans la transformation de produits halieutiques pour gagner ma vie et investir chez moi », explique la jeune dame.
Vêtue d’un grand boubou, la tête recouverte d’un foulard multicolore et visiblement fatiguée, Tady Aïdara signale qu’elle a rencontré à Kafountine, des centaines de Guinéens travaillant dans le fumage du poisson.
Dans son magasin d’exposition situé juste à l’entrée du site de fumage, Ardiana Coly, une transformatrice, a l’air bien occupée. Le pagne bien noué autour des reins, une sacoche en bandoulière, elle présente ses produits halieutiques transformés. Des produits bien emballés qui attirent dès le premier regard.
‘’Ici, il y a du poisson fumé, +guedji+, des crevettes séchés, moules braisées fumées, +kong+ braises fulés, +yet+, toupha sèche et +yokhoss+ fumés secs’’, énumère-t-elle. Elle déclare qu’avec la bénédiction de Dieu, elle arrive à commercialiser ses fruits de mer transformés sur l’étendue du territoire national.
Toutefois, elle déplore »les conditions difficiles » de travail des transformatrices de Kafountine. Ces dernières travaillent au quotidien sous un chaud soleil, dans la fumée et la chaleur des fours archaïques en n’ayant pour seule source principale d’énergie que le bois, devenu de plus en plus très cher sur le marché, déplore Mme Coly, qui dit évoluer dans ce métier depuis dix-neuf ans.
A Kafountine, l’essentiel du dispositif de fumage du poisson est constitué de fours traditionnels, hormis quelques fours modernes acquis grâce à des partenaires.
Nana Abna, originaire du Ghana, dit mener cette activité depuis une vingtaine d’années avec plusieurs de ses compatriotes. Le Ghanéen appelle à améliorer les conditions de travail et les techniques archaïques de fumage du poisson en modernisant le principal site de transformation de Kafountine.
Plus de 2800 femmes originaires de plusieurs pays africains
Kafountine accueille au minimum plus de 2800 femmes organisées en groupements d’intérêt économique (GIE) pour faire prospérer leurs activités et améliorer leurs conditions de vie grâce à la production et la commercialisation des produits fumés, informe le coordonnateur du Conseil local de pêche artisanal (CLPA) de Kafountine, Abdoulaye Demba.
Il appelle l’Etat à moderniser ce site de production pour mettre un terme à l’agression des réserves forestières et à la détérioration de la santé des femmes transformatrices. »Donc, nous appelons les pouvoirs publics à moderniser le site de fumage avec des fours semi-modernes qui dégageront moins de fumée et consommeront moins de bois afin de protéger l’environnement », lance-t-il.
Le coordonnateur du Conseil local de pêche artisanal de Kafountine fait observer que pour transformer une tonne de poisson, il faut au moins une tonne de bois.
Abdoulaye Diédhiou, le chef du service régional des pêches et de la surveillance de Ziguinchor, rappelle que la préoccupation de tout technicien des pêches, »c’est la modernisation des techniques de transformation des produits halieutiques ».
»A Kafountine, nous avons un projet financé par la Banque mondiale qui prévoit la construction d’une unité moderne de fumage avec des fours fonctionnant sans beaucoup de bois, ni beaucoup d’émission de gaz carbonique », signale-t-il. C’est une technique de »fumage à chaud et à froid », complète-t-il.
Plaidoyer pour des fours semi-modernes
Afin de freiner la déforestation, le maire de Kafountine, David Diatta, dit miser sur les foyers améliorés pour réduire la quantité de bois utilisée par jour dans les fours traditionnels du site de fumage de poisson de sa ville.
Il annonce que sa commune envisage d’installer, avec des partenaires, des foyers améliorés sur le quai de pêche, dans le but de réduire la quantité de bois utilisée quotidiennement par les femmes transformatrices de produits halieutiques.
‘’Notre ambition est de faire de Kafountine, une commune sobre en carbone. Nous sommes également en train de voir par quel moyen il faut transformer les impacts des changements climatiques en opportunités’’, déclare-t-il.
Il explique que la politique environnementale de sa commune vise à promouvoir la consommation d’énergie propre en vue de réduire les quantités de bois et de gaz carbonique dégagées à Kafountine.
‘’Nous voulons reverdir Kafountine par des activités de reboisement mais aussi par la promotion d’une consommation d’énergie propre’’, promet David Diatta.
L’inspection régionale des eaux et forêts de Ziguinchor envisage de créer, avec les transporteurs de bois et les femmes transformatrices de Kafountine, ‘’un bois villageois’’ privilégiant des espèces convoitées pour le fumage du poissons, selon l’inspecteur régional El Hadj Malick Dione.
Le service des eaux et forêts, relève-t-il, est confronté dans la région de Ziguinchor à des défis, dont le trafic de bois et la dégradation des réserves forestières, causée par la coupe abusive du bois.
Il salue l’appui de l’armée aux côtés du service forestier pour installer la peur chez les coupeurs et trafiquants de bois.
M. Dione salue également la détermination des agents des eaux et forêts à mettre fin au trafic de bois dans la région, à travers la traque des délinquants.
Il arrive selon lui que des exploitants clandestins coupent et acheminent de manière frauduleuse du bois vers la commune de Kafountine.
‘’C’est un problème que nous tentons de régler avec l’armée. Nous travaillons pour juguler ce problème extrêmement compliqué. Nous essayons aussi de traquer ces coupeurs clandestins pour les mettre hors d’état de nuire et faisons tout pour limiter ce problème majeur’’, rassure le lieutenant-colonel El Hadji Malick Dione.
+++Par Amadou Baba Ba, envoyé spécial à Ndiaganiao+++
Ndiaye-Ndiaye, 29 mars (APS) – L’accession de Bassirou Diomaye Faye à la magistrature suprême est tout sauf une surprise pour les habitants de Ndiaye-Ndiaye, qui avaient déjà tracé un destin prodigieux à ‘’l’honorable’’ fils prodige.
Pour beaucoup, l’élection de Bassirou Diomaye Faye comme cinquième président de la République du Sénégal, dès le premier tour, tient du miracle en raison notamment des vents contraires qui soufflaient pour freiner l’accomplissement de cette ambition, le 24 mars.
Dix jours plus tôt, il dormait encore en prison. Alors, lorsque les premières tendances le créditent d’une victoire dès le premier tour, ses partisans peinent à y croire, estimant sans doute qu’une telle perspective s’avérait trop beau pour être vrai.
Sauf pour les habitants de Ndiaye-Ndiaye, un village de la commune rurale de Ndiaganiao, située à 105 kilomètres de Dakar, qui ont vu naître Bassirou Diomaye Faye.
Pour la petite histoire, le tout nouveau chef de l’État du Sénégal a soufflé sa 44e bougie le lendemain du scrutin.
Un miracle, ce succès ? Que non, pour les Ndiaganiaois. Pour eux, l’explication est toute simple : à enfant prodige, destin prodigieux. Diomaye ne signifie-t-il pas ‘’L’Honorable’’ en langue sereer ?
Le baobab, arbre tutélaire de Ndiaganiao, village d’origine du nouveau chef de l’Etat
Garçon bien né
A l’école comme dans la vie de tous les jours, Bassirou Domaye Diakhar Faye, son nom complet, a toujours fait preuve d’honorabilité. Ce qui lui a valu tableaux d’honneur et éloges fervents de tous les habitants du village tant le jeune garçon est d’un comportement irréprochable.
De l’élémentaire à l’école du village au CEM, à Mbour, à 32 kilomètres de là, Diomaye a toujours été parmi les premiers de sa classe. A part une admission au Bac dès le premier tour, sans la mention qu’il convoitait, il a toujours fait la course en tête jusqu’à l’obtention de sa Maîtrise en Droit et son admission à l’ENA, l’Ecole nationale d’administration. Il en sort inspecteur principal des Impôts.
Mor Sarr, son camarade de classe en 6e se souvient : ‘’Diomaye était un élève brillant et calme, qui donnait les bonnes réponses aux questions des professeurs. Il était très fort en français. J’étais plus attiré par les mathématiques, la seule matière où je parvenais dès fois à le dépasser’’.
Nous sommes en 1992-1993, les deux collégiens viennent du même village et naturellement une certaine proximité se crée entre eux. Elle sera renforcée par le sain désir du petit Diomaye d’exceller dans toutes les matières. ‘’J’étais bon dans les matières dites scientifiques et lui dans celles littéraires’’, rappelle Mor Sarr.
Diomaye se rapproche davantage de Mor, qui l’aide, après les heures de cours, à déchiffrer les équations mathématiques que leur posait leur professeur. ‘’Cela nous a rapproché’’.
De cette soif de savoir naîtra une amitié qui résiste au temps, la conscience politique s’y étant greffée. Mor est d’ailleurs le responsable local de PASTEF, la formation de Diomaye.
Entre le président Diomaye et le responsable départemental de PASTEF, Mor Sarr, une amitié de plus de 30 ans.
Village le plus célèbre du Sénégal
Dans leur quartier général, un grand local en dur au toit en tôle ondulée, au cœur de Ndiaganiao, les vestiges de la campagne électorale sont toujours visibles : des chaises utilisées lors des meetings, des affiches à l’effigie du président élu et à celle d’Ousmane Sonko, son mentor politique.
Quelques militants, bracelets aux couleurs du parti au poignet, jettent des yeux distraits sur un téléviseur qui diffuse le journal de 12 heures. Dans le siège local de PASTEF, des journalistes, étrangers et sénégalais, d’ailleurs plus nombreux que les militants, ce jour-là, s’impatientent.
Comme le président Léopold Senghor pour Joal et Djilor, Diomaye Faye, plus jeune président du Sénégal, a réussi à mettre Ndiaganiao et Ndiaye Ndiaye sur la mappe. Il est devenu le village le plus célèbre du pays. De partout, Mor Sarr reçoit des sollicitations des médias qui pour une interview qui pour être accompagnés à la maison familiale du nouveau président sénégalais.
Pour arriver sur les lieux, il faut passer par des ruelles sablonneuses jonchées pour certaines d’excréments d’ânes et de chevaux.
Ndiaye Ndiaye, la bourgade natale
Sise à Ndiaye Ndiaye, bourgade paisible de Ndiaganiao, cette concession modeste à la cour spacieuse, est, ce jour-là, le lieu de ralliement de notables du village, des parents et de visiteurs.
Installés sur des chaises en plastique, disposés en demi-cercle, sur une vaste véranda, ils sont parés de leurs plus beaux caftans.
Tous ont vu grandir Diomaye, avoir d’excellents résultats à l’école et montrer une ardeur et une ingéniosité dans les travaux champêtres pendant les vacances scolaires.
Solane Diouf, fait partie des notables du village. Il dit : ‘’Je suis un voisin mais je fais partie de la famille depuis très longtemps, des gens dignes, et Diomaye est quelqu’un de bien éduqué, à qui ses parents ont inculqué des valeurs fortes, qui ont développé en lui un leadership précoce’’.
Un grand poster à son effigie trône sur un mur, derrière son père assis sur sa chaise, élégant, le châle assorti à son fez. Samba Ndiagne Faye, malgré l’âge avancé et les nombreuses interviews sans prise de rendez-vous se prête gentiment au jeu. Son épouse, elle, à la santé fragile, préfère se reposer dans sa chambre.
Samba Ndiagne Faye, ne tarit pas d’eloges sur son fils de président, a qui ses parents ont inculque des valeurs cardinales.
‘’Diomaye a toujours été un enfant calme, poli et obéissant à ses parents et à ses aînés tant qu’il s’agisse d’agir en droite ligne des valeurs de droiture, de justice, d’équité que je lui ai inculquées’’, témoigne-t-il d’une voix posée. ‘’C’est pour cela que je n’ai jamais levé la main sur lui’’, dit-il.
‘’Thiapathioly’’
Une chose de rare sous nos cieux, que lui envieraient nombre d’enfants. Car, à une certaine époque, la chicotte, les gifles ou les fessées faisaient partie intégrante de l’éducation. Qui aime bien, châtie bien, dit-on. Mais Diomaye est un jeune premier qui ne se permet aucun écart de conduite, un ‘’thiapathioly’’ comme on dit en wolof.
‘’Du temps où il était écolier, après ses cours, c’est lui qui partait chercher des fagots de bois pour sa mère, lavait la vaisselle, pilait pour elle le mil et les graines ; bref, il s’adonnait à toutes les tâches dévolues aux filles dans nos contrées’’, se souvient Abdoulaye Diouf, ce sexagénaire, tirant de grosses bouffées de sa pipe.
Pour Abdoulaye Diouf ,qui a vu grandir le jeune président, l’accession de Diomaye a la magistrature est un mérite gagne au prix de service rendus a sa mère, Khady Diouf
‘’Dieu l’a gratifié pour services rendus à sa mère ’’, dit-il fièrement, avant d’ajouter : ‘’Autre chose que je peux dire de ce garçon : personne – ni même son père, ni sa mère- ne peut le dévier de la droiture’’.
Son père, justement, avoue qu’il ne l’a jamais ‘’vu être mêlé à une bagarre, ce qui est courant entre enfants à bas-âge.’’
‘’Vous pouvez demander au hasard aux habitants du village. Ils te diront la même chose’’, soutient-il. Djodie Diéry Faye, qui a joué avec Diomaye enfant, confirme. ‘’On attelait ensemble les chevaux de nos parents pour aller aux champs, en compagnie de ses frères Abdou Aziz et Mansour. On devait avoir 13-14 ans, mais jamais, il n’a eu le moindre accrochage avec quiconque’’.
Plus âgé que lui de deux ans, Djodie Diery est aux anges lorsqu’il se représente son camarade de jeu devenu président de la République du Sénégal.
Témoin privilégié d’un évènement historique
Il se considère comme un privilégié pour être témoin de cet évènement historique. Quand il évoque ce soir du 24 mars 2024, il a des étoiles dans les yeux, comme s’il n’était pas toujours revenu de son euphorie.
Djodie Diery espère vivre assez longtemps pour voir Diomaye réaliser de grands desseins pour le pays. ‘’Avec lui, le Sénégal vivra une période faste, connaîtra un réel développement, et la CEDEAO se réconciliera avec ses habitants’’, pense savoir cet ancien globe-trotter, passé par plusieurs pays de la région ouest-africaine.
Fortes attentes
Sur les questions internationales comme sur les priorités nationales, les attentes des habitants de Ndiaganiao sont nombreuses envers leur président.
Tenning Ndour, la cinquantaine, est femme au foyer. Sous le chaud soleil de midi, elle discute avec son fils adolescent, attendant que leur charrette, principal moyen de transport ici, soit attelée.
Il était revenu voter, mais s’apprête à retourner à Kayar où il exerce de petits boulots. Elle espère que le nouveau chef de l’Etat trouvera une solution afin que ‘’nos enfants ne quittent plus nos terroirs et prennent le chemin de la migration irrégulière’’.
A voir le nombre de groupes de jeunes et de moins jeunes massés à l’ombre des arbres, devisant et buvant du thé, l’oisiveté fille d’un chômage endémique, semble être leur lot quotidien.
Dans cette commune rurale défavorisée, mais avec un réel potentiel agricole, seuls six des trente-sept villages qui la composent sont électrifiés, renseigne Mor Sarr de PASTEF. L’eau courante est toujours un luxe. Il en était ainsi lorsque Diomaye Faye était encore élève. Ndiaganiao ne dispose toujours pas d’hôpital, juste un dispensaire. Heureusement que Diomaye est là. L’énarque y organise souvent des journées de consultation médicale gratuite. Il a offert une ambulance au village. ‘’Ses actions caritatives sont nombreuses’’, soutient-on ici, rappelant que leurs doléances sont connues de leur président.
Commune rurale défavorisée, Ndiaganiao, désormais village le plus célèbre du pays, les charrettes constituent le moyen de transport privilégie des habitants
L’une des attentes de Fatou Sène, la quarantaine, réside dans la construction d’une route praticable. Elle qui effectue de fréquents aller-retours entre Gossas, où elle est originaire, et Ndiganiao où elle mène sa vie d’épouse, sait de quoi elle parle. La piste allant du croisement de Sandiara à Ndiaganio n’est sans doute pas meilleure.
Des travaux sont en train d’y être effectués. Ils seront sûrement accélérés, maintenant qu’un fils de Ndiaganiao est à la tête de l’Etat. Rien que pour l’image du Sénégal, il ne serait pas bien vu que la route menant au domicile familial du président soit truffée de nids de poule et de crevasses.
‘’Diomaye relèvera le défi’’
Malgré ‘’la vie chère, le manque d’eau et toutes les difficultés’’ qui affectent leur contrée et au-delà, le pays entier, Anta Dione, paysanne, et tous les Niaganiaois, n’ont pas de doute que le fils du terroir relèvera ces défis et bien d’autres. ‘’C’est une personne bien, de grand cœur et qui sait d’où il vient’’, soutiennent-ils en chœur.
»Je sais que le président Diomaye relèvera les défis qui se présenteront a lui » dit son oncle et homonyme.
Diomaye Diakhar Faye est l’homonyme du président, frère cadet de son papa. Il n’est pas adepte d’un optimisme béat.
Avec la distance axiologique caractéristique du monde académique, il sait que la fonction présidentielle n’est pas une sinécure.
Diomaye sait d’où il vient
‘’En tant que politologue, je saisis la pleine mesure de cette noble et lourde charge, parce que je connais la réalité du Sénégal. Pendant ces 24 dernières années, le comportement de certaines personnes qui représentent les institutions a bien terni l’image du pays. La corruption s’est presque sclérosée. Et si dans un pays, les mauvaises pratiques politiques se perpétuent pendant des années, presque pendant une génération, elles deviennent comme normales et finissent par faire partie plus ou moins des mœurs’’, analyse-t-il.
Aussi, ‘’voir (son) fils se retrouver dans cette situation compliquée et pour laquelle le peuple lui fait confiance afin d’apporter les corrections idoines’’ lui procure à la fois ‘’fierté’’ et ‘‘prudence’’.
Toutefois, dit-il, ‘’il sait plus que quiconque qu’il ne peut y avoir de développement industriel et économique sans passer par le secteur primaire. Sa culture de fils de paysan est certainement l’une des raisons pour lesquelles la question de l’agriculture est aussi importante pour lui. De plus, il est allergique à l’injustice et est très généreux avec les personnes démunies. C’est une personne avec beaucoup de qualités’’.
‘’Tout ça peut être compliqué, mais je sais que Diomaye peut relever le défi’’, ajoute-il.
En attendant, son élection a créé une réelle émulation auprès des écoliers et collégiens qui reviennent de l’école primaire où le chef de l’Etat élu a étudié. Enfants d’ouvriers, de paysans, qui n’ont pas les bras assez longs pour bénéficier de pistons et autres passe-droits, ils savent désormais que ‘’tout est possible à force d’y croire, poussés par une forte abnégation’’, comme le dit avec détermination Astou Dione, élève en Seconde L.
Mansour, lui est un neveu du président. Il est le fils du grand frère de ce dernier. A la question de savoir ce qu’il aimerait faire plus tard, quand il sera grand, la réponse est toute trouvée : ‘’président de la République’’.
Kaolack, 24 mars (APS) – A quelques heures du démarrage du scrutin à l’occasion de l’élection présidentielle de ce dimanche, des Kaolackois ont appelé, samedi, au calme pour que ces joutes électorales se tiennent dans un climat paisible et calme, exprimant leurs attentes du prochain président de la République et son gouvernement.
Ce 24 mars représente un ‘’moment crucial’’ dans l’évolution de l’histoire du Sénégal, car le pays va voter pour son cinquième président, ont indiqué la plupart d’entre eux. Au marché de la cité religieuse de Médina Baye, la discussion politique autour de l’élection présidentielle occupe une place prépondérante dans les débats. Des commerçants, marchands ambulants, mécaniciens, les bouchers et autres artisans s’y intéressent tous.
‘’J’appelle tout le monde au calme. Je souhaite que l’élection se passe dans un climat de paix. Le Sénégal n’est qu’un et indivisible, donc faisons preuve de tenue et de retenue’’, a lancé Salimata Tall, une vendeuse se tenant debout devant ses marchandises éparpillées le long du trottoir.
Nar Diagne, la cinquantaine, vendeur de cola, soutient l’idée d’un vote sécurisé. ‘’Chacun a son candidat, mais faisons de sorte qu’il n’y ait aucun débordement. Les autorités doivent veiller à cela, surtout au centre Cheikh-Ibrahima-Niass, qui est le plus grand centre de la région’’ a-t-il plaidé.
Après la rupture de son jeûne, Alioune Badara Gueye, aperçu dans sa boutique bondée de clients compte se rendre à Diourbel pour accomplir son devoir citoyen, nous a-t-il indiqué.
Ndiaga Sow, un primo votant, se dit ‘’extrêmement motivé’’ par l’idée de devoir se rendre aux urnes pour la première fois de sa vie de citoyen. ‘’J’avais une carte nationale d’identité sur laquelle il était mentionné +non votant+ mais j’ai profité de la dernière révision exceptionnelle pour procéder à la modification. Aujourd’hui que tout est rentré dans l’ordre, j’ai envie de voter comme tout le monde’’ s’est-il réjoui.
La jeune écolière Mayé Dawé a, elle, exprimé son désir de voter pour la première fois, soutenant que ‘’le futur président doit être une personne beaucoup plus proche et attentive’’ et »faire tout son possible pour répondre à leurs besoins essentiels’’. ‘’On a vu que l’émigration clandestine a fait des ravages dans notre pays. Nombreux de nos jeunes ont péris dans l’océan Atlantique en tant de rallier l’occident’’ a-t-elle déploré. ‘’Ce qu’on attend le plus du prochain président c’est qu’il réconcilie le pays et essaye de faire de l’emploi des jeunes une réalité’’, a estimé Mayé Dawé.
Mouhamed Barre, un boucher établi au marché de Médina Baye, prévoit de se rendre dans son centre de vote très tôt le matin afin de faire partie des premiers à voter. ‘’Certains se plaignent de la cherté de la viande, mais cela est dû à la hausse des prix de l’aliment qui se manifeste dans la vente des bétails. Donc, le futur président doit simplifier l’achat des produits alimentaires’’, a-t-il fait valoir.
De son côté, Mokhtar Camara, a relevé que ‘’la décentralisation des services et des structures publiques devrait être de mise ». »En se basant sur cela, il est nécessaire de réduire la concentration de tous les services de l’Etat dans la capitale, Dakar’’, a-t-il insisté.
Pikine (Dakar), 14 mars (APS)- Réunies en groupements féminins, les maraîchères de la forêt classée de Mbao mènent à travers leurs activités encadrées par le service des Eaux et forêts du département de Pikine, quatre combats ayant pour but leur autonomisation financière, la sécurité alimentaire de leurs familles et des habitants de Dakar, ainsi que la préservation des sols et de l’environnement de cette aire protégée urbaine confrontée à de multiples convoitises.
Située dans le département de Pikine, cette forêt a été immatriculée en 1908 durant l’ère coloniale avant de faire l’objet de classement, le 7 mai 1940, sur une superficie de 808 hectares.
Elle se trouve administrativement dans la commune de Mbao. Elle est limitrophe aux communes de Keur Massar et Diamaguène Sicap Mbao, depuis la création en 1996 des communes d’arrondissement dans la région de Dakar.
D’une situation de forêt péri-urbaine, cette forêt est progressivement devenue au fil de l’urbanisation de Dakar, une forêt urbaine, un poumon vert, complètement ceinturé par les anciens villages traditionnels de Boune, Darou Misseth et de Médina Kell, situés au sud de Petit Mbao et de Grand Mbao et à l’est par Kamb et Keur Mbaye Fall. A l’ouest, elle est limitée par la Route nationale n°1 et les bretelles de Petit Mbao et Fass Mbao.
Selon le service des Eaux et forêts, son classement vise à préserver son écosystème, sa biodiversité et développer l’activité de maraîchage dans la zone des Niayes, une bande côtière aux caractéristiques biophysiques favorables aux productions maraîchères.
Cette bande côtière allant de Saint-Louis à Dakar sur une distance de 180 kilomètres, abrite en son sein, la forêt classée de Mbao,
Près de 80% de la production de légumes frais du pays vient de la bande des Niayes
Entourée progressivement par des localités en pleine extension disposant de peu de réserves foncières, la forêt classée de Mbao, est de plus en plus confrontée à des convoitises foncières des populations riveraines et des promoteurs immobiliers véreux.
Une situation qui a poussé la direction des Eaux et forêts, à revoir le mode de gestion et de conservation de cette aire protégée, en impliquant les populations des villages environnants, dans le cadre d’un plan d’aménagement forestier, élaboré en 2008.
L’objectif de l’aménagement forestier est de permettre à la société, aux riverains, de bénéficier pleinement de tous les services offerts par l’écosystème de la forêt classée de Mbao, parmi lesquels, la production de bois, le bien-être, la biodiversité, et la prévention de risques naturels.
Dans cette dynamique, le service forestier, a organisé les femmes des localités de Boune, Darou Misseth, Médina Kell, Kamb, Keur Mbaye Fall, Petit Mbao et Fass Mbao, limitrophes à la forêt classée de Mbao, en cinq groupements féminins s’activant principalement autour du maraichage.
Les plus en vue sont : +Ouliikaa+ (essayer en langue Joola)’’, Fass Mbao, et celui de Kamb.
Accompagnés des agents de l’unité de gestion du plan d’aménagement de la forêt classée, sous les ordres, du sous-lieutenant Fatou Gaye, nos convois s’ébranlent dans les entrailles de la forêt où sur notre trajet, on aperçoit plusieurs variétés de plantes cultivées sur des périmètres maraîchers.
On y trouve des oignons, des tomates, des aubergines vertes et mauves, des salades, des choux, etc., et d’autres arbres fruitiers comme le papayer ou encore le cocotier.
Sur notre itinéraire, nous tombons devant un grand hangar, perdu au milieu de la forêt, et clôturé avec du bois mort laissant une porte d’entrée, dans un état défectueux.
Ici se trouve, ‘’Ouliikaa’’, (essayer en Joola)’’, un jardin qui appartient à une association de femmes d’une famille originaire de la Casamance, a dit Bintou Sonko, présidente de ladite association, trouvée sur place.
A l’intérieur, un grand jardin contenant plusieurs variétés de plantes est aménagé sur plusieurs mètres carrés. Un groupe de femmes est au travail, laissant à côté, un enfant entrain de jouer.
Sous l’ombre d’un arbre, des chaises sont positionnées autour d’un pagne étalé à même le sol.
Dans ce groupe de femmes, figure Marième Badiane, une jeune femme âgée d’une trentaine d’années, détentrice d’un master en phytopharmacie et protection des végétaux de l’université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar.
Membre de l’association +Ouliikaa+ elle occupe le poste de secrétaire générale du bureau de cette association..
Chapeau sur la tête, assise à même le sol, cette diplômée, justifie sa présence ici par sa passion pour l’agriculture depuis sa tendre enfance et par le fait qu’elle est sans emploi rémunéré.
Marième Badiane, secrétaire générale de l’association OULIIKAA
‘’ Si je suis là, c’est par amour de cette activité agricole. Au cours de mon enfance, j’accompagnais régulièrement ma tante dans des travaux champêtres. C’est peut-être par-là que m’est venue ma passion de l’agriculture.’’ a-t-elle expliqué, sous une mine radieuse.
‘’Je suis là également parce que je suis sans emploi comme beaucoup de jeunes diplômés en fin d’études ou de formation’’ a-t-elle ajouté.
‘’N’ayant pas pu trouver du travail, j’ai décidé, de revenir à mes premiers amours, pour subvenir à mes besoins tout en participant au développement de mon pays’’ a-t-elle encore confié, soulignant que ce travail occupe presque tout le temps des membres de notre association.
»Ne disposant pas de beaucoup de moyens financiers pour recruter des travailleurs journaliers, nos membres passent beaucoup de temps ici au point de reléguer à un second plan leurs tâches ménagères ’’ a-t-elle expliqué.
La spécialiste en phytopharmacie a souligné qu’elle n’avait aucune connaissance sur les techniques de maraîchage à ses débuts dans l’association.
‘’Mais grâce aux agents des eaux et forêts, j’ai pu améliorer mes connaissances dans ce domaine’’, a-t-elle salué, soulignant qu’elle souhaite à l’avenir bénéficier d’un financement pour se lancer dans l’entrepreneuriat agricole afin de réaliser son vieux rêve de construire une maison pour sa maman.
A côté d’elle, se trouve Fatou Badji, la maman des membres de l’association, âgée d’une soixantaine d’années. Elle est assise sur le sol entrain de désherber un périmètre maraîcher, en présence de ses enfants.
Elle explique avoir appris le maraîchage auprès de sa mère en Casamance, depuis sa tendre enfance avant de regagner plus tard Dakar, après son mariage.
‘’Ici à Dakar, je n’ai pas pu m’empêcher de reprendre le maraîchage, dans la forêt classée de Mbao où je dispose depuis 2007, d’une parcelle, grâce à l’appui de la direction des Eaux et forêts’’, a-t-elle justifié.
Assise par terre, son petit-fils sur ses cuisses, elle dit, se rendre tous les matins à partir de 7 heures, pour arroser ses plantes avec ses enfants.
‘’Nous enlevons également les mauvaises herbes, semer des semences, etc., notre travail ici, consiste aussi à semer des graines ’’, a-t-elle ajouté, précisant que le désherbage précède l’arrosage des plantes.
Elle a souligné qu’elle fait ce travail qui demande beaucoup d’efforts et de la volonté depuis longtemps pour subvenir à ses besoins et ceux de sa famille.
Fatou Badji, membre du groupement OULIIKAA, entrain de désherber son champ
Pour cela, elles écoulent leurs récoltes de légumes au marché Thiaroye de Dakar, a dit Mme Badji, estimant que cette forêt représente aussi un grenier agricole pour la région de Dakar.
Elles gagnent jusqu’à 200 mille francs CFA
Bintou Sonko, une des filles de Fatou Badji et présidente de l’association ++Ouliikaa++, a expliqué de son côté, qu’il arrive qu’elles gagnent sur le marché beaucoup d’argent comme des pertes par saison.
‘’ Mais, il est hors de question pour nous de s’arrêter. On ne peut pas s’arrêter à cause des pertes. Nous continuons de travailler, car c’est notre passion et notre moyen de survie’’, a déclaré Mme Sonko.
Marième Badiane, secrétaire générale de l’association a indiqué qu’avec une production moyenne de 2 tonnes de tomates, elles gagnent, jusqu’à au moins 200 mille francs CFA.
‘’ Avec cet argent, nous prenons en charge nos dépenses d’eau, de transport des légumes, d’engrais, etc., avant de dégager les bénéfices’’, a-t-elle précisé, plaidant pour la réalisation d’un forage dans l’enceinte de la forêt.
Selon, elle, ‘’l’accès difficile à l’eau demeure, un des plus grands soucis des maraîchères de la forêt classée de Mbao’’.
Poursuivant, notre progression dans la forêt, nous franchissons, avec l’équipe du sous-lieutenant Fatou Gaye, le seuil d’un autre jardin érigé sur 1,5 hectare.
Il s’agit d’une parcelle appartenant au groupement des femmes de Fass Mbao, un quartier de la commune de Diamaguène Sicap Mbao.
A l’entrée du jardin, on aperçoit à l’autre bout, un groupe de tisserands franchissant à peine le troisième âge. En torse nu pour certains, ces hommes âgés, confectionnent des tissages artisanaux avec des fils.
Au milieu du jardin, se trouve un grand puits, entouré de planches arrosées laissant dans l’atmosphère une odeur de sol humide.
Marie Mbaye, présidente du groupement, a magnifié l’exemplarité de la collaboration existante entre les groupements de femmes et les agents des Eaux et Forêts de Pikine.
Des membres du groupement des femmes de Fass Mbao
‘’Les agents sont toujours à nos côtés. Ils nous aident dans le cadre de nos activités à acquérir des connaissances techniques agricoles’’, a-t-elle salué.
Grande de taille avec une noirceur d’ébène, Mme Mbaye indique que leur groupement compte 22 femmes appuyées dans leurs activités par des travailleurs journaliers.
Dans le cadre de cette collaboration avec les service forestier de Mbao, il est strictement interdit d’utiliser des engrais chimiques dans les périmètres maraîchers. L’objectif visé à travers cette mesure, est de préserver la nature des sols cultivables et de l’environnement de la forêt classée de Mbao.
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Une agriculture résiliente et écologique
L’union des femmes pour le développement de Kamb
L’union des femmes pour le développement de Kamb, (UFDK), un village limitrophe à la forêt classée de Mbao, en est une parfaite illustration, dans la préservation de l’écosystème de cette aire protégée.
Propriétaire d’un des plus grands jardins aménagés, on y trouve plusieurs variétés d’arbres et cultures.
Sur place, il y a une grande paillote en face de l’entrée du jardin, où plusieurs femmes et hommes sont au travail. Le jardin dispose aussi d’une mini pépinière.
Bineta Wane, présidente de ce groupement, indique que le travail se fait de 7 heures à 10 heures dans la matinée puis le soir, de 17 heures à 19 heures voir jusqu’à 23 heures.
La convivialité entre les membres du groupement, fait que le travail peut aller jusqu’à des heures tardives, a-t-elle relevé.
Elle a rappelé que leur groupement, avait en 2005, comme fond de départ, seulement 6500 FCFA, pour 500 mètres carrés aménagés.
‘’Aujourd’hui, l’UFDK, fait partie des groupements, les plus célèbres de la région de Dakar avec des recettes de l’ordre de 800 mille francs pour 2 hectares aménagés ’’, s’est-elle réjouie, relevant que ses membres, parviennent aujourd’hui à subvenir à leurs besoins grâce au maraichage.
Aujourd’hui, elle dit, regretter son engagement tardif dans cette activité.
‘’Si j’avais commencé un peu plutôt à l’âge de 30 ou 35 ans, aucun de mes enfants, n’aurait souffert autant à l’époque. Mais aujourd’hui grâce à cette activité, j’ai pu accompagner deux d’entre eux à l’école jusqu’à l’obtention du baccalauréat ’’, a-t-elle témoigné, pendant que des femmes arrosent des planches tout en fredonnant quelques chants pour amuser la galerie.
Les femmes du groupement ont offert aux visiteurs du jour, une séance de dégustation de papayes et de cerises vertes et aigres, dans la gaieté.
Le tracé du Brt a participé à améliorer le cadre de vie des populations. Tout le long du parcours, l’espace est soigneusement aménagée. Une innovation bien appréciée par les dakarois.
Saint-Louis, 15 fév (APS) – L’ouverture en 2003 d’un canal de délestage ou brèche à l’embouchure du fleuve Sénégal est à l’origine de profonds bouleversements de l’écosystème marin et de nombreux chavirement mortels de pirogues de pêcheurs, poussant les pouvoirs publics à trouver des solutions, tandis qu’une forme de résilience a vu le jour chez les habitants de l’île de Saint-Louis et de plusieurs villages de la commune de Ndiébène Gandiole, à travers le développement de nouvelles activités socio-économiques.
Ces profonds changements n’ont épargné ni l’aire marine protégée (AMP) de Saint-Louis ni le Parc national de la langue de Barbarie (PNLB). Ces aires protégées sont situées dans l’emprise de l’embouchure, point de rencontre entre le fleuve Sénégal (1750 kms) et l’océan Atlantique, à l’extrémité sud de la ville de Saint-Louis.
La récurrence des accidents fluviomaritimes mortels et des bouleversements environnementaux dans cette partie du fleuve a poussé les pêcheurs locaux, les collectivités territoriales et les habitants des villages environnants à se mobiliser depuis plus de vingt ans aux côtés des pouvoirs publics, pour limiter et atténuer les effets meurtriers et dévastateurs engendrés par l’ouverture de la brèche de Saint-Louis.
Au moins entre 400 et 500 morts y ont été enregistrés entre 2003 et 2022, dans des accidents fluviomaritimes. Ces drames ont principalement fait des victimes du côté des pêcheurs locaux, selon les pouvoirs publics et les pêcheurs.
La brèche a été creusée dans l’urgence le 3 octobre 2003, sur la partie sud de la langue de Barbarie, vers l’embouchure du fleuve Sénégal, point de jonction avec la mer.
Elle a été réalisée à l’époque sur initiative des autorités régionales, pour libérer des eaux pluviales, des quartiers inondés de la langue de Barbarie, une bande de terre de 400 mètres de large et de 30 kilomètres de long, située sur le littoral de l’île de Saint-Louis.
Creusée initialement sur une largeur de quatre mètres, elle a finalement atteint sept à huit kilomètres de diamètre, en vingt ans, à cause des changements climatiques et de la dynamique sédimentaire.
Constatant cette grande ouverture à l’embouchure, les pêcheurs locaux vont progressivement utiliser ce chenal avec leurs grosses embarcations, pour pénétrer dans la partie continentale de l’île de Saint-Louis afin de décharger leurs captures de poissons mais aussi pour aller en haute mer.
’’Les débarquements de poissons se faisaient avec beaucoup de difficultés, avant l’ouverture de la brèche sur la façade du littoral de l’île de Saint-Louis. L’amélioration de la navigabilité à l’embouchure est favorisée par l’élargissement de la brèche’’, explique Lamine Diagne, chef du service régional des pêches et de la surveillance de Saint-Louis.
Selon lui, cette nouvelle configuration a encouragé les pêcheurs à pénétrer à l’intérieur de l’île de Saint-Louis, avec leurs pirogues et captures.
Récemment affecté à la tête de ce service régional, M. Diagne a reconnu que ‘’l’élargissement du diamètre de l’embouchure a principalement amélioré la navigabilité à l’embouchure’’.
L’élargissement du diamètre de l’embouchure a contribué indirectement au développement de la pêche artisanale à Saint-Louis et au renforcement des équipements et équipages de pêche, estime de son côté Daouda Fall, coordonnateur des réseaux de conseils locaux de pêche artisanale (CLPA) de Saint-Louis.
Daouda Fall, coordonnateur du réseau de conseils locaux de pêche artisanale (CLPA) de Saint-Louis
‘’L’ouverture de la brèche a incontestable changé l’activité de pêche à Saint-Louis dans la mesure où les pêcheurs peuvent désormais accoster avec leurs pirogues à l’intérieur du continent, sur les rives du fleuve Sénégal’’, se félicite le pêcheur, qui est né et a grandi à Saint-Louis, dans le milieu de la pêche.
Trouvé sur la corniche de l’île de Saint-Louis, Daouda Fall contemple, à l’approche de la mi-journée, le ballet incessant des motos et charrettes.
Vêtu d’un boubou blanc, il insiste sur le fait que l’ouverture de la brèche de Saint-Louis ‘’a considérablement contribué au développement de la pêche artisanale même si, à côté, il y a des aspects biens négatifs à relever’’.
Moulaye Mbaye, président du comité de gestion de l’aire marine protégée (AMP) de Saint-Louis
Plus de 400 morts enregistrés à l’embouchure du fleuve
Parmi les aspects négatifs, le pêcheur cite ‘’les nombreuses pertes en vies humaines’’ enregistrées dans des accidents fluvio-maritimes mortels.
Selon lui, les autorités étatiques ont déclaré avoir recensé, de l’ouverture de la brèche en 2003 à aujourd’hui, 400 morts dans des chavirements de pirogues. Ces drames ‘’surviennent généralement au moment où les pêcheurs, de retour en haute mer, tentent de regagner les rives du fleuve Sénégal, à travers l’embouchure, avec leurs pirogues’’, signale-t-il.
‘’Les drames arrivent généralement lorsque ces grandes pirogues, sous l’effet combiné du poids et de la vitesse de progression, heurtent brutalement le fond marin sableux de l’embouchure’’, explique Moulaye Mbaye, président du comité de gestion de l’aire marine protégée (AMP) de Saint-Louis.
‘’Cette embouchure fait aujourd’hui huit kilomètres de large. Elle connaît dans son fond marin, de petites profondeurs par endroits violemment heurtées par de grandes pirogues. Et à chaque fois que les pirogues touchent le fond, il y a des drames, et des chavirements mortels’’, déplore-t-il.
M. Mbaye précise que sur 25 000 pirogues immatriculées au Sénégal, les 10.000 le sont à Saint-Louis.
Lamine Diagne, chef du service régional des pêches et de la surveillance de Saint-Louis
Des mesures préventives prises pour réduire les accidents mortels
L’embouchure étant devenue au fil des années un lieu de passage dangereux et périlleux pour les pêcheurs locaux, le service régional des pêches et de la surveillance de Saint-Louis s’est appuyé sur l’autorité administrative, pour prendre des mesures préventives allant dans le sens de réduire les récurrents accidents mortels.
‘’A cet effet, le préfet de Saint-Louis avait pris en 2008, un arrêté portant réglementation du débarquement de la sardinelle dans la commune de Saint-Louis et l’accès au canal de délestage’’, rappelle Lamine Diagne, chef du service régional des pêches et de la surveillance de Saint-Louis.
Cet arrêté encore en vigueur interdit toute navigation sur l’embouchure, de 19 heures à 7 heures du matin, fait-il savoir, expliquant que son objectif est de freiner ‘’la récurrence des accidents mortels notés à l’embouchure’’.
Il souligne que cet arrêté était la première mesure administrative prise par les pouvoirs publics pour limiter les accidents fluviomaritimes au niveau de la brèche. Des missions de contrôles ont été initiées par les pêcheurs locaux et des équipes mixtes pluri-professionnelles de surveillance (sapeurs-pompiers, eaux et forêts, police, etc.), ajoute M. Diagne
Ces équipes mixtes pluri-professionnelles mobilisées pour appuyer la mise en œuvre de l’arrêté préfectoral travaillent sous l’égide de l’Agence nationale des affaires maritimes (ANAM).
Les équipes sont chargées de faire des patrouilles le long de l’embouchure, de 7 heures à 19 heures, des tranches horaires qui correspondent aux heures de navigation autorisées, indique-t-il.
Lamine Diagne souligne que ces équipes mixtes, communément appelées »check point », veillent du 1er janvier au 31 décembre de chaque année, au respect de l’arrêté préfectoral mais aussi des mesures sécuritaires, comme le port de gilet, et le respect des alertes météorologiques.
Les pêcheurs membres du Groupement d’intérêt économique (GIE) Diamalaye et du CLPA de Saint-Louis ainsi que des partenaires se sont aussi engagés sur le terrain pour le respect des heures autorisées de navigation de l’arrêté préfectoral, renseigne le fonctionnaire.
Dans le cadre de la lutte contre les accidents fluviomaritimes, le chef du service régional des pêches indique qu’un balisage et un dragage du canal ont été exécutés par l’Etat comme mesures sécuritaires pour endiguer les accidents mortels et améliorer davantage la navigabilité.
Lancés en 2019, ces travaux ont porté sur le dragage de la voie navigable de l’embouchure jusqu’au port polonais ainsi que sur le balisage du chenal.
Une enveloppe de sept milliards de francs CFA avait été dégagée par l’Etat pour ces travaux, selon les autorités étatiques.
Mamadou Keita, chef de la circonscription nord de l’ANAM, accordant un entretien à l’APS
Une baisse des accidents fluviomaritimes à l’embouchure
Les mesures préventives ont permis ‘’une régression des cas d’accidents fluviomarines à l’embouchure, passant de 400 à une quarantaine de morts ces dernières années’’, note Lamine Diagne, le chef du service régional des pêches et de la surveillance de Saint-Louis.
Mamadou Keïta, chef de la circonscription nord de l’ANAM, salue aussi les efforts et investissements de l’Etat qui ont contribué à la réduction ‘’des accidents fluviomaritimes à l’embouchure’’.
‘’De 400 décès enregistrés depuis l’ouverture de la brèche, on est passé à deux accidents ou trois par an, en tout cas, à pas plus d’une dizaine de morts par an’’, dit-il. Il appelle à continuer la sensibilisation des pêcheurs au respect des mesures interdisant la navigation nocturne sur l’embouchure.
‘’C’est le non-respect de l’arrêté préfectoral qui favorise les accidents », accuse-t-il, justifiant la nécessité de « renforcer la sensibilisation des pêcheurs et [la poursuite] des missions de surveillance’’.
Concernant les travaux de balisage et de dragage à l’embouchure, Mamadou Keïta rappelle que l’Etat avait fait appel à une entreprise chinoise dans un premier temps, avant de dénoncer ce contrat pour manque de respect de clauses.
Une entreprise belge a finalement dragué l’embouchure sur une distance de 11 kilomètres en huit mois, indique M. Keïta, relevant que le dragage de la brèche et son balisage latéral matérialisé par la pose de 52 bouées (de balisage), de l’embouchure au port polonais, ont permis de réduire de moitié la récurrence des drames.
Pour mener leurs missions de surveillance conjointe, les équipes mixtes disposent de sept vedettes dont deux appartenant à l’ANAM et cinq à d’autres services de l’Etat, selon le chef de la circonscription nord de l’ANAM.
Il appelle les autorités étatiques à renforcer la mission de surveillance de l’embouchure en vedettes tout en dotant les pêcheurs et les habitants des villages environnants de gilets de sauvetage.
Daouda Fall, coordonnateur du Réseau des conseils locaux de pêche artisanale (CLPA) de Saint-Louis, magnifie les activités menées dans le cadre de la campagne de sensibilisation sur les dangers de l’embouchure par les pêcheurs locaux à travers les radios communautaires locales et la diffusion d’alertes ou bulletins météorologiques.
‘’Grâce à ces initiatives de sensibilisation, les pécheurs ont pris conscience du danger de l’embouchure. Cette prise de conscience a permis de réduire les accidents fluviomaritimes touchant ces derniers’’, se félicite M. Fall, imputant ‘’la responsabilité entière des dégâts causés par la brèche aux autorités étatiques’’.
‘’Elles ont ouvert ce canal en 2003, sans au préalable faire des études d’impact environnemental, et sans consulter les pêcheurs locaux’’, dénonce-t-il.
Outre les conséquences meurtrières de la brèche dans la commune de Saint-Louis, l’élargissement de celle-ci a impacté les principales activités socio-économiques des habitants de Ndiébène Gandiole. Les populations de cette commune située à 17 kilomètres de la ville de Saint-Louis ont décidé de se mobiliser contre les effets néfastes de l’élargissement de la brèche.
Limitrophe de l’embouchure du fleuve Sénégal, elle compte près de 30.000 habitants, 30 villages, 6 hameaux, 27 écoles primaires, un lycée, deux collèges, un poste de santé et des cases de santé.
Vue aérienne de la brèche de Saint-Louis
‘’A Ndiébène Gandiole, l’élargissement de la brèche a impacté négativement les activités socio-économiques des populations, comme la pêche, l’élevage, et l’agriculture’’, indique Mamadou Ndiaye, deuxième adjoint au maire de cette collectivité territoriale.
‘’Aujourd’hui, elles ont abandonné ces activités fortement impactées par la salinisation des sols et de la nappe phréatique’’, déplore l’élu local, signalant que les jeunes se sont tournés vers l’émigration clandestine en Europe.
Il déplore ‘’la perte tragique d’une bonne partie de la jeunesse » de la commune.
Tout de blanc vêtu, l’adjoint au maire dégage une grande sérénité dans la tenue traditionnelle qu’il arbore en cet après-midi.
Mamadou Ndiaye, deuxième adjoint au maire de Ndiobène Gandiole
M. Ndiaye indique qu’en guise de solutions à ces problèmes environnementaux, la mairie a formalisé avec des partenaires, trois groupements d »intérêt économique portant sur l’agriculture, la pêche et la transformation des produits locaux, au profit des populations locales, particulièrement des jeunes.
Ces trois GIE ont bénéficié chacun d’un financement de quatre millions de francs CFA, précise-t-il, expliquant que la commune a misé sur le partenariat et la sensibilisation ‘’pour retenir sa jeunesse’’.
Il assure que la mairie est disposée à accompagner les jeunes, les GIE, dans le processus d’acquisition de parcelles agricoles. ‘’Il est vrai qu’une partie des terres est impactée par la salinisation mais d’autres sont encore cultivables’’, assure-t-il.
‘’Nous sensibilisons les jeunes contre l’émigration clandestine, à travers les radios communautaires, et les réseaux sociaux. Nous les appelons à croire à un destin possible ici, et non à l’étranger’’, lance M. Ndiaye.
Situés sur l’emprise de l’embouchure du fleuve Sénégal, l’aire marine protégée de Saint-Louis et le Parc national de la langue de Barbarie n’ont pas non plus été épargnés par les effets destructeurs engendrés par l’agrandissement du canal de délestage.
Du côté de l’AMP de Saint-Louis, l’ouverture de la brèche a détruit la flore et les dunes de sable. Des efforts ont été entrepris pour restaurer ses anciens écosystèmes, indique son conservateur, le capitaine Didier Kabou, à l’entame d’une visite de terrain de plus de deux tours d’horloge.
Sur la plage de l’AMP, des traces de pattes d’oiseaux sont visibles. Au milieu de la réserve, des limicoles se pavanent allègrement.
Les espèces végétales endémiques comme le ‘’paspalum’’ et le prosopis y poussent naturellement. Au fur et à mesure qu’on progresse dans ce foyer écologique, on découvre diverses plantes qui jalonnent les pistes sablonneuses et une bande de filaos à perte de vue. Ces végétaux foisonnent sur le relief de l’AMP et forment de jolis tapis verts agréables à contempler.
L’AMP abrite une importante ressource avifaune composée de pélicans blancs (Pelicanus onocrotalus), de sternes caspiennes (Sterna caspia), de balbuzards pêcheurs (Pandion haleaetus), de goélands bruns (Larus fuscus), de mouettes à tête grise (Larus cirrocephalus), et de grands cormorans (phalocrocorax carbo).
Oiseaux migrateurs à l’aire marine protégée de Saint-Louis- (Crédit photo-Site AMP)
Créée 2004, cette aire protégée s’étend sur 49 600 hectares dont 527 constitués essentiellement d’écosystèmes littoraux.
107 hectares de filaos reboisés dans l’AMP
Elle est limitrophe aux communes de Saint-Louis, Gandon et Ndiébène Gandiole et vise trois objectifs : la conservation de la biodiversité marine et côtière, la restauration des habitats marins et côtiers, et l’amélioration des revenus des ménages autour de l’AMP.
‘’Depuis 2012, nous sommes à 107 hectares de filaos reboisés dans l’AMP. Nous avons également mis en place un dispositif qui permet de reconstituer le sable et le cordon dunaire de la langue de Barbarie’’, fait savoir son conservateur.
Vêtu d’un tee-shirt noir et d’un pantalon kaki militaire, Didier Kabou parait plus jeune que son âge malgré ses 50 ans.
Le capitaine Didier Kabou, conservateur de l’aire marine protégée lors d’un entretien accordé aux journalistes de l’APS
Le natif de la Casamance est un habitué du terrain pour avoir servi au Parc national de Niokolo Koba, une aire protégée qui se distingue aussi par la richesse de sa biodiversité et de ses écosystèmes.
‘’L’autre problème de l’AMP né de l’ouverture de la brèche, est l’ensablement du fleuve à l’origine de beaucoup de problèmes de navigation’’, signale-t-il, se réjouissant de la réaction positive apportée par ‘’les pouvoirs publics dans la restauration des écosystèmes détruits par l’ouverture du canal de délestage’’.
L’AMP de Saint-Louis compte 41 espèces d’oiseaux et reçoit en moyenne jusqu’à 10 000 oiseaux, selon les opérations mensuelles de décompte des oiseaux d’eau.
Les grandes vagues de migrations d’oiseaux arrivent en période de froid dans l’hémisphère nord correspondant ici à la période entre les mois de novembre et d’avril. C’est à cette période que l’AMP enregistre des pics d’arrivées d’oiseaux migrateurs.
L’AMP compte également des zones de reproduction dont celle dédiée aux tortues marines, et d’expérimentation de la reconstitution du cordon dunaire et de lutte contre l’érosion côtière.
Le conservateur indique qu’après cartographie de l’AMP, neuf unités de gestion ont été mises en place dont des unités dédiées à l’écotourisme et au maraîchage.
Cette brèche réalisée en 2003 a connu une dynamique allant vers le sud de la langue de Barbarie, explique-t-il, relevant une érosion côtière au nord et une sédimentation au sud.
Concernant la lutte contre les effets de la brèche, ‘’nous avons expérimenté dans l’AMP les pièges à sable réalisés avec les plantes de typhas et des palissages pour piéger le sable et reconstituer le cordon dunaire de la langue de Barbarie’’, explique-t-il.
Il indique que des actions de reboisement pour fixer les dunes et reconstituer le cordon protecteur de la langue de Barbarie ont été déroulées dans les villages environnants, à l’embouchure en rapport avec les populations locales.
Palissage érigé par les gestionnaires de l’AMP pour fixer les dunes de sable
‘’En amont de ces villages, il y avait la langue de Barbarie qui jouait un rôle de cordon naturel protecteur pour les villages de Doun Baba Dièye, de Ndiébéne Gandiole et Gandon’’, rappelle-t-il. Selon lui, ‘’c’est ce rôle du cordon de la langue de Barbarie qu’on avait perdu avec l’ouverture de la brèche, en 2003’’.
Il signale qu’à côté des actions de reboisement, l’AMP a accompagné avec des dons d’intrants et de matériels, les populations des villages dans la mise en place de blocs maraîchers. ‘’Aujourd’hui, à Doun Baba Dièye, un village rayé de la carte par l’ouverture de la brèche, des actions de reboisement et d’aménagement de maraîchers sont en cours, pour permettre aux populations de vivre de leurs activités de maraîchage’’, dit-il.
Des maraîchers réalisent 1,2 million de FCFA de chiffre d’affaire par campagne
Il rappelle que les populations de ce village et environs s’adonnent à des activités de maraichage pour ravitailler en légumes la ville de Saint-Louis.
‘’Malheureusement, avec l’ouverture de la brèche, elles ont abandonné à un moment donné le maraîchage pour se reconvertir dans la pêche’’, déplore-t-il, avant de se réjouir de la restauration du cordon dunaire de la langue de Barbarie.
L’activité de maraîchage rapporte énormément aux maraîchers avec 1,2 million de francs CFA de chiffre d’affaires par campagne, selon des enquêtes menées auprès de maraîchers, fait-il savoir.
Des données de l’AMP sur les superficies (en ha) de filaos reboisés de 2012 à 2022
Le capitaine Kabou lance un vibrant appel aux partenaires pour qu’ils viennent accompagner l’AMP dans la restauration de la langue de Barbarie, seule barrière qui protégeait la ville de Saint-Louis de l’avancée de la mer.
‘’Avec les activités économiques qui se profilent à l’horizon dont l’exploitation du pétrole et du gaz, c’est sûr qu’il y aura beaucoup de structures qui vont s’installer à Saint-Louis. Donc, c’est le moment d’anticiper sur la conservation de la langue de Barbarie, le dernier rempart qui protège Saint-Louis des rigueurs de la mer’’, fait-il valoir.
Au Parc national de la langue de Barbarie (PNLB), limitrophe de 17 villages riverains du fleuve Sénégal, l’ouverture de la brèche et l’érosion côtière menacent aujourd’hui l’ilot aux oiseaux, a alerté l’adjoint au conservateur du PNLB, le lieutenant Bélal Diédhiou, à l’entame d’une visite du PNLB à bord d’une vedette.
‘’Cette brèche de Saint-Louis, dans sa progression du nord vers le sud sous l’effet des courants, risque de faire disparaître l’ilot’’, prévient-il.
Le lieutenant Bélal Diedhiou expliquant l’avancée de la mer au Parc national de la langue de Barbarie
Le point focal du PNLB est représenté par l’ilot de reproduction. Il avait 2 ha de superficie, mais a perdu 1/3 de sa superficie sous l’effet de l’érosion côtière. Cet ilot, dit-il, est un point important du parc qui reçoit chaque année des milliers d’oiseaux migrateurs.
Bélal Diédhiou rappelle qu’avant la réduction de sa superficie, 10 espèces d’oiseaux se reproduisaient sur le site. ‘’Ce nombre est maintenant passé à quatre espèces d’oiseaux’’, déplore-t-il.
Le long de la plage, les dégâts de la brèche sont toujours visibles avec notamment la disparition de filaos ravagés par la salinité et la forte érosion du rivage. Au fil des années, le parc a gravement subi les affres des changements climatiques, entraînant une disparition progressive des écosystèmes forestiers.
Il est environ 16h. Un vent frais caresse les visages tandis que le soleil darde ses rayons.
Après 20 minutes de navigation, la vedette arrive sur l’îlot de reproduction des oiseaux où se concentrent plus de 10 mille espèces avifaunes entre les mois novembre et d’avril.
Des actions menées avec des partenaires ont permis de mettre en place, un cordon pierreux destiné à protéger l’îlot, confie M. Diédhiou. Il signale que ce cordon a lâché au bout de quelques jours seulement, sous l’effet des submersions marines et des grandes marées.
Au milieu du fleuve, à bord de l’embarcation, une vue large des côtes où on peut constater facilement les impacts du canal de délestage s’offre aux visiteurs: l’érosion côtière des sites abritant des campements et hôtels qui se trouvent sur le rivage du fleuve et la dégradation progressive du cordon pierreux érigé pour empêcher la disparition de l’ilot de reproduction des oiseaux.
Oiseaux migrateurs au Parc national de la Langue de Barbarie
Bélal Diédhiou renseigne que les nouvelles options envisagées pour sauver l’îlot d’une disparition portent sur une restauration, un aménagement en hauteur ou encore la création d’un îlot artificiel sur la partie nord.
‘’Mais nous craignons que les oiseaux migrateurs qui ont l’habitude d’être sur l’îlot de reproduction n’acceptent pas l’îlot artificiel’’, redoute-t-il, soulignant que la réflexion se poursuit pour voir la meilleure option à prendre à ce niveau.
Il assure que des solutions durables contre la brèche sont en cours d’étude, montrant du doigt la zone de reproduction des tortues marines du parc située entre l’océan Atlantique et le fleuve Sénégal.
Créé en 1976, le PNLB s’étend sur 2000 hectares entre les communes de Ndiébéne Gandiole (Saint-Louis) et Léona (Louga). Sa création vise d’abord la protection des milliers de colonies nicheuses qui quittent chaque année l’Europe à cause de l’hiver pour se reproduire ici et la protection des tortues marines dont quatre espèces évoluent au PNLB.
Le PNLB est constitué d’un écosystème marin, fluvial, et lagunaire
L’adjoint au conservateur souligne que le PNLB est confronté également à une perte des surfaces de plage de la langue de Barbarie où se trouvent des sites de pontes de tortues marines.
Sur une petite bande de terre qui sépare la mer et le fleuve du Sénégal, se dressent des filaos à perte vue. ‘’Vous voyez, ces écosystèmes forestiers ont été reboisés avec l’appui des partenaires, c’est pour fixer le sol’’, souligne-t-il.
Sur la plage apparait un fort rétrécissement de la côte. ‘’Cette plage fréquentée par des tortues marines est actuellement menacée par l’avancée de la brèche et l’érosion côtière. Une situation qui met en péril ces sites de ponte des tortues marines au point que l’année dernière on n’a pas eu de remontée de tortues’’, regrette-t-il. Il signale qu’en 2023, il y a eu seulement quatre remontées de tortues au niveau du parc.
Concernant la lutte contre la remontée de la salinité, relève-t-il, les dunes sont fixées avec les filaos qui jouent aussi le rôle d’abri des oiseaux.
‘’Nous faisons des activités de reboisement de la mangrove qui joue un rôle écologique important, notamment la séquestration du carbone. Nous reboisons aussi au niveau du parc des espèces qui résistent à la salinité des sols et à l’érosion côtière’’, fait-il savoir, annonçant la mise en place d’une pépinière de ces espèces pour la restauration de terres dégradées par la salinité.
Le lieutenant Diédhiou reconnaît que la remontée de la salinité n’a pas été entièrement mauvaise pour les populations des 17 villages limitrophes du PNLB.
Selon lui, ‘’grâce à la remontée de la salinité, des arches, des huîtres, et des coquillages sont apparus dans le Gandiole, à cause du bouleversement de l’écosystème marin, poussant les populations riveraines, en majorité des femmes, à se lancer dans l’élevage de fruits de mer’’.
Moussa Niang, éco-garde et ressortissant de la commune de Ndiébène Gandiole, souligne que la remontée de la salinité de la nappe phréatique et des terres, avec l’ouverture de la brèche, a transformé cette zone d’horticulture.
Moussa Niang, éco- garde habitant la commune de Ndiobène Gandiole
‘’Les activités touchées par les effets de la brèche sont l’horticulture, mais les femmes s’adonnent maintenant à l’ostréiculture, la récolte des arches et des fruits de mer’’, renseigne M. Niang. Il rappelle que ces espèces y avaient été observées en 2008.
Ce changement de l’écosystème a permis aux femmes qui avaient perdu leurs terres de se reconvertir dans l’ostréiculture et l’élevage de fruits de mer, s’est-il réjoui.
Pape Aldiouma Cissé, chargé de projet technique senior à l’Agence de développement municipal, (ADM) indique qu’avec l’appui de la Banque mondiale, le gouvernement du Sénégal a initié une étude de modélisation hydrodynamique de l’embouchure du fleuve Sénégal.
‘’Cette étude en cours nous permettra de voir comment va se comporter cette brèche durant les 50 prochaines années et d’apporter des solutions durables de stabilisation de la brèche’’, ajoute M. Cissé, par ailleurs coordonnateur du Projet de protection côtière à Saint-Louis (PPCS).